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Le contrat d'assurance-vie en droit libanais

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par Mazen Fakih
Université de Perpignan - master 2 en droit privé et sciences criminelles 2006
  

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Paragraphe 2 : la protection des créanciers et héritiers du souscripteur

Cette protection résulte du mécanisme de réduction des primes manifestement exagérées institué par l'art. 1007. rappelons qu'après avoir écarté en principe la réduction des primes payées, le législateur a considéré que le légitime souci de se prémunir contre les aléas de la vie ne devait pas conduire à certains excès par un détournement des finalités de l'assurance vie.

Cette limite, apportée au régime dérogatoire de l'assurance vie était nécessaire. Sans elle, en effet, cette assurance eût pu constituer un moyen de transmettre un patrimoine au détriment des créanciers, de léser gravement les héritiers du souscripteur, voire de porter atteinte à leurs droits d'héritiers réservataires104(*).

Il en résulte que dans la mesure où le souscripteur ne s'engage pas au paiement de primes manifestement anormales, eu égard à ses moyens, l'assurance sur la vie constitue pour lui un procédé commode pour favoriser un étranger à la succession, ou encore pour améliorer la situation de l'un de ses héritiers par rapport aux autres, ou soustraire ses biens à la prétention de ses créanciers.

Les primes versées ne doivent pas alors avoir été « manifestement exagérées eu égard à ses facultés [celles du souscripteur] ». L'exagération est évaluée par la comparaison entre les revenues du souscripteur et sa faculté d'une part, et le montant de la prime requise d'autre part105(*).

Le mot « faculté » n'est pas revêtu d'un sens juridique précis et peut aussi bien désigner les revenues que le capital du souscripteur. Selon une certaine interprétation, les primes devraient, pour échapper aux règles successorales, être prélevées sur les seuls revenues,ce qui exclurait les primes acquittées sur le capital.

Cette interprétation est écartée par Picard et Besson106(*) et M. Kullmann107(*) Ils retiennent deux arguments. D'une part, si le législateur avait entendu prohiber tout prélèvement sur un capital, il l'aurait exprimé et, d'autre part, l'utilisation de l'adverbe « manifestement » n'aurait pas de sens s'agissant d'un prélèvement sur le capital, puisque celui-ci serait nécessairement entamé. L'origine des deniers doit donc être indifférente, ce qui permet le payement d'une prime unique prélevée sur un capital constitué, par exemple, à la suite de la vente d'un important élément d'actif.

Cela réglé, il reste à déterminer, question voisine mais distincte, si le caractère excessif de la prime, ou des primes, doit s'apprécier par rapport aux seuls revenus du souscripteur ou si, au contraire, il faut également prendre en considération son capital.

Selon une conception, ce qui importe, c'est la fortune globale du preneur d'assurance. Cette appréciation globale permet au juge de procéder à un véritable contrôle de proportionnalité, qui apparaît aujourd'hui, d'une façon générale, comme le moyen par excellence de régulation des conflits dont la cour de cassation use même sans le support d'un texte. Par exemple, des primes avoisinant ou dépassant le montant des revenues ne seront pas nécessairement excessives dès lors que le souscripteur disposait d'un important capital. Inversement, une prime, même modeste pourra être jugée excessive si le souscripteur ni dispose pas d'un capital et si ses charges sont importantes par ailleurs. L'acte de prévoyance que réalise l'assurance vie doit tenir compte de l'ensemble de ces facteurs exclusivement financiers afin de vérifier que l'équilibre entre sa finalité et l'intérêt des héritiers réservataires est préservé.

En jurisprudence français, la question se pose aussi si d'autres facteurs peuvent être pris en compte, sur le fondement de l'article 132-13 alinéa 2 du code des assurances francais (art. 1007 code libanais ), ce qui permettrait, dans l'affirmative, d'orienter le contrôle de proportionnalité vers une appréciation élargie de l'opportunité de la souscription d'assurance.

Dans l'arrêt DETHAN du 3 février 2000, la cour d'appel de Paris prend en compte à la fois les revenues et le capital dont disposait le souscripteur à l'époque de la conclusion des contrats litigieux. De cette façon, elle opère un contrôle global de proportionnalité.

