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La protection du délégué du personnel en droit du travail camerounais

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par Paulin KAMENI WENDJI
Université de Douala - Master 2 Recherche en Droit Privé Fondamental 2008
  

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CHAPITRE 1

Le contrat du travail, à l'image d'une plante, naît, vit, s'étiole et disparaît. La rupture du contrat de travail peut ainsi être le fait même du salarié, auquel cas on parle de démission, ou l'initiative de l'employeur et dans ce dernier cas, on se situe sur le terrain du licenciement. En effet, le licenciement27(*) est la rupture du contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative de l'employeur contrairement au contrat à durée déterminée où c'est l'arrivée du terme qui met fin aux relations entre les parties contractantes. Il existe une variété de types de licenciement que l'employeur peut faire recours pour mettre fin au contrat de travail du délégué du personnel. Quel qu'en soit le type de licenciement, l'employeur qui veut rompre le contrat de travail d'un délégué du personnel, qu'il soit titulaire ou suppléant, doit témoigner d'une cause réelle et sérieuse en adressant une demande à l'autorité compétente28(*).

Le licenciement individuel ou pour cause personnelle est celui qui est effectué en raison d'une faute du salarié29(*). Ce licenciement effectué en raison du pouvoir disciplinaire de l'employeur peut dans certains cas faire l'objet d'un conflit individuel opposant l'employeur et le travailleur.

L'employeur peut également user de ses pouvoirs et licencier les salariés y compris le délégué du personnel pour motif économique. Ce licenciement collectif résultant des difficultés d'ordre conjoncturel30(*) ou structurel31(*) n'est valable que s'il obéit au régime juridique prévu par la loi. En effet, l'employeur doit réunir le délégué du personnel et l'inspecteur du travail et rechercher avec eux des mesures alternatives32(*) dans le dessein de sauvegarder les emplois des salariés de l'entreprise.

Si cette tentative échoue ou si malgré les négociations certains licenciements s'avèrent nécessaires, l'employeur doit établir la liste des travailleurs à congédier, communiquer cette liste au délégué du personnel et enfin transmettre sa communication et la réponse du délégué du personnel au ministre du travail pour arbitrage33(*).

Le délégué du personnel, salarié protégé en raison de son statut représentatif ne peut lui-même être compressé que si son emploi est supprimé et sans possibilité de réemploi.

Quelque soit le type de licenciement, individuel ou collectif, le délégué du personnel bénéficie toujours de son statut protecteur. Il ne peut être licencié que sur autorisation de l'inspecteur du travail auquel dépend l'établissement ou l'entreprise. C'est d'ailleurs ce que prévoit l'article 130 alinéa 1 du Code du travail quand il dispose : « Tout licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, envisagé par l'employeur est subordonné à l'autorisation de l'inspecteur du travail du ressort ».

Ainsi, quelles sont les sanctions applicables en cas de violation de cette règle impérative, bref d'ordre public ?

Le licenciement du délégué du personnel pose un problème particulier. L'employeur a le pouvoir de mettre fin unilatéralement à un contrat de travail pour des motifs légitimes. Mais, il faut empêcher que le licenciement soit en rapport avec l'exercice du mandat du délégué du personnel. Autrement dit, il s'agit d'éviter que l'employeur puisse porter atteinte aux fonctions des délégués du personnel par le truchement de son pouvoir de licenciement. C'est pourquoi il existe une procédure spéciale34(*) de licenciement des délégués du personnel, qui se caractérise essentiellement par la nécessité d'une autorisation préalable de l'inspecteur du travail35(*) (section 1).Ce principe d'autorisation de l'inspecteur du travail étant posé, il importera pour nous de déterminer les sanctions applicables en cas de sa violation (section 2).

SECTION 1 : LA NECESSITE D'UNE AUTORISATION ADMINISTRATIVE : ... LA SAISINE DE L'INSPECTEUR DU TRAVAIL DU RESSORT

L'inspecteur du travail est une autorité administrative. Fonctionnaire de son état, il est le représentant du Ministre du travail et de la prévoyance sociale dans les unités du ressort de son commandement. Cette déconcentration de la gestion des affaires publiques facilite la procédure et rapproche mieux l'administration des administrés. En matière de licenciement des délégués du personnel, il joue un rôle central36(*). Il est nécessaire en raison des pouvoirs dont il dispose d'aggraver sa responsabilité pour limiter la corruption ambiante dans le droit positif camerounais. En effet, tout employeur qui désire se séparer d'un travailleur, délégué du personnel est tenu d'adresser une demande à l'inspecteur du travail (Paragraphe 1) ; ce dernier devant se prononcer au sujet de ladite demande dans les délais impartis par la loi (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La demande d'autorisation adressée à . .. L'inspecteur du travail compétent

Le Ministre du travail et de la prévoyance sociale ne peut pas valablement se déployer sur toute l'étendue du territoire national. C'est sans doute pour cette raison qu'on trouve à l'échelon régional, départemental ou même infra départemental des délégations du ministère du travail et de la prévoyance sociale37(*).

