Chapitre II.
Une mise en oeuvre difficile et la
réparation
du préjudice causé.
79.- L'application uniforme du droit communautaire et la
protection effective des particuliers par voie de la responsabilité des
États membres ne peut aboutir à l'absence de mise en oeuvre dans
le système du droit national. Il reste que l'application de la solution
retenue dans ses arrêts pose des problèmes auxquels la Cour n'a
pas apporté de réponse explicite. Le juge national est
obligé de choisir entre le principe de l'autorité de la chose
jugée et le principe de la primauté du droit communautaire
(Section Ière). La Cour de justice entraîne également des
difficultés pratiques non négligeables, qui obligeront les
États membres à réparer du préjudice causé
(Section II) de façon effective et adéquate.
Section Ière. La sécurité
juridique et l'autorité de la chose jugée par les juridictions
nationales.
80.- Il s'agit un dilemme pour le juge national ainsi bien
que le juge communautaire. Pour résoudre le problème de la
contradiction entre la primauté du droit communautaire et
l'autorité de la chose jugée (A), la Cour de justice a
énoncé le caractère relatif de ce dernier (B).
A. Le principe relatif de l'autorité de la chose
jugée.
81.- Après l'arrêt Köbler, une
nouvelle problématique a été posée sur la
contradiction entre la responsabilité des États membres du fait
de violation du droit communautaire par les juridictions suprêmes et
l'autorité de la chose définitivement jugée. Certains
États sont intervenus devant la Cour de justice, craignant que cette
responsabilité dénature l'essence de la fonction
juridictionnelle.
82.- On retrouve à cet égard le premier
arrêt rendu par la Cour de justice concernant l'autorité de la
chose jugée dans son arrêt Eco Swiss92. Dans
cet arrêt, la Cour de justice a reconnu l'existence de ce principe de
l'autorité de la chose jugée. La Cour a énoncé que
« une sentence arbitrale intermédiaire revêtant le
caractère d'une sentence arbitrale finale qui n'a pas fait l'objet d'un
recours en annulation dans le délai imposé acquiert
l'autorité de la chose jugée et ne peut plus être remise en
cause par une sentence arbitrale ultérieure »93.
83.- Cependant, dans l'affaire Kühne et
Heitz94, la Cour de justice n'a pas remis en cause le principe
fondamental de l'autorité de la chose jugée. A la lecture,
l'arrêt Kühne et Heitz a été jugé
contraire au droit communautaire, par la motivation exagérée de
la Cour de justice95. La Cour de justice a jugé dans le
dispositif que « le principe de coopération découlant de
l'article 10 CE impose à un organe administratif, saisi d'une demande en
ce sens, de réexaminer une décision administrative
définitive afin de tenir compte de l'interprétation de la
disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour »96.
84.- Dans l'affaire Rosmarie Kapferer97,
la Cour de justice a énoncé que « le droit communautaire
n'impose pas à une juridiction nationale d'écarter l'application
des règles de procédure internes conférant
l'autorité de la chose jugée à une décision,
même si cela permettait de remédier à une violation du
droit communautaire par la décision en cause »98.
85.- A cet égard, on peut déduire qu'une
sanction du manquement du juge à ses obligations
92 CJCE, 1er juin 1999, Eco Swiss, aff.
C-126/97, Rec., p. I-3055.
93 Ibid, n° 48.
94 CJCE, 13 janvier 2004, Kühne et Heitz, aff.
C-453/00, Rec., p. I-837.
95 J.-G. HUGLO, « Primauté du droit communautaire
et autorité de la chose jugée par les juridictions nationales
», Gaz. Pal., Rec. janvier-février 2007, pp. 269-274, sp.
p. 269. V. également Z. PEERBUX-BEAUGENDRE, « Autorité de la
chose jugée et primuaté du droit communautaire »,
RFDA, mai-juin 2005, pp. 473-482.
96 CJCE, 13 janvier 2004, Kühne et Heitz, op. cit.,
n° 27.
97 CJCE, 16 mars 2006, Rosmarie Kapferer, aff. C-234/04,
Rec., p. I-25 85.
98 Ibid, n° 21.
communautaires vise simplement la réparation du dommage
mais non la révision de l'acte étatique.
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