En deuxième lieu, elle tient compte des rachats que le souscripteur avait opéré sur les contrats après leur souscription afin d'évaluer le montant réellement payé, c'est-à-dire les sommes réellement sorties du patrimoine du de cujus.

En troisième lieu, elle exclut aussi du calcul des primes payées, le contrat dont l'héritier était le bénéficiaire.

En dernier lieu, elle reproche au demandeur de ne pas verser aux débats les éléments permettant d'évaluer l'actif successoral. L'absence de caractère manifestement excessif se déduisait donc ici d'une simple proportion financière. Le preneur d'assurance avait versé à titre de primes une somme correspondant à environ 1/6e de ses facultés.

La même cour d'appel de Paris, dans l'arrêt santa maria, du 27 janvier 2000, déduit le caractère excessif de la prime, d'abord de sa disposition avec l'ensemble des facultés du preneur d'assurance, capital restant à sa disposition et revenus périodiques. C'est que au-delà d'un certain seuil l'assurance n'est plus un acte de prévoyance. Ce caractère se trouve aussi établit par les circonstances entourant la conclusion du contrat qui révèlent son inutilité, au moins pour le souscripteur. L'une des branches de l'alternative s'avère ici de réalisation très incertaine car l'espérance de vie était réduite.

La cour de cassation abandonne au pouvoir souverain des juges du fond l'appréciation du caractère manifestement exagéré des primes eu égard aux facultés du souscripteur.108(*) Cela ne signifie toutefois pas qu'elle écarte tout contrôle quant aux critères retenus par les juges du fond pour opérer leurs déductions. L'arrêt rendu de la première chambre civile le 1er juillet 1997 le montre. Il est possible d'en retenir quatre renseignements :

La première chambre civile affirme à nouveau le pouvoir souverain des juges du fond pour l'appréciation du caractère manifestement excessif des primes payées. Il n'existe donc de seuil légal, ce qui laisse aux juges du fond une importance marge de manoeuvre ;

Le montant du rapport ou de la réduction est également laissé à la sagesse des juges du fond. Ils peuvent ainsi prononcer le rapport ou la réduction pour la totalité des primes payées ou seulement pour une fraction. En revanche, ils ne pourraient pas, après avoir constaté le caractère excessif des primes versées, refuser de prononcer le rapport ou la réduction ;

Le critère légal n'est pas d'ordre exclusivement économique puisque la cour de cassation autorise expressément les juridictions inférieurs à se référer à « l'utilité de l'opération pour le souscripteur » et à «  l'âge » de celui-ci. De cette facon, la première chambre autorise un contrôle de l'opportunité de la souscription de l'assurance, ce qui est de nature à renforcer la protection de la réserve héréditaire, tout en ne sacrifiant pas les intérêts d'autres personnes intéressées et, au premier chef, le conjoint survivant qui, même si son sort a été considérablement amélioré au fil du temps, n'est toujours pas intégré dans la catégorie des héritiers réservataires.

La réduction des primes excessives, prévue par l'art. 1007(art. 132-13 code d'assurance français), est subordonnée à la démonstration de l'intention frauduleuse du souscripteur. Elle constitue ainsi l'application de l'action paulienne prévue à l'article 278 du C.O.C libanais qui suppose la preuve de l'existence d'une fraude109(*).

Ce qui caractérise le contrôle de proportionnalité dans la jurisprudence, c'est sa grande souplesse permettant une application à chaque cas particulier, c'est-à-dire une adaptation du fait au droit, sans compromettre la sécurité juridique.

Alors, dès lors que l'exagération des primes soit établie, le surplus peut être saisi par les créanciers par la voie de l'action paulienne ou par les procédures de la liquidation judiciaire pour le souscripteur failli (A). Il est aussi soumis aux règles de la réduction successorale (B).

A- Recours des créanciers contre le bénéficiaire par action paulienne ou en cas de faillite

Ce droit de recours ne peut s'exercer que contre le bénéficiaire et non contre l'assureur. Il suppose donc que le contrat est venu à échéance et que le bénéficiaire a effectivement encaissé le capital assuré.

