Rappel d'apports théoriques
Transaction sociale : pour une création de
nouveaux dispositifs alternatifs...
Avant de formuler ces propositions, il serait utile de
tenir compte des apports de l'approche de la transaction sociale
proposée par M. Mormont, et celle du transcodage de P. Lascoumes.
Dans l'optique de la transaction sociale, M. Mormont
insiste sur la nécessité de créer de nouveaux dispositifs
alternatifs permettant aux agents d'anticiper et de s'engager pour mettre en
oeuvre une politique publique tout en maintenant leurs perspectives
identitaires respectives. Et ceci s'accompagnant d'une complète
reconsidération de « l'appareil de règles »
du monde professionnel portés par un ensemble d'agents dominants, comme
porteur de cadre stabilisateur des anticipations de tous les agents
concernés.
La création de tels nouveaux dispositifs
apparaît nécessaire, d'autant plus que cette proposition de M.
Mormont se base sur le contexte d'une politique agricole européenne en
matière d'environnement, qui risque toujours de mettre en cause
l'identité de la profession agricole basée sur le productivisme
historiquement constitué depuis les années 50, dont la
définition légitime est portée par le monde agricole
professionnel.
Concernant le cas du Projet Nô-Life, bien que le
contexte soit fort différent de la politique européenne, nous
pouvons rejointre la direction de M. Mormont dans la mesure où la
définition de la profession agricole et de l'agriculture est mise en
question, tout en tenant compte également de la présence de
« l'appreil de règles » porté par les agents
principaux du monde agricole professionnel.
Il faudrait donc envisager, dans nos propositions, de
nouveaux dispositifs alternatifs dans lesquels les agents gestionnaires et
partenaires du Projet Nô-Life mettent en place un cadre stabilisateur des
anticipations de tous les acteurs concernés pour que les stagiaires
marginalisés et les agents institutionnels faiblement
représentés puissent s'y engager pleinement.
Redéfinition de l'agriculture par rapport
à sa définition historiquement légitimée
Puis, concernant la redéfinition de la profession
agricole et de l'agriculture, pour en trouver une alternative, il faudrait
d'abord dépasser la définition officielle de l'agriculture de
type Ikigai, telle qu'elle est présentée par la
Municipalité de Toyota et le Projet Nô-Life, qui est basée
sur la dichotomie entre l'agriculture de type industriel et celle de type
Ikigai (nous l'avons examiné dans le chapitre 2 avec le Plan de 96).
En effet, comme nous l'avons vu, dans le Projet
Nô-Life, l'agriculture de type Ikigai est officiellement promue par un
ancien slogan (un million de yens de revenu agricole annuel) repris de
l'histoire de la modernisation agricole japonaise datant de l'époque de
la Haute croissance économique des années 60-70 au cours de
laquelle le problème de la disparité économique entre les
couches agricole et salariale était important, et où le
rattrapage du retard économique constituait un thème global de la
politique agricole au Japon (Comme M. Kamihata, un stagiaire et ex-agriculteur
de Kagoshima, se le remémorait lors de notre entretien ). On a alors
réduit le critère de la définition de l'agriculture au
seul critère économique. Ce qui risque d'ignorer les autres types
d'éléments représentationnels de l'agriculture : la
qualité de vie et le lien social et territorial. Ceux dans lesquels
l'aspect environnemental peut également être pris en
considération tant au niveau de la production qu'au niveau de la
consommation et du style de vie.
Pourquoi cette reproduction de la définition
dominante et historique de la profession agricole dans la définition de
l'agriculture de type Ikigai est-elle promue par le Projet Nô-Life ?
Cela est non seulement dû à l'emprise de l'ensemble des agents
institutionnels du monde agricole professionnel, mais également à
l'absence de critère alternatif pour définir l'agriculture d'un
nouveau type qui porterait une identité propre. Dans le sens de
Boltanski, cette identité devrait se référer aux
représentations présentes au sein des acteurs concernés,
et être justifiable dans le cadre de la politique du Projet
Nô-Life.
D'ailleurs, le Centre Nô-Life est déjà
doté de nouveaux dispositifs pour pouvoir développer les
agriculteurs et l'agriculture d'un nouveau type. Les quatres activités
principales du Projet déjà établies (formation, entremise
de terrains, entremise d'emplois agricoles, recherche de nouveaux produits)
seront peut-être à réarticuler avec des idées
alternatives pour régler la situation
déséquilibrée. A cet effet, il peut toujours s'appuyer sur
les dispositifs de l'administration agricole, ainsi que ceux du secteur
agricole qui est en coopération avec lui. Mais ceci tout en cherchant
à les valoriser autrement que dans l'orientation actuelle...
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