CHAPITRE I
LA DETERMINATION DE LA COMPETENCE INTERNATIONALE
JUDICIAIRE EN CAS D'ACTION DIRECTE
Pour vérifier sa compétence, au cas où il
y a une action directe, le juge saisi peut le faire selon deux
possibilités : soit il utilise, pour ce faire, sa propre règle
conflictuelle de juridiction (section I), soit il se réfère aux
règles conventionnelles de compétence judicaire (section II).
Section I. - La compétence internationale
judiciaire à l'épreuve des règles conflictuelles de
juridictions compétentes
Il convient de distinguer deux cas : le premier concernant
l'hypothèse où il n'y a aucune clause attributive de
compétence dans la chaîne de contrats (§1.) et le second
concernant l'hypothèse où il y a une ou plusieurs clauses
attributives de compétence insérées à la
chaîne de contrats (§2.).
§ 1. - Au cas où il n'y aucune clause
attributive de compétence dans la chaîne de contrats
La juridiction compétente en cas de l'action directe
varie selon qu'il s'agit d'une chaîne de contrats translative de
propriété (A.) ou d'une chaîne de contrats non translative
de propriété (B.).
A. - L'hypothèse de la chaîne de contrats
translative de propriété
Un contrat est qualifié de translatif lorsqu'il procure un
effet translatif de propriété de la chose objet de contrat.
Autrement dit, il a pour effet de transférer la
propriété d'une chose. C'est bien le cas du
contrat de vente. En effet, le vendeur doit transmettre sa
propriété sur le bien vendu à son acquéreur. Mais,
il faut noter aussi qu'il peut retarder la date du transfert de
propriété, par le biais de la clause de réserve de
propriété qui permet au vendeur de conserver son titre de
propriétaire du bien jusqu'au paiement complet du prix par
l'acheteur.
Quant à la chaîne composant des contrats
translatifs de propriété, cela suppose tout d'abord de comprendre
ce qu'est la chaîne de contrats. Elle est un ensemble ou un groupe de
contrats qui sont faits par des différentes parties contractantes. En
commerce international, les opérateurs économiques, afin de
réaliser une opération économique assez importante,
contractent avec beaucoup d'autres opérateurs. Plusieurs contrats sont
donc formés au tour de cette opération. Ces conventions servent
toutes pour achever un objectif économique donné. Et ils
constituent alors un groupe de contrats. Il n'est pas nécessaire que
chacun de ces contrats ait la même nature juridique. Une chaîne de
contrat ne se compose pas forcément de tous les contrats de vente. En
revanche, si la chaîne contient tous les contrats de vente successive,
elle est donc appelée la chaîne translative de
propriété.
Dans l'hypothèse où le juge français est
saisi par une action de sous acquéreur contre le fabricant vendeur
initial, il va a priori examiner si cette action relève de la
matière contractuelle ou pas, afin de mettre en oeuvre ses règles
conflictuelles de juridiction compétente.
Le plus souvent, l'action du sous-acquéreur est une
action en garantie, en cas de non conformité de la chose vendue. Elle
peut être aussi une action en responsabilité en cas de
défectuosité du produit vendu. Ici, on n'aborde que la
première catégorie d'actions, alors que l'on étudiera
ultérieurement la deuxième catégorie d'actions.
Par l'arrêt de principe de l'Assemblée
plénière de la Cour de cassation du 12 juillet
1991, le juge revient à la solution antérieure retenue par
l'Assemblée plénière du 7 février 1986 qui a admis
la qualification contractuelle de l'action directe existant dans toutes les
chaînes de contrats translatives de propriété. En effet,
l'action contractuelle est, selon la Haute juridiction, transmise
accessoirement à la chose. Les juges ont retenu que le
sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés
à la chose qui appartenait à son auteur. Le vendeur
intermédiaire a une action de nature contractuelle contre le fabricant.
En effet, le sous-acquéreur bénéficie de même cette
action contre le fabricant.
Cette solution devenait le droit positif français.
Ainsi, lorsque le juge français opère la qualification lege
fori de l'action directe, il va la qualifier selon les conceptions
retenues en son propre droit.
Lorsque l'action directe du sous-acquéreur est de
nature contractuelle, il a certains choix en ce qui concerne la
compétence du juge qui va connaître son action. Qualifié de
contractuelle par le juge français (juge du for), l'action directe
exercée au sein d'un groupe de contrats sera soumise à l'article
46 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC), selon lequel « le
demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu
où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison
effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de
service ».
Si le premier choix de compétence - la
compétence du tribunal de domicile du défendeur - ne suscite
aucune difficulté dans la mesure où la personne du
défendeur (le fabricant vendeur initial) reste identique, quelle que
soit la personne du demandeur, il n'en va pas de même pour deux autres
alternatives juridictionnelles offertes à ce dernier.
Si l'on est dans l'hypothèse classique d'un contrat de
vente, il n'y a pas de difficulté particulière quant à la
mise en oeuvre de choix de compétence du juge. Ici, la difficulté
de la mise en oeuvre de l'option juridictionnelle repose sur la
présence de deux (au moins) contrats de vente. En
effet, le choix est double, c'est-à- dire que les deux lieux
différents de la livraison effective ou les deux lieux de
l'exécution de prestation caractéristique peuvent être mise
en cause. On peut se demander lequel sera pris en considération. Va-t-on
tenir compte du lieu de la livraison effective par le fabricant vendeur
originel ou celui de la livraison effective par le vendeur
intermédiaire?
La considération que le « qualificatif effectif
» traduit la volonté du législateur de retenir comme
critère de compétence territoriale, le lieu de livraison
où le demandeur a pu effectivement se rendre compte des malfaçons
dont le produit en cause est affecté, pourrait conduire l'observateur
à opter pour le lieu de la seconde livraison, c'est-à-dire le
lieu où la livraison résultant du second contrat est
intervenue.
La solution ne semble, cependant, pas devoir être
retenue. Outre le fait que l'appel à la volonté du
législateur n'a pas de grande signification dans l'hypothèse
considérée, la solution méconnaît le fondement
juridique de la nature contractuelle de l'action directe reconnue dans cette
hypothèse. La notion d'accessoire, énoncée comme le
fondement explicatif de la nature contractuelle de l'action, implique en effet
que celle-ci doit être analysée comme mettant en oeuvre un droit
dérivé. Le droit substantiel que vise à mettre en oeuvre
l'action est celui là. Il pénètre dans le patrimoine du
sous-acquéreur tel qu'il est juridiquement et judiciairement
organisé par la convention initiale. Appliquée à la
question particulière de la compétence territoriale,
l'observation invite à considérer que l'action contractuelle du
sous- acquéreur contre le fabricant doit être intentée, en
application de l'article 46 du NCPC, devant le tribunal du lieu où le
défendeur devait exécuter son obligation à l'égard
de l'acquéreur originel (vendeur intermédiaire). Ce n'est en
conséquence, que dans l'hypothèse où le fabricant se
serait engagé envers l'acquéreur originel à livrer le
produit directement chez le sous-acquéreur, que le tribunal du domicile
de ce dernier pourrait être compétent. Dans les autres cas, la
transmission implique que le sous-acquéreur peut seulement saisir, au
lieu du tribunal du domicile du fabricant,
celui du domicile de l'acquéreur originel, si la livraison
s'est effectivement exécutée chez celui-ci, et non pas chez le
fabricant.
|