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Le droit à la présomption d'innocence face au droit à l'information

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par Ouaogarin Roger SANKARA
Université Ouaga 2 - Master de recherche en Droit Privé Fondamental 2015
  

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CHAPITRE 2 : LA REMISE EN CAUSE DU DROIT A LA PRESOMPTION D'INNOCENCE PAR LE DROIT A L'INFORMATION

Sous le couvert du droit à l'information, les journalistes revendiquent leur droit à couvrir l'actualité des juridictions pénales.

Dans le nouveau droit de la presse burkinabè, le droit à l'information se laisse entrevoir à travers les lignes de l'article 9 de la loi sur la presse écrite. Il y est déclaré : «Les entreprises de presse publiques garantissent l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information, ainsi que l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans le respect du principe d'égalité de traitement ». Ainsi rédigé, l'article 9 fait penser que l'obligation de fournir une information honnête, indépendante et pluraliste s'impose uniquement aux organes de presse publics, à l'exclusion de la presse privée.

Rédigé en pleine transition politique, l'article 9 de la loi sur la presse écrite traduit les critiques portées à l'endroit de la presse publique, qui par le passé, se serait écartée des principes d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme. Ces exigences tributaires de la qualité de l'information doivent s'étendre à toutes les catégories de médias, journaux, radios, télévision et presse en ligne, qu'ils soient du public ou du privé.

Dans la pratique, la mise en oeuvre du droit à l'information donne lieu à de nombreuses atteintes au droit à la présomption d'innocence. Il est même des praticiens du droit comme Me Nathalie Vaillant, avocate québécoise, pour qui « les journalistes ne sont pas soumis à l'obligation de respecter la présomption d'innocence, ni à un quelconque devoir de confidentialité ou de réserve 83(*)».

Alors que le législateur et les acteurs de la justice ont pour mission de protéger les droits des personnes, on peut relever aussi bien dans la loi que dans la pratique judiciaire des atteintes au droit à la présomption d'innocence. Ces atteintes résultent tantôt du droit d'expression reconnus aux acteurs judiciaires, tantôt des termes législatifs.

Nous examinerons les remises en cause du droit à la présomption d'innocence aussi bien par les journalistes (Section 1) que par les acteurs judiciaires (Section 2).

Section 1 : L'activité journalistique attentatoire à la présomption d'innocence

Si les journalistes sont considérés comme les principaux acteurs du droit à l'information, ils n'en sont pas les seuls bénéficiaires. Le droit à l'information bénéficie à tout le monde.

Les journalistes se sentent investissent, au nom du droit à l'information, d'une mission, voire un devoir, d'information du public.

Outre son caractère fondamental, le droit à l'information a acquis une dimension subjective. Relativement même à la position du juge constitutionnel français, Jean Chevalier a écrit : « En se plaçant du côté des destinataires et en s'efforçant de garantir l'accès à tous à l'information, on se préoccupe de l'exercice concret de la liberté de communication, et on la transforme en un véritable droit subjectif des individus84(*) ».

Pour sa part, Frederique Brocal a démontré le caractère subjectif du droit à l'information en ce qu'il remplit les quatre critères de la subjectivité : l'objet (l'information), les titulaires déterminés ou déterminables (lecteurs, auditeurs et téléspectateurs), l'opposabilité et la justiciabilité85(*).

Sur la justiciabilité du droit à l'information, on peut relever que dans une affaire, concernant la diffusion du Grand Prix de France de Formule 1, la Cour de cassation française avait jugé, au nom du droit au public à l'information, que des diffuseurs autres que les bénéficiaires de l'exclusivité de retransmission étaient en droit de capter de brèves images de la compétition86(*).

Toutefois, l'activité consistant à satisfaire au droit à l'information du public peut porter atteinte au droit à la présomption d'innocence. Bruno RAVAZ et Stéphane RETTERER pensent qu' « à défaut de convaincre les juges professionnels, la presse peut influencer l'opinion publique par sa façon de résumer tels faits ou présenter telle personne comme coupable87(*) ».

La loi reconnaît aux journalistes des prérogatives susceptibles de porter atteinte à la présomption d'innocence (§1). Par ailleurs, ils disposent de moyens de publicité de nature à rendre plus graves les atteintes à la présomption d'innocence (§2).

§1. Les droits du journaliste attentatoires à la présomption d'innocence

La loi reconnaît aux journalistes des prérogatives susceptibles de justifier les atteintes portées par cette catégorie de professionnels au droit à la présomption d'innocence. Poursuivi pour atteinte à la présomption d'innocence, le journaliste pourrait se prévaloir desdites prérogatives pour échapper à la condamnation (A). Par ailleurs, la loi offre aux journalistes des faveurs telles que des immunités et des circonstances atténuantes (B).

