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Dynamique des représentations sociales de l'agriculture et de la ruralité dans un contexte territorial du vieillissement de la population : Le cas du « Projet Nô-Life » de la Ville de Toyota au Japon


par Kenjiro Muramatsu
Université de Liège
Traductions: Original: fr Source:

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Relation établie entre acteurs

Quelle relation fut établie entre les acteurs à travers ce processus de la construction du Projet ? Pour répondre à cette question, nous allons d'abord constater les positions des sept acteurs institutionnels telles qu'elles ont été établies au niveau représentationnel dans le processus de la construction de l'agriculture de type Ikigai.

Plus haut, nous avons déjà spécifié les variantes correspondantes à chacun des septs acteurs institutionnels dans le schéma représentationnel de l'agriculture de type Ikigai que nous avons établi. Ce schéma ci-dessous montre leurs prises de position dans le processus de la construction du Projet Nô-Life.

Dans ce schéma, nous repérons donc les trois positions suivantes parmi ces sept acteurs institutionnels :

1. Intérêt général et agricole cherchant à rendre compatible les trois éléments (BPA et BDPA)

2. Intérêt du secteur agricole cherchant à utiliser le lien social et territorial au profit de la production agricole (CAT, GASATA et ECV). Parmi eux, l'ECV (vulgarisateur agricole) penche plus du côté de la production matérielle. Tandis que le GASATA (groupement d'arboriculteurs professionnels) cherche plus à développer et diversifier le lien social et territorial pour maintenir leur zone de production frutière dans une situation de crise.

3. Intérêt général mais avec peu de lien avec l'agriculture, cherchant à améliorer la qualité de vie de la population locale âgée via le développement du lien social et territorial. L'agriculture de type Ikigai peut Qualité de vie

Lien social et territorial

Production matérielle

V. 1 

V. 2

BPA*

V. 4

BDPA

SCI

CAT*

ECV

GASATA

V. 3

*BPA et CAT sont les co-gestionnaires du Projet Nô-Life.

Schéma : positions des acteurs institutionnels dans le schéma représentationnel de l'agriculture de type Ikigai

partiellement servir à cet intérêt. (SCI et CFLS)

Cette divergence d'intérêts des acteurs institutionnels n'est évidemment pas sans rapport avec la différence ou la division objective de leurs rôles institutionnels respectifs. Mais cela n'est ni figé ni mécanique, quand nous les situons dans un processus socio-local d'une politique spécifique. Cela est vrai d'autant plus que la situation de l'agriculture de type Ikigai est émergente ces dix dernières années et qu'elle est encore en train de se transformer dans le contexte du vieillissement acceléré de la population. Autrement dit, nous sommes amenés à voir ce processus comme un systéme dans un contexte spatio-temporellement limitée, dans lequel chaque acteur peut agir et communiquer en interaction avec les éléments extérieurs et intérieurs y compris ces acteurs eux-mêmes et les objets concernés716(*).

Nous reprérons là une relation de « coopération » mais basée sur une telle divergence de positions représentationnelles. Nous essaierons d'abord d'eclairer cette relation en terme de « compromis », dont la définition est élaborée notamment par Boltanski et Thévenot de manière à le traiter comme un concept sociologique par exellence tout en dépassant le sens habituel du terme comme un simple acte d'arrangement basé sur des concessions mutuelles.

Relation de compromis

Pour comprendre la relation établie entre les acteurs institutionnels du Projet Nô-Life, la notion de compromis nous paraît pertinente. Sur cette notion, L. Boltanski et L. Thévenot donnent une définition claire à cette notion. Pour notre examen, nous suivrons l'explication donnée dans un ouvrage récent de M. Nachi qui nous apporte un bon éclaicissement sur la sociologie de Boltanski717(*). D'après M. Nachi, ce sont Boltanski et Thévenot qui donnèrent à la notion du compromis une place centrale dans la sociologie718(*).

Approche du Bien commun : construction d'accords contraignants

Le compromis constitue une des trois figures de l'accord avec l'arrangement et la relativisation. Le point commun de ces trois figures est qu' « ils se présentent comme une alternative lorsque la sortie de crise devient impossible719(*) ».