Il s'applique d'abord pour l'action paulienne de l'article 278 du C.O.C libanais.110(*) Non seulement les créanciers devront établir que les versements de prime leur ont causé un préjudice, c'est-à-dire ont créé ou augmenté l'insolvabilité de leur débiteur, que celui-ci a commis la fraude paulienne, c'est-à-dire savait, lors de chaque versement incriminé, qu'il créait ou augmentait son insolvabilité et que, au cas d'attribution à titre onéreux, le bénéficiaire était complice de cette fraude111(*) , mais en vertu de l'article 1008, leur droit de recours ne sera admis que si les primes incriminées étaient manifestement exagérées eu égard aux faculté du débiteur.

A cet égard la solution se différencie un peu de celle admise à l'égard des héritiers, car, ici il ne s'agit pas toujours d'atteindre une libéralité et l'action paulienne suppose la création ou l'augmentation de l'insolvabilité du débiteur : des primes peuvent être réputées excessives au regard des héritiers, sans l'être au regard des créanciers, dès lors que, au moment où il les a acquittées, le débiteur était solvable.

Au surplus, même s'il était alors insolvable, l'action paulienne est ici restreinte par la condition spéciale posée par l'article 1007, car si les primes n'étaient pas disproportionnées aux ressources du débiteur, aucun recours n'existe au profit des créanciers.

Comme pour la réduction et le rapport, le droit de recours, s'il est admis à cette condition, ne peut s'exercer contre le bénéficiaire que pour la partie excessive des primes.

L'article 1008 écarte d'autre part l'application des dispositions propres à la faillite au regard des primes payées depuis le début de la période suspecte. Mais ici la protection des plus efficace.

D'abord, bien que l'article 1008 ne vise pas expressément cette hypothèse, le syndic peut en principe pour poursuivre le remboursement intégral des primes payées par le débiteur après le jugement d'ouverture, car, en vertu des articles 507 et 508 C.COM libanais, le débiteur ne peut faire sur son patrimoine aucun acte et notamment aucun paiement opposable à la masse ; et toutes primes acquittées dans ces conditions doivent être intégralement présumées excessives, puisque les facultés du failli sont réduites à néant. Il n'en serait autrement que pour les primes acquittées avec des fonds dont le failli conserve la libre disposition (salaires notamment).

D'autre part, pour les primes payées durant la période suspecte, si la fraude du débiteur est ici irréfutablement présumée par la loi et si ces primes doivent être, ici encore présumées excessives pour le tout étant donné la cessation des paiements, une distinction doit être faite suivant qu'il s'agit de l'article 507 ou de l'article 508 C.COM libanais.

Au regard de l'article 507 (opposabilité de droit), l'action du syndic n'exige aucune autre condition, non seulement en cas d'attribution à titre gratuit (il s'agit alors d'une véritable libéralité), mais encore en cas d'attribution à titre onéreux, si celle-ci a été faite en garantie d'une dette antérieur telle que sûreté consentie en période suspecte après la naissance de l'obligation comme l'a indiqué l'alinéa 4 de l'art.507112(*).

Au contraire, au regard de l'article 508 du code commerciale (inopposabilité facultative), spécialement s'il s'agit d'une attribution à titre onéreux antérieure au début de la période suspecte ou concomitante 113(*)à la naissance de l'obligation ou d'une attribution en pleine propriété pour remplir un créancier, dont la créance est exigible, de ses droits, le syndic , pour réussir dans son action, devra établir que le bénéficiaire avait connaissance de la cessation des paiements au moments où les primes ont été, à son profit, payées à l'assureur.

Enfin, le syndic, pour obtenir la restitution des primes payées, doit intenter l'action de restitution, prévu à l'article 509 du code commerciale.

De tout cela il résulte nettement que, par-delà le souci de prendre en considération les intérêts légitimes des créanciers, l'assurance sur la vie fait l'objet d'une réglementation nettement favorable au bénéficiaire de ce type qui jouit, somme toute, d'une grande sécurité.

B- L'application des règles de réduction successorale

Lorsque les primes sont jugées manifestement exagérées eu égard aux facultés du stipulant, la formule ambiguë de l'article 1007 ne permet pas de déterminer sur quoi doit porter le rapport ou la réduction. Selon des auteurs, il faut admettre que seule la partie excessive des primes est soumise à rapport ou à réduction.

Dans la mesure où les primes sont raisonnables et normales, il n' y a pas libéralité au regard de l'article1007 ; et c'est seulement au-delà de cette limite, c'est-à-dire dans la mesure de l'excès, que le rapport et la réduction sont applicables.114(*) Et il appartient au juge, qui apprécie l'exagération, de fixer cette mesure, ce qui évite tout arbitraire.

Les atteintes à la réserve doivent être sanctionnées. Le législateur Libanais s'y est pris de manière à coordonner ce qui est prévu en matière de donation avec la sanction de la réserve en matière testamentaire, réglementée par la loi du 23 Juin 1959 ( art. 65 , 58 , 66 , 68 ).

Les règles de la réserve sont ainsi sanctionnées par la réduction effective des legs et donations dans la mesure où ils excèdent la portion disponible et sont ramenés à cette portion selon 1'article 66.

La réduction des legs est faite lorsque les dispositions testamentaires excèdent la quotité disponible ou la part restante de cette quotité, après déduction de la valeur des donations entre vifs. Ce qui suppose que se sont les donations qui doivent être déduites les dernières, et les legs réduits les premiers.

Lorsqu'il s'agira de réduire les legs, 1'opération doit se faire proportionnellement à leur valeur respective. La réduction a lieu au marc le franc car elle doit produire son effet à la même date. (Art 68 L 1959).

Le législateur soumet tous les legs à cette procédure qu'ils soient universels ou particuliers; mais le testateur peut auparavant manifester son désir au sujet de 1'acquittement de tel legs avant les autres; dans ce cas, ce legs doit être ainsi acquitté et ne peut être réduit que si les autres biens ne suffisent pas à couvrir la réserve (art 68 al 2).

Après les legs, les donations sont réduites par ordre de date, en commençant par la plus récente (art 532 C.O.C).

Ce sont les donations les plus récentes qui entament la réserve. Si les donations sont insuffisantes ou si certaines d'entre elles (les plus récentes) empêchent totalement ou partiellement les premières de produire leurs effets, elles seront annulées. Ainsi si la quotité disponible est de 100, et si la première donation est de 100 et la dernière est de 10, celle ci sera purement et simplement annulée: La réduction proportion nulle ne joue que pour les legs. Ceci est d'ordre public.

Enfin, le donataire qui a subi la réduction, n'est pas tenu de la restitution du don reçu car il était de bonne foi (art 531 du C.O.C) et ceci en droit libanais; par contre, selon le droit français, le donataire restituera les fruits de ce qui excédera la portion disponible, à compter du jour du décès du donateur, si la demande en réduction a été faite dans 1'année, sinon, du jour de la demande (art 928 c.civ.).

Pour appliquer cela à l'assurance vie, on pourrait , certes, être tenté de retenir la date de souscription du contrat, en considérant que le stipulant a eu, dès ce moment , une intention libérale pour l'ensemble du contrat et pour toutes les primes.

Enfin, et pour conclure le sujet de la réduction, notons que celle ci ne fait pas disparaître la libéralité dans sa totalité, car elle n'atteint 1'acte que dans la mesure et la proportion où elle entame la réserve successorale. Elle ne constitue donc pas une nullité au sens classique du terme et on pourrait assimiler sa nature juridique à une nullité partielle comme le soutient le principe de cette doctrine.

* 104 Cour d'appel de Beyrouth, 20/7/1972, la revue judiciaire 1973, p.420.

* 105 Op. Cit.

* 106 Picard et Besson, op. cit. , p. 807.

* 107 Kullman, Lamy assurances 2000, n°3407 .

* 108 Cass. 1e civ., 11 mars 1997 : Bull. civ. I ., n°94.

* 109 T. HASSAN FARAJ, l'assurance en droit libanais(altaamin fi alkanoun al lubnani) ,Beyrouth, 1991, p.384.

* 110 SANHOURI, op. cit., p.1461.

* 111 N .MOHAMAD SA'AD, les sources et les règles des obligations (ahkam wa masader al-iltizam), Beyrouth, 2003, p.456.

* 112 M. EL-FAKI, le droit commercial-la faillite, Beyrouth, 2003, p.90.

* 113 M. EL-FAKI, op.cit., p.95.

* 114 PICARD ET BESSON , Op. Cit. , p.807.

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