A. Les prérogatives journalistiques attentatoires à la présomption d'innocence

Etranger au procès pénal, le journaliste peut-il est astreint au respect du secret de l'instruction ? Les hommes de médias jurent sur leur inopposabilité au secret de l'instruction. En outre, ils revendiquent leur droit à protéger leurs sources. Nous verrons comment la soustraction du journaliste au secret de l'instruction (1) et la protection des sources journalistiques (2) peuvent porter atteinte à la présomption d'innocence.

1. La soustraction du journaliste au secret de l'instruction

Conformément à l'article 11 du Code de procédure pénale burkinabè, le secret de l'instruction s'entend de l'obligation de garder secret la procédure d'enquête et d'instruction. C'est l'interdiction de publier les actes et pièces relatifs à la procédure. Mais l'article 11 CPP circonscrit le respect du secret de l'instruction à « toute personne qui concourt à cette procédure [...] dans les conditions et sous les peines prévues par les dispositions du code pénal relatives aux révélations de secrets ».

Le secret professionnel s'impose aux magistrats, aux greffiers, aux policiers et aux avocats, dans une certaine mesure88(*). Le journaliste ne concourt ni à la procédure d'enquête, ni à l'instruction. Par conséquent, il n'est pas soumis au secret professionnel.

Les publications de l'intégralité de dépositions dans l'affaire Bettencourt en France89(*) et la diffusion d'extraits d'une procédure d'instruction ouverte au TGI de Nanterre90(*), pour ne citer que ces cas, illustrent la soustraction des journalistes au secret de l'instruction. Les manquements de ce type ont fait dire au professeur GARAUD qu'il faut substituer à cette « publicité illégale et frelatée une publicité franche » afin de « soustraire le dossier d'instruction à ces assauts de curiosité et d'indiscrétion91(*)».

Si la loi permet aux journalistes de se soustraire du secret de l'instruction, la jurisprudence a trouvé un moyen de faire tomber cette impunité. Elle qualifie l'atteinte au secret d'instruction du journaliste de complicité de violation du secret de l'instruction. Lorsque l'auteur principal de cette violation n'est pas identifiable et la complicité impossible à réprimer, l'infraction est qualifiée de recel de violation du secret d'instruction92(*).

Mais les journalistes s'opposent à cette qualification. Ils soutiennent que leur profession consiste même au recel d'informations et que toute interdiction de publier des informations liées à l'instruction est incompatible avec la libre circulation de l'information93(*).

* 83 F. G. BARROS (de), Les relations entre la presse et la présomption d'innocence -- Compte rendu du colloque organisé par l'Association Versailles Québec et l'ODA de Versailles, le 18 octobre 2013, p. 2

* 84 J. CHEVALIER, « Constitution et communication », Dalloz 1991, Chron, P. 252

* 85 F. BROCAL, Thèse pour l'obtention du grade de docteur en droit, Université Lumière-Lyon, décembre 2014, P. 116

* 86 Cass., Civ. 1ere, 6 février 1996, consulté sur www.google.fr, le 15 septembre 2016 à 10 heures 20 mn

* 87 B. RAVAZ et S. RETTERER, Droit de l'information et de la communication, Paris, Ellipse, 2006 p. 54

* 88 En France, le respect du secret de l'instruction est une obligation déontologique pour l'avocat conformément à l'article 5 du décret du 12 juillet 2005.

* 89 H. LECLERC, « Feu le secret de l'instruction », disponible sur www.cabinet-leclerc.fr , consulté le 15 octobre 2016 à 9 heures 25 mn 10 s.

* 90 Cass. Crim. , 12 juin 2007, www.legifrance.gouv.fr , consulté le 27 octobre 2016 à 15 h 10 mn 50s

* 91 H. LECLERC, Op. cit, « Feu le secret de l'instruction », disponible sur www.cabinet-leclerc.fr , consulté le 15 octobre 2016 à 9 heures 25 mn 10 s.

* 92 Cass. Crim, 12 juin 2007, Op. cit., Cass. Crim. , 12 juin 2007, www.legifrance.gouv.fr , consulté le 27 octobre 2016 à 15 h 10 mn 50s

* 93 M. SARAZIN et S. MASSIEUR, Les journalistes, responsables, pas coupables?, Bruxelles Mango Document, 2001, p. 52

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo