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Le régime de l'immigration irrégulière par voie maritime en droit international public


par Mariette Amandine Fleur GNAMBA
Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Côte d'Ivoire) - Master 2 Spécialité Droit public 2017
  

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2. La voie maritime : la mer

La mer est constituée de « l'ensemble des espaces d'eau qui sont en communication libre et naturelle sur toute la surface du globe »36(*). À la différence de la définition des géographes qui présentent la mer comme un espace d'eau salée. Il y a au sens juridique plutôt une unicité de l'espace maritime en raison de la continuité des eaux37(*). Le droit ne considère ces différents espaces d'eaux comme la mer « qu'à la condition qu'ils soient en communication libre et naturelle sur toute l'étendue du globe »38(*).

La mer a toujours été un carrefour d'échanges important dans l'histoire des relations internationales. Elle assure la quasi-totalité des échanges intercontinentaux de marchandises. En comparaison, le trafic aérien de marchandises ne représente que 1 à 2 % du volume transporté par voie maritime39(*). Elle est la voie privilégiée de transports de marchandises.

B. Intérêt du sujet

L'intérêt d'un tel sujet est triple. Il est en effet intéressant à trois niveaux : humanitaire, politique et académique.

De premier abord, l'intérêt humanitaire est le plus évident. En effet, depuis plusieurs décennies, les États s'attèlent à lutter contre ce phénomène mais les drames liés à l'immigration irrégulière se multiplient. Ces drames font la une de l'actualité internationale et font entrer la question de l'immigration irrégulière dans le débat public. Le drame de Lampedusa du 3 octobre 2013 qui s'est déroulé aux portes mêmes de l'Europe illustre très bien cette réalité.

Il s'agissait d'un bateau venu de Lybie qui sombra près de l'île de Lampedusa en raison d'une panique à bord causée par un passager qui a mis le feu à une couverture. 368 personnes sont décédées et 155 personnes ont survécu40(*). Le 11 octobre 2013, toujours près de l'île de Lampedusa et de Malte, environ 200 personnes ont péri après le naufrage d'un bateau de pêche, malgré plusieurs appels au Centre de coordination de sauvetage en mer de Rome dès 11 heures. Les services de recherche et de sauvetage n'ont pas pu éviter le naufrage à temps. Le Pape François s'était rendu à Lampedusa en juillet 2013 et a dénoncé dans son discours une « mondialisation de l'indifférence »41(*).

Ce genre de drame a fait se demander à Claire Saas si la Méditerranée est « une zone de non-droit pour les boat-people »42(*). Dans la conclusion de son article, elle fit ce constat amer: « si de jure, la zone méditerranéenne n'est pas une zone de non-droit, elle le devient de facto »43(*). C'est toute la problématique auquel les migrants sont confrontés : ils sont protégés de jure mais l'application concrète fait douter du droit.

La situation à Lampedusa est toujours aussi préoccupante en 2020. En effet, dans un article du Figaro du 10 juillet 2020, l'on apprend que plus de 500 migrants ont débarqué sur l'île italienne en deux jours. Neuf bateaux contenant 116 passagers en provenance de Tunisie ont accosté le premier jour suivis le lendemain de sept bateaux venant de Tunisie et deux bateaux de Lybie transportant 434 migrants44(*).

Ce qui nous mène subséquemment à l'intérêt politique du sujet de l'immigration irrégulière qui est intimement lié à la notion chère à l'État de souveraineté. Le traitement juridique de la question de la migration irrégulière par voie maritime fait l'objet d'un paradoxe. En effet, le cadre juridique est tiraillé entre la protection des frontières des États et le sauvetage des migrants. Les États ont le droit de protéger leurs frontières. Ils ont le privilège de définir eux-mêmes les conditions d'accès à leur territoire. Cependant ceux-ci ont parallèlement le devoir, en raison des conventions pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS)45(*) et sur la recherche et le sauvetage (SAR)46(*), de recueillir dans un port sûr les migrants quel que soit leur situation juridique.

C'est ce qu'exprime Guy S. Goodwin-Gill en ces termes :

«The refugee in international law occupies a legal space characterized, on the one hand, by the principle of State sovereignty and the related principles of territorial supremacy and self-preservation; and on the other hand by competing humanitarian principles deriving from general international law [...] and from treaty «47(*).