L'inspection du travail est également une structure sous la tutelle du ministère du travail. Elle a à sa tête un inspecteur, autorité adressataire de la demande de licenciement du délégué du personnel dans la circonscription administrative concernée. Cette demande que l'employeur est tenu de signifier à l'inspecteur est d'ordre public dans la mesure où il ne peut s'en passer (A). Après réception, cette autorité administrative doit mener une enquête contradictoire (B) avant de se prononcer.

A- Le caractère d'ordre public de la demande d'autorisation

L'ordre public s'impose et est incontestable. Ainsi, l'employeur qui envisage le licenciement d'un délégué du personnel est obligé de saisir l'autorité administrative compétente38(*) (1). Il ne peut recourir à aucun autre moyen sans toutefois saisir l'inspecteur compétent, d'où le refus de la résiliation judiciaire du contrat (2).

1- L'obligation de saisir l'inspecteur du travail

Les pouvoirs de direction et disciplinaire de l'employeur au sujet du licenciement du délégué du personnel sont considérablement amoindris39(*). Ces restrictions sont faites en raison du mandat que le délégué du personnel incarne au sein de l'entreprise ou de l'établissement. En effet, l'employeur est tenu de saisir l'inspecteur compétent par une demande comportant les motifs de la rupture du contrat.

Ainsi, quelle forme doit revêtir cette demande ? Sur quels motifs l'employeur peut-il se fonder pour évincer de l'entreprise un délégué du personnel ?

Relativement à la forme de la demande, le droit social camerounais est muet. Nous pouvons donc en raison du silence des textes penser que le choix revient à l'employeur. Cette demande doit être écrite et non verbale. L'employeur peut ainsi formuler une demande avec accusé de réception, ou même une demande contresignée par lui et l'inspecteur ou le représentant de ce dernier. La loi n'a prévu aucun mode d'envoi de cette demande. A notre sens, l'acheminement direct à l'inspection du travail par l'employeur ou un de ses représentants est le moyen le plus commode. Il s'agit là d'éviter les lenteurs que regorge la voie postale dans notre système juridique. Quelque soit la forme empruntée, l'employeur doit clarifier dans sa demande les mobiles de la rupture du contrat de travail du délégué du personnel.

L'employeur doit invoquer un motif valable et sérieux dans la demande adressée à l'inspecteur du travail. Il peut s'agir de la faute, de l'incompétence du travailleur ou des motifs économiques. La faute est un motif légitime de licenciement lorsqu'elle présente une certaine gravité. Il est jugé de nos jours que la faute légère ne peut constituer un motif de légitime de licenciement. Il en va autrement de la faute grave et de la faute lourde40(*).

L'employeur peut de même se fonder sur l'incompétence du travailleur à tenir son poste de travail, sa mauvaise manière de servir. Les difficultés d'ordre conjoncturel peuvent enfin justifier le licenciement du salarié au sein de l'entreprise. Cette rupture du contrat de travail du délégué du personnel ne peut être décidée que par l'inspecteur du travail. Le droit de résiliation judiciaire du contrat de travail du délégué du personnel ayant été prohibé depuis les célèbres arrêts PERRIER des années 197441(*).

2- Le refus de la résiliation judiciaire du contrat

La question du licenciement du délégué du personnel a été soustraite de l'examen de l'autorité judiciaire depuis les célèbres arrêts PERRIER. La chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 18 juin 1996 avait confirmée  la jurisprudence PERRIER lorsqu' il énonçait : « le contrat de travail d'un représentant du personnel ne peut faire l'objet d'une résiliation judiciaire ». Le délégué du personnel lui-même ne peut pas invoquer l'article 1184 du Code civil pour obtenir la résiliation de son contrat de travail, là où le salarié ordinaire le peut toujours42(*). La résiliation judiciaire étant impossible, les seules voies éventuellement applicables sont la démission43(*) et le licenciement. Cette résiliation judiciaire est proscrite dans la mesure où elle permet de contourner la procédure légale. Les arrêts PERRIER sont des décisions de principe, ils ont eu un grand retentissement car maintenus depuis plus de trente années44(*). Rendus en chambre mixte, ils se sont imposés aux juridictions inférieures. La haute juridiction en refusant la résiliation judiciaire du contrat de travail des délégués du personnel n'a fait qu'une saine application de la loi. Il en a été décidé ainsi : « les dispositions législatives soumettant à l'assentiment préalable du comité d'entreprise ou à la décision conforme de l'inspecteur du travail le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives ont institué, au profit de tels salariés, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun, qui interdit par suite à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la résiliation du contrat de travail »45(*). La résiliation judiciaire étant prohibée en droit social contrairement en droit civil des obligations46(*), quel est le sort d'une demande de résiliation du contrat du délégué du personnel introduite en instance par l'employeur s'il s'obstine toujours à user de cette voie ?

Le juge saisi de cette question doit tout simplement déclarer irrecevable47(*) la demande introduite. L'employeur, auteur de la demande est obligé d'emprunter la « bonne »voie car la loi c'est la loi qu'elle soit bonne ou mauvaise48(*).

Jusqu'à l'heure actuelle, l'unique moyen de mettre un terme au contrat de travail des délégués du personnel, consiste à saisir l'inspecteur du travail. Ce dernier avant de prendre toute décision y relative doit au préalable s'assurer que les droits de la défense sont assurés.

* 27

_ Aucune distinction n'est faite entre licenciement individuel et collectif. Cf. Paul Gérard POUGOUE, « Réflexions sur la protection des délégués du personnel en droit du travail camerounais », R.C.D., n° 27 1984, p.3.

* 28 _ D'après l'art. 130 al.1 du CT, il s'agit de l'inspecteur du travail.

* 29 _ Il peut s'agir d'une faute grave ou lourde.

* 30 _ Il peut s'agir de l'insuffisance des crédits, de la réduction des débouchés sous l'effet de la concurrence, de la baisse des commandes ou de la crise locale, nationale ou internationale.

* 31 _ Les difficultés d'ordre structurel sont l'expression du pouvoir de direction de l'employeur. Il peut s'il le désire réorganiser ses services pour plus d'efficacité ou remplacer un travailleur qui lui coûte cher par un autre qui coûtera moins cher.

* 32 _ Il peut s'agir de la réduction des heures de travail, de travail à temps partiel, du chômage technique, de réaménagement des prix, des indemnités ou même de la réduction du salaire.

* 33 _ L'ordre de licenciement pour motif économique établit par l'employeur doit tenir compte de plusieurs facteurs tels l'âge, le rendement, la conscience professionnelle, l'ancienneté dans l'entreprise, les charges familiales des travailleurs, voir art. 40 al.6 du CT.

* 34 _ Cette procédure spéciale de licenciement des délégués du personnel existe dans la plupart des pays d'Afrique francophone. Lire encyclopédie juridique de l'Afrique, T8 ,1982 NEA, (Nouvelles Editions Africaines), sous la direction de Joseph ISSA-SAYECCH et Birame NDIAYE, 1982, p.125.

* 35 _En République Démocratique du Congo, c'est la commission des litiges qui assure les fonctions dévolues à l'inspecteur du travail en droit camerounais, cf. encyclopédie juridique de l'Afrique, op.cit. p.125.

* 36 _ Cf. Paul Gérard POUGOUE, art. précité, p.5.

* 37 _ Voir Décret n 95/039 du 07 mars 1995 portant organisation du Ministère du Travail et de la prévoyance sociale.

* 38 _ Voir Code du travail camerounais en vigueur, art.130 al.1.

* 39 _ Lire l'article de Marielle PICQ « Le droit du travail est-il le droit des vulnérables ? », in Vulnérabilité et droit, le développement de la vulnérabilité et ses enjeux en droit, sous la direction et la coordination de Frédérique COHET-CORDEY, PUG 2000, p. 290.

* 40 _ La faute grave est celle qui rend intolérable le maintien du lien contractuel sans justifier le départ immédiat du salarié de l'entreprise. La faute lourde quant à elle est une faute extrêmement grave qui rend intolérable le maintien du lien contractuel et justifie le départ immédiat du travailleur de l'entreprise pour éviter que la faute ne continue de perturber le bon fonctionnement de l'entreprise. Exemple : le vol, coup et blessures sur l'employeur.

* 41 _ CE, ch. Mixte, 21 juin 1974, D. 1974 -593, concl. A. Touffait ; Grands arrêts, n° 145.

* 42 _ CE, ch. Mixte, 21 juin 1974, D. 1974 -593, concl. A. Touffait ; Grands arrêts, n° 145, Cass. Soc 15 janvier 2003, n°00 - 44. 799, société Groupe Monin c/ M. Henri Dubois.

* 43 _ La faute de l'employé rend inique l'hypothèse de la démission car celle-ci n'entraîne évidemment aucune indemnisation pour le salarié.

* 44 _ Ils ont été rendus en date du 21 juin 7974.

* 45 _ Même la résiliation conventionnelle du contrat de travail de tels salariés a été condamnée par la jurisprudence. Cf. Cour de cassation Française, Ch. Crim, 19 octobre 1993 ; Cham. Sociale, 16 mars 1996.

* 46 _ Art 1184 du code civil.

* 47 _ Voir Cass.Soc., 18 juin 1996, n°94-44.653, M.Felizot c/société Litwin.

* 48 _ L'employeur qui demande la résiliation judiciaire du contrat de travail du personnel commet ainsi le délit d'entrave à l'exercice régulier des fonctions des délégués du personnel. A notre sens, il doit être sanctionné, voir art.168 al.4 et 170 al.1 du CT.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984