Section II. La réparation du préjudice
causé.
90.- Dans l'affaire Francovich, la Cour de justice a
énoncé le principe selon lequel, « c'est dans le cadre du
droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État
de réparer les conséquences du préjudice causé. En
effet, en l'absence d'une réglementation communautaire, c'est à
l'ordre juridique interne de chaque État membre qu'il appartient de
désigner les juridictions compétentes et de régler les
modalités procédurales des recours en justice destinés
à assurer la pleine sauvegarde des droits que les justiciables tirent du
droit communautaire »103. La Cour de justice a établi
l'appréciation du préjudice causé et l'étendue de
la réparation des dommages(B) sur le principe de l'autonomie
procédurale (A).
A. L'encadrement de l'autonomie procédurale.
91.- Le droit communautaire garde le silence sur les
conditions et les voies permettant d'obtenir réparation. Il est donc
nécessaire que le juge communautaire laisse jouer les règles de
l'autonomie institutionnelle et procédurale des droits
nationaux104.
92.- Cependant ce principe de l'autonomie institutionnelle et
procédurale n'est pas absolu. Il connaît certaines
limites105. A cet égard, le juge national a pour obligation
d'écarter les
102 J.-G. HUGLO, « Primauté du droit communautaire
et autorité de la chose jugée par les juridictions nationales
», op. cit., sp. p. 274.
103 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci,
op. cit., n°42.
104 D. SIMON, Le système juridique communautaire,
Paris : PUF, coll. « Droit fondamental », 3e éd.,
2001, p. 155.
105 G. VANDERSANDEN et M. DONY, « La
responsabilité des États membres en cas de violation du droit
communautaire », op. cit., p.47.
restrictions du droit national à l'égard de la
responsabilité de l'Etat qui sont susceptible de « rendre en
pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice par les particuliers
du droit à réparation » 106 . Pour cadrer cette autonomie
nationale, un double critère doit être pris en
considération : d'une part, celui de la non-discrimination ou plus
exactement du traitement égal des conditions requises en matière
de réclamation fondée sur le droit interne et de
réclamation fondée sur le droit communautaire et, d'autre part,
celui de la praticabilité du régime de réparation tel
qu'organisé en droit national107.
93.- Le principe d'identification de traitement dans le
régime de réparation des dommages a été
invoqué par la Cour de justice afin d'assurer une protection effective
des droits des particuliers.
94.- En outre, l'existence d'une faute est une condition de
la réparation du préjudice prévue dans plusieurs
systèmes nationaux. Dans l'affaire Brasserie du pêcheur,
le Bundesgerichtshof a interrogé la Cour de justice sur la
question de savoir si le juge national « dans le cadre de la
législation nationale qu'il applique, peut subordonner la
réparation du préjudice à l'existence d'une faute
intentionnelle ou de négligence dans le chef de l'organe étatique
auquel le manquement est imputable »108. La Cour de justice n'a
répondu pas la négative en relevant que « la notion de faute
n'a pas le même contenu dans les différents systèmes
juridiques »109. La Cour de justice a ensuite confirmé
la seule condition suffisante de « violation caractérisée
». D'autres conditions supplémentaires comme « une faute
» sont donc exclues parce que « l'obligation de réparer les
dommages causés aux particuliers ne saurait être
subordonnée à une condition tirée de la notion de faute
allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée
du droit communautaire »110.
95.- La Cour précise dans l'affaire
Köbler, qu «'il faut de la méconnaissance manifeste
d'une décision de la Cour ou de la méconnaissance de l'obligation
de renvoi visée à l'article 234 CE, et que c'est la simple
constatation de cette méconnaissance qui conditionne l'existence du
droit à réparation du justiciable »111.
96.- Dans l'arrêt Traghetti, la Cour de
justice a continué à confirmer que la condition de violation
caractérisée est suffisante et a précisé qu'il ne
saurait en aucun cas imposer des exigences
106 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit., n°68.
107 G. VANDERSANDEN et M. DONY, « La
responsabilité des États membres en cas de violation du droit
communautaire », op. cit., p.49.
108 CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et
Factortame III, op. cit., n°75.
109 Ibid, n° 76.
110 Ibid, n° 79.
111 CJCE, 30 septembre 2003, Köbler c/ Autriche,
op. cit., n° 57.
plus strictes que celles énoncées par l'arrêt
de Köbler112.
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