Le terme « migrant » est souvent opposé négativement dans le discours politique au terme de « réfugié »48(*). Ainsi cette distinction fait une différence entre les réfugiés, que l'on doit accueillir, et les migrants « économiques », qui ne font que chercher une vie meilleure et qui ne doivent pas s'installer. Ce que le discours public omet, c'est que tout migrant qu'il soit ou non protégé par la Convention sur les réfugiés bénéficie de droits communs à tous les êtres humains, les droits de l'Homme. Certes il n'y a pas de loi ou de régime spécial qui s'applique aux migrants irréguliers et aucun migrant n'a le droit intrinsèque de résider dans un pays autre que celui dont il a la nationalité49(*). Cependant la mer n'est pas une zone de non-droit, ce que ce mémoire veut expliciter.

L'apport académique, enfin, de notre sujet est d'étudier les causes et les conséquences d'un tel paradoxe sur le phénomène de l'immigration irrégulière par voie maritime.

La globalisation ou mondialisation est un phénomène qui se traduit par une augmentation des transactions transfrontalières et des échanges50(*). Cette situation de globalisation a un impact considérable sur la mobilité des personnes, et accroît le flux de déplacements de celles-ci d'un pays à un autre. Par conséquent, la question de l'immigration irrégulière se fera de plus en plus urgente et il faudra, pour la communauté internationale, trouver de nouvelles solutions juridiques plus efficaces par rapport à la problématique.

De plus, plusieurs situations de crises risquent d'augmenter encore le flux de migrants par cette voie comme le réchauffement climatique. En effet, la montée de la température de la Terre et partant du volume des océans menace l'habitat de milliers de personnes à travers le monde. Au point où la doctrine internationale s'interroge sur une nouvelle catégorie de réfugiés : les réfugiés climatiques51(*).

Certains auteurs, comme François Crépeau, militent même pour une accélération de la mobilité régulière et légale. En effet, selon François Crépeau, en permettant à plus d'étrangers de se déplacer librement avec des documents de voyage, l'on peut mieux contrôler leur identité et empêcher des voyages irréguliers, dangereux et mortels52(*). Mais cette idée n'est pas à l'ordre du jour des discussions diplomatiques qui se basent plutôt sur la surveillance accrue des frontières.

C. Délimitation du champ de l'étude

Ce mémoire concerne la migration par voie maritime, c'est-à-dire le moment où les migrants quittent leur territoire de départ, se trouvent dans l'espace maritime, puis mettent pied à terre. Il ne concerne pas le séjour sur le territoire d'arrivée.

Ce choix est justifié par le fait que l'immigration par voie maritime est le type d'immigration le plus difficile à contenir compte tenu du régime juridique de la mer basé sur la liberté de navigation. En effet, ce principe fondamental contenu dans les articles 57 et 58 de la Convention de Montego Bay53(*) fait de la haute-mer une zone libre de toute souveraineté. Ainsi, les droits nationaux ne s'y appliquent pas.

L'immigration n'est pas une infraction en soi. Elle n'est seulement irrégulière qu'en opposition avec les lois de l'État d'accueil. La particularité de l'immigration par voie maritime réside en ce que la mer, malgré la liberté de navigation qui la caractérise, n'est en aucun cas une zone de non-droit. En effet, de nombreuses conventions obligent les États à porter secours aux personnes en détresse en mer. Ce qui concerne les immigrants irréguliers qui empruntent cette voie. Il s'agit de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) adoptée le 10 décembre 1982, de la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime (SAR) adoptée le 27 avril 1979 et de la Convention internationale pour la Sauvegarde de la Vie Humaine en Mer (SOLAS) qui est adoptée le 1er novembre 1974. Ces différents textes consacrent une obligation de secourir toute personne en danger en mer.

Cependant, malgré ces différentes conventions qui consacrent l'obligation de porter secours, de nombreuses victimes meurent chaque jour en mer sans qu'aucune aide ne leur ait été apportée. Au vu des chiffres, l'on peut conclure qu'un nombre considérable de vies sont perdues lors des traversées maritimes clandestines. Cela contraste avec les obligations des États découlant des conventions internationales qui sont implémentées pour éviter que cela se produise grâce à l'obligation de porter secours.

