2° La compétence en matière
délictuelle
L'article 5-3° de la convention de Bruxelles accorde au
demandeur une option de compétence lui permettant d'assigner le
défendeur, non seulement devant le tribunal de son domicile, mais aussi
devant le « tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit
».
La CJCE interprète, comme ce qu'il fait pour la notion
contractuelle précédemment invoquée, de manière
autonome la notion délictuelle. Elle a estimé, dans l'arrêt
Kelfelis du 27 septembre 198828, qu'elle visait « toute demande
qui vise à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur
et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de
l'article 5-1°.
26 CJCE, 15 jan. 1987 : JDI 1987, p. 465,
obs. J-M Bischoff et A. Huet
27 JDI 1977, p. 702, obs. J-M Bischoff et A. Huet
28 CJCE, 27 sept. 1988 : aff. 189/87 : Rev. crit.
DIP 1989, p. 117 ; JDI 1989, p. 457, obs. A. Huet.
Par la suite, la précision apportée par
l'arrêt Jakob Handte du 17 juin 199229 sur la matière
contractuelle, notamment dans notre hypothèse intéressée
de la chaîne de contrats, permet de cerner la notion de matière
délictuelle.
Les difficultés soulèvent lorsque le lieu du
fait dommageable diffère de celui où le dommage a
été subi. Sur cette question, la CJCE a conféré une
option de compétence au demandeur en lui permettant d'attraire le
défendeur « devant le tribunal de l'événement causal
qui est à l'origine de ce dommage »30.
§ 2. - La mise en oeuvre de la convention de Bruxelles
et le groupe de contrats internationaux : le refus par la CJCE du
caractère contractuel de l'action directe
A priori, on peut se demander si la Convention de Bruxelles
s'applique à l'action directe qui pourrait être née d'une
chaîne internationale de contrats.
La convention elle-même, semble ne pas avoir
prévu la réponse dans son champ d'application à une telle
action. Mais, on sait bien que la convention s'applique notamment à la
matière contractuelle et délictuelle. Or, une action directe, qui
serait née d'une chaîne internationale de contrats, pourrait
être qualifiée soit de contractuelle, soit de délictuelle.
En principe, une action directe contractuelle n'existe, comme on le sait, que
dans la chaîne translative de propriété, ce qui est bien le
cas du droit français. Alors que la plupart des pays dans la
communauté internationale ne reconnaît pas la qualification
contractuelle de l'action directe. Ces pays tiennent au « principe de
l'effet relatif des contrats », ce qui veut dire que toute action
exercée par le maillon final de la chaîne de contrats à
l'encontre du maillon initial sera qualifiée de délictuelle,
parce que le demandeur n'a pas de qualité de partie à un contrat
passé par le maillon initial.
29 Arrêt préc.
30 CJCE, 30 nov. 1976, aff. 21/76, Mines de
potasse d'Alsace : Rev. crit. DIP 1977, p. 563, note P. Bourel
Si l'application de la convention de Bruxelles à
l'action directe internationale serait ambiguë, la Cour de justice des
communautés européennes, dans son arrêt en date du 17 juin
199231, Affaire Jakob Handte, a très clairement pris position
à l'égard des chaînes de contrats pour refuser de leur
appliquer l'article 5-1° de la convention, considérant que l'action
directe du sous-acquéreur contre le vendeur initial était de
nature délictuelle.
Il en résulte que la convention de Bruxelles, plus
particulièrement son article 5-1° n'a nullement, selon la CJCE,
vocation à s'appliquer aux hypothèses de groupe de contrats
internationaux.
Cette affaire précitée a été
beaucoup étudiée, commentée et critiquée par des
auteurs français puisqu'elle bouleversait la conception française
quant à la qualification contractuelle de l'action du
sous-acquéreur contre le vendeur fabricant. Cette jurisprudence
mérite, en effet, d'être étudiée dans ce propos.
Sans entrer dans le détail, ici, on n'évoque que la
position de la CJCE (A.) et les incertitudes de l'arrêt (B.).
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