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Place de la transaction sociale à proximité de la sociologie de l'organisationPuis, l'approche de la transaction se situe à proximité de la sociologie de l'organisation. Selon J. Rémy, « la transaction sociale présuppose que l'on se mette dans la perspective d'un système d'action concret » de Crozier et Friedberg, qui implique « une mise à distance de la perspective fonctionnaliste pour qui l'organisation est considérée comme une solution objective aux problèmes posés par un contexte aux caractéristiques objectivement donnés622(*) ». Et la sociologie de l'organisation adopte « une perspective plus politique où l'organisation apparaît comme un construit social résultat de stratégies et de jeux d'acteurs623(*) ». Mais la transaction sociale marque également une distance vis-à-vis de la sociologie de l'organisation. Ceci dans la mesure où « la transaction sociale met au centre le jeu des acteurs », et « il découle des enjeux multiples et liés à la vie quotidienne » qui sont « transposables à diverses échelles, qui vont de la vie domestique au pouvoir local et aux institutions »624(*). Et la différence entre les deux approches réside dans la place de la « règle explicite ». Selon J. Rémy, dans le cadre de la transaction, la formalisation ou règle explicite n'est pas au centre de l'analyse, mais « une des composantes de la régulation d'un échange »625(*). Si la sociologie de l'organisation s'attache généralement au processus de la négociation autour d'une réglè explicite entre des acteurs stratégiques ayant leurs propres intérêts, l'approche de la transaction sociale essaie d'aller au-delà d'un simple cadre d'échange d'intérêts, en abordant la « coopération ». La distanction entre la négociation et la coopération : si la négociation s'effectue lorsque « le contrat repose sur l'équilibre des intérêts », la coopération « associe au contrat par intérêt une dimension plus directement culturelle et plus existentielle »626(*). Selon M. Blanc, la coopération « fait intervenir des normes et des valeurs qui renvoient peut être à un intérêt général et à long terme », mais dans la négociation, « seuls les intérêts immédiats peuvent étre approximativement mesurés et équilibrés627(*) ». Donc, si le « système d'action concret » tel qu'il est supposé par la sociologie de l'organisation, « est apte à rendre compte de la négociation mais pas la coopération ainsi définie628(*) ». Mais « il y a une combinaison des deux », « la transaction sociale s'applique à la fois aux situations de négociation et de coopération629(*). » La position de la transaction est ainsi nette par rapport au problème de la « régulation », selon Rémy, « au lieu de faire de la régulation le noeud à démêler, la transaction sociale est centrée sur la genène de la relation ou sur les effets du compromis, sur les étapes de l'évolution du rapport social, sur la transformation des termes d'échange et sur la modification des priorités. La transaction s'intéresse surtout au processus de métissage résultant de l'interférence entre pouvoir et contre-pouvoir630(*) ». Revenons ici à notre cas du Projet Nô-Life. L'analyse du processus de la construction du Projet Nô-Life, ainsi que celle du processus du jeu des acteurs institutionnels (gestionnaires du Projet et leurs partenaires) et individuels (stagiaires) (dans le chapitre 3), concerne non seulement certaines règles explicites de l'organisation officielle du Projet, mais implique largement la vie quotidienne (y compris la routine du travail) propre aux différents acteurs. Autrement dit, le jeu des acteurs ne se déroule pas seulement « dans » le Projet, mais également « autour » ou « avec » le Projet. C'est pourquoi nous rejoignons l'approche de la transaction sociale apte à intégrer la négociation définie par rapport à une règle explicite ou officielle, dans le cadre plus large de la coopération. Et l'approche de la transaction sociale nous paraît tout à fait appropriée pour analyser le processus du Projet Nô-Life où la transaction sociale se prolonge à partir du compromis institutionnel (entre la BPA et la CAT) à d'autres échanges entre ses usagers (stagiaires) et les institutions partenaires, en terme de « métissage » de représentations et d'actions dans une interférence entre les acteurs ainsi dotés de pouvoirs de différents niveaux et types. * 622 Rémy, 1994 : 293. * 623 Ibid. Il est intéressant d'évoquer que l'approche stratégique de M. Crozier constitue le quatrième courant de la sociologie contemporaine selon P. Ansart ! * 624 Ibid. : 294. * 625 Ibid. * 626 Bourdin, 1992, cité par Blanc, 1994 : 37. * 627 Blanc, 1994 : 37 « Et la coopéation ne supprime pas tout calcul d'intérêts mais elle l'inclut dans une logique plus complexe et elle déborde le paradigme utilitariste. » * 628 Ibid. * 629 Ibid. * 630 REMY, 1992, cité par Blanc, 1994 : 37. |