Cette étude s'inscrira dans le cadre du droit international public, ensemble des règles juridiques régissant les relations entre les États et les autres sujets de la société internationale54(*). Nous avons adopté cette délimitation en raison du but de notre étude qui est d'examiner les règles qui s'appliquent aux sujets du droit international en matière d'immigration irrégulière. Elle ne s'intéresse pas au droit international privé.

D. Problématique et annonce du plan

L'enjeu de cette recherche est d'étudier l'effectivité du droit international sur la situation des immigrants irréguliers par voie maritime. Il est donc important de formuler une problématique pour apporter des réponses appropriées.

Les règles du droit international public sont-elles pertinentes pour régir l'immigration irrégulière par voie maritime ?

Le droit qui s'applique à la migration irrégulière par voie maritime est composé de plusieurs corps juridiques, du droit de la mer au droit pénal international en passant par le droit international des droits de l'homme. Ce qui en fait un régime juridique hétérogène (Première partie) composé de plusieurs éléments distincts. Mais il souffre de plusieurs insuffisances (Deuxième partie) qui mettent à mal son application.

* 36Jean-Paul PANCRACIO, Droit de la mer, Dalloz, 2010, p.?4.

* 37Ibid.

* 38Patrick DAILLIER et al., Droit international public, 8ème édition, L.G.D.J., 2009, p.?1276.

* 39  Jean-Paul PANCRACIO, Droit de la mer, op. cit., p. 3.

* 40'''''Melissa CUOZZO, La migration vers l'Europe?: un enjeu sécuritaire. Causes et conséquences des politiques migratoires européennes sur les migrants, Mémoire présenté pour l'obtention du Master en études européennes, Global Studies Institute de l'Université de Genève, 2015, p.?39.

* 41  ''Ibid., p. 40.

* 42  ''''''''''''''Claire SAAS, « La Méditerranée, une zone de non-droit pour les boat-people?? » dans Patrick Chaumette, Espaces marins?: surveillance et prévention des trafics illicites en mer, 2016, p.?179.

* 43  ''''''''''''''Claire SAAS, « La Méditerranée, une zone de non-droit pour les boat-people?? », loc. cit.

* 44 ' LE FIGARO AVEC AFP. « Plus de 500 migrants ont accosté à Lampedusa depuis jeudi, selon l'OIM, 10 juillet 2020 ».

* 45Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) adoptée le 1er novembre 1974 , entrée en vigueur le 25 mai 1980, chapitre V, Règle 33(1).

* 46Convention sur la recherche et le sauvetage maritimes (SAR) adoptée le 27 avril 1979; entrée en vigueur le 22 juin1985, chapitre V, Règle 7.

* 47   -Guy S. GOODWIN-GILL et Jane MCADAM, The Refugee in International Law, 3rd edition., Oxford: Oxford University Press, 2007. ; Anja KLUG et Tim HOWE, « The Concept of State Jurisdiction and the Applicability of the Non-refoulement Principle to Extraterritorial Interception Measures » dans Bernard Ryan et Valsamis Mitsilegas, Extraterritorial Immigration Control. Legal Challenges, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, p.?69.

* 48   ''Julian M. LEHMANN, « Rights at the Frontier: Border Control and Human Rights Protection of Irregular International Migrants », Goettingen Journal of International Law, vol. Vol. 3. No. 2 (2011), p.?737.

* 49  ''Ibid., p. 768.

* 50  Henk OVERBEEK, « Globalization, Sovereignty, and Transnational Regulation: Reshaping the Governance of International Migration » dans Ghosh, B., Managing Migration: Time for a New International Regime?, Oxford: Oxford University Press, 2000, p.?49.

* 51 À ce propos voir : Roméo Koïbé Madjilem, « La protection juridique des réfugiés et déplacés climatiques à assurer par les organisations régionales Rôle de l'Union Africaine » (Thèse en vue de l'obtention du doctorat de Droit public de l'Université Paris Nanterre, Université Paris Nanterre, 2017).

* 52   'François CRÉPEAU, « Europe Can Stop Human Deaths and Suffering, and Regain Control of Its Borders », Review of International Law & Politýcs, vol. Vol. 12. No. 1 (2016), p.?38.

* 53Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982 entrée en vigueur le 16 novembre 1994, articles 57, 58 (1).

* 54Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD, Lexique des termes juridiques, 23ème édition, Dalloz, 2015.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault