CHAPITRE II
LA DETERMINATION DE LA COMPETENCE LEGISLATIVE
APPLICABLE
La loi applicable à l'action directe varie selon qu'il
s'agit d'une action résultant d'une chaîne de contrats translative
(section I) ou d'une action résultant d'une chaîne de contrats non
translative (section II).
Section I. - La loi applicable et la chaîne de
contrats translative de propriété
Nous discuterons, dans un premier temps, la
détermination du rattachement (§1.) de l'action directe
contractuelle avant de déterminer par la suite la loi applicable au
contrat initial en tant que point de rattachement de l'action directe
(§2.).
§ 1. - La détermination du point de
rattachement de l'action directe : le contrat initial
Le problème se pose évidemment lorsqu'il y a
deux ou plusieurs contrats dans une chaîne internationale de contrats.
Deux systèmes juridiques au moins ont vocation à s'appliquer
à une action directe d'un maillon final de la chaîne. Dans la
chaîne de ventes, quelle est la loi qui doit s'appliquer à
l'action du sous-acquéreur contre le fabricant-la loi qui régit
le contrat du fabricant et le vendeur intermédiaire ou celle qui
régit la convention du vendeur intermédiaire et le
sous-acquéreur ?
Selon la logique propre aux chaînes de contrats, le
sous-acquéreur ne fait qu'agir sur le fondement du contrat originel et
invoque contre le fabricant les droits initialement nés dans le
patrimoine du premier acquéreur qui lui revend ensuite la
marchandise43. Le débat se concentre donc sur le contrat
originel sans qu'interfère le
43 Ass. Plén. 7 fév. 1986 « le
maître d'ouvrage comme le sous-acquéreur jouit de tous les droits
et actions attachés à la chose qui appartenait à son
auteur ».
contrat passé par le sous-acquéreur, ni d'ailleurs
un quelque autre contrat dans la chaîne.
En particulier, le fabricant ne pourra se prévaloir de
l'ancienne règle de la « double limite » consacrée par
la Cour de cassation dans l'hypothèse du groupe de contrats, selon
laquelle le titulaire de l'action de ses droits (tels que résultant de
son propre contrat) et de l'étendue de l'engagement du débiteur
substitué (telle que découlant du contrat passé par
celui-ci). Cette règle était transposée en droit
international privé. En effet, elle devrait normalement aboutir à
soumettre l'action contractuelle directe à la loi du contrat initial.
Si la détermination de la loi applicable à
l'action contractuelle directe dépend du contrat initial comme
étant point de rattachement, la doctrine n'est pas unanime sur
l'admissibilité de ce rattachement de l'action directe. D'après
Frédéric Leclerc, préférant une application
cumulative des lois régissant les contrats de la chaîne, l'action
directe devrait être vouée à l'échec dès lors
que la lex contractus d'un des contrats de la chaîne ne l'admet
pas44. Or, cette proposition paraît critiquable car elle
risque d'aboutir à des résultats peu convaincants en pratique. En
effet, dans l'hypothèse d'une chaîne comprenant plis de deux
contrats, nous ne voyons pas en vertu de quelle considération, une loi
étrangère régissant le contrat intermédiaire qui
n'a été conclu ni par le sous-acquéreur (demandeur), ni
par le fabricant (défendeur) serait en mesure d'entraver
l'admissibilité de l'action directe.
Toutefois, il nous paraît incontestable que le
rattachement de l'action directe, quant à son admissibilité dans
une chaîne internationale de contrats, dépend exclusivement du
mécanisme fonctionnel de l'action directe en droit interne.
Transposé en droit international privé, ce mécanisme doit
se traduire par le rattachement à la lex contractus du lieu
contractuel qui a fait l'objet de l'extension
44 Frédéric Leclerc, « la
chaîne de contrats en droit international privé »,
JDI 1995, p. 310
envers le titulaire. C'est ainsi que seule la loi du contrat
conclu par le défendeur de l'action directe a vocation à
s'appliquer.
Vincent Heuzé veut également reconnaître
au contrat initial de la chaîne une compétence de
principe45. En effet, l'action directe contractuelle exercée
par le sous- acquéreur à l'encontre du vendeur initial ne pourra
être recueillie que si la loi du contrat initial conclu par le fabricant
admet le mécanisme de l'extension du lieu contractuel. Notons à
ce titre qu'il n'y a que les droits français, belge, et luxembourgeois
qui admettent une telle action.
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