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Ambiguïté : contraintes et question de compatibilitéUne des caractéristiques du compromis réside dans l'ambiguïté de son principe. Celle-ci du fait que les personnes entrant en compromis renoncent à clarifier les principes sur lesquels se base leur compromis, sans pour autant exclure l'impératif de justification727(*). Cette ambiguïté est en partie due aux contraintes du compromis, parce que celui-ci doit impliquer des « principes d'équivalence satisfaisant différents ordres de grandeur » ainsi que le « rapprochement de grandeurs a priori incompatibles »728(*). Dans le compromis, il suppose donc la question de compatibilité des objets relevant de mondes différents729(*). FragilitéL'ambiguïté des principes et les contraintes du compromis constituent également des sources de fragilité. Cette fragilité est inévitable car dans le compromis, l'identité des parties ne peut pas être mise en cause afin de maintenir le compromis730(*). C'est pourquoi le compromis nécessite que le bien commun (ou l'intérêt général) visé dépasse un simple arrangement basé uniquement sur les intérêts particuliers. Il s'agit de la constitution d'une « cité » par ce bien commun731(*). Dans cette optique, la dispute entre les parties n'est pas forcément réglée par une logique légitime d'un seul monde, mais suspendue en vue de constituer un compromis. Donc, un compromis risque toujours d'être déstabilisé ou mis en question par la critique ou la dénonciation732(*). Possibilité de transformation ou de consolidationPour surmonter cette fragilité, il faut que le compromis fasse l'objet d'une transformation ou d'une consolidation « en faisant référence à des êtres et à des objets appartenant à divers mondes mais disposant d'une identité autonome733(*). Mais comment ? Selon Boltanski et Thévenot, il faut doter les éléments constitutifs du compromis d' « une identité propre » en mettant ces éléments « au service du bien commun734(*) ». Mise en parallèle du concept de compromis avec les autres éléments théoriquesAprès ce survol des caractéristiques du compromis tel qu'il est conceptualisé par Boltanski et Thévenot, essayons de mettre en parallèle ce concept avec les autres éléments théoriques mobilisés dans notre analyse : représentation sociale ; bricolage ; transaction sociale ; transcodage. Représentation socialeL'approche des représentations sociales que nous avons présenté dans le chapitre 1, consiste à comprendre comme un processus la relation dialectique entre les représentations portées par les acteurs concernés, leurs rapports sociaux et leurs actions. Surtout via la notion de l'objectivation et celle de l'ancrage, cette approche vise à articuler les éléments représentationnels et réels dans leur complexité. Dans ce sens, cette approche, nous semble-t-il, peut être un outil pertinent pour éclairer la situation complexe de compromis. D'autant plus que celle-ci est marquée par la présence d'objets hétérogènes relevant de différents mondes qui, à notre égard, impliquent nécessairement des produits de représentations sociales. La question de mode d'articulation de ces objets hétérogènes pour constituer un compromis nous renvoie directement à interroger celui des représentations sociales. * 727 Nachi, 2006 : 175. * 728 Ibid. : 175. * 729 « (...) il [compromis] présume le dépassement des intérêts purement individuels ainsi que l'existence d'un bien supérieur commun : `le compromis suggère l'éventualité d'un principe capable de rendre compatibles des jugements s'appuyant sur des objets relevant de mondes différents.(...)' » (Ibid. : 176) * 730 Ibid. : 176. * 731 Ibid. * 732 Ibid. * 733 Ibid. : 177. * 734 « une façon de durcir le compromis est de mettre au service du bien commun des objets composés d'éléments relevant de différents mondes et de les doter d'une identité propre en sorte que leur forme ne soit pas reconnaissable si on leur soustrait l'un ou l'autre des éléments d'origine disparate dont ils sont constitués » (BOLTANSKI, L., THEVENOT, L., 1991 : 339, cité par Nachi, 2006 : 177) |