L'arrangement est défini comme un « accord contingent » qui n'a pas de justification en commun entre les personnes qui procèdent à cet arrangement. Il s'arrange uniquement sur la base de leurs intérêts respectifs. Il est donc relativiste720(*).

Puis, dans la relativisation, on suspend l'accord afin d'éviter le désaccord et de détendre la situation721(*).

A la différence de ces deux formes de l'accord, le compromis ne se base pas uniquement sur les intérêts particuliers des personnes qui entrent en compromis, mais il se base sur un « bien commun » qui ne relève ni de l'une ni de l'autre partie, mais comprend les deux722(*).

Donc, le compromis implique nécessairement une pluralité de grandeurs ayant chacune une part de justification dotée d'une généralité spécifique. La définition du compromis est ainsi donnée par Thévenot : « une action soumise à des contraintes plus fortes, cherchant à être justifiable - ou raisonnable - et à s'inscrire dans un équilibre global723(*) ». Puis, en visant un bien commun, le compromis a pour objectif de résoudre le conflit, la tension, le désaccord entre des personnes appartenant à différentes grandeurs. Donc, dans une situation de compromis, des contraintes et des conflits entre les parties sont indissociables724(*).

Puis, la situation du compromis est complexe et hybride, car elle est marquée par la présence d'objets hétérogènes725(*). Et ce bien commun suppose des motifs visant une construction et une manifestation d'accords plus ou moins durables726(*).

* 716 Dans ce sens, l'introduction suivante de P. Bourdieu pour parler du « champ des pouvoirs locaux » est eclairante : « De même que la `politique du logement' est au niveau central, le produit d'une longue suite d'interactions accomplies sous contraintes structurales, de même, les mesures réglementaires qui sont constitutives de cette politique seront elles-mêmes réinterprétées et redéfinies au travers d'une nouvelle série d'interactions entre des agents qui, en fonction de leur position dans des structures objectives de pouvoir définies à l'échelle d'une unité territoriale, région ou département, poursuivent des stratégies différentes ou antagonistes. » (Bourdieu, 2000 : 155)

* 717 NACHI, M. (2006), « D'une pragmatique du compromis à une phéoménologie de l'arrangement » (Chapitre IV), Introduction à la sociologie pragmatique : vers un nouveau « style » sociologique ?, Paris, Armand Colin : p.173-185. Dans cette partie sur le compromis, il se base principalement sur l'ouvrage suivant : BOLTANSKI, L., THEVENOT, L. (1991), De la justification. Les Economies de la grandeur, Paris, Gallimard.

* 718 Chez Boltanski et Thévenot, « il est même érigé au rang d'un concept central et bénéficie d'une réflexion de la plus grande importance » (Nachi, 2006 : 174). Ils sont « parmi les rares auteurs qui sont allés le plus loin dans la problématisation du compromis » (Ibid.).

* 719 Ibid.: 173.

* 720 Ibid. : 180-181.

* 721 Ibid. : 181-183.

* 722 Ibid. : 175.

* 723 Thévenot, 1989 : p177, cité par Nachi, 2006 : 174.

* 724 « C'est cette pluralité cosubstantielle au monde de la vie sociale qui véhicule en son sein les marques du compromis. Car, dans un tel monde, le bien commun ne peut être atteint par le recours à une grandeur unique. Il faut le concours de plusieurs principes d'équivalence, de plusieurs formes de généralités. Le compromis a pour objectif de résoudre des conflits et de régler des différends en mobilisant des principes et des objets relevant de mondes différents ». Nachi, 2006 : 174)

* 725 « la multiplication des objets composites qui se corroborent et leur identification à une forme commune contribuent ainsi à stabiliser, à frayer le compromis. Lorsqu'un compromis est frayé, les êtres qu'il rapproche deviennent difficilement détachables. » (BOLTANSKI, L., THEVENOT, L., 1991 : 340, cité par Nachi, 2006 : 175)

* 726 « Une telle figure sous-entend des relations interindividuelles animées par des motifs visant `à construire, à manifester et à sceller des accords plus ou moins durables' »( BOLTANSKI, L., THEVENOT, L., 1991 : 39, cité par Nachi, 2006 : 175)

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