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Le prosélytisme et la liberté religieuse à  travers le droit franco grec et la CEDH

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par Hatem Hsaini
Université Panthéon Sorbonne (Paris 1) - Master Droit public comparé 2002
  

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B- Le respect des convictions d'autrui.

Le respect du pluralisme dont la Cour a proclamé le caractère fondamental pour une société démocratique, vaut tout particulièrement en matière religieuse. Il vrai que le prosélytisme permet ce pluralisme religieux mais il ne doit pas aussi déboucher sur une intolérance à l'égard des autres religions ou courants religieux.

Ce respect prend une double forme qui peut conduire à des conflits en droits réciproques. Il désigne à la fois le droit de se voir respecter dans ses convictions mais aussi celui de respecter la conviction des autres. Ceci implique, entre autres conséquences, que tous ont un égal droit d'exprimer leurs convictions et de les manifester. De telles manifestations ou expressions peuvent être perçues comme un manque de respect par d'autres. Un des moyens de résoudre le problème pourrait être de neutraliser tout l'espace public et de le vider de ce type de manifestation. C'est ce que semble reconnaître la Commission à l'égard de la laïcité turque. La réglementation dans une université laïque peut « soumettre la liberté des étudiants de manifester leur religion à des limitations de lieu et de forme destinées à assurer la mixité des étudiants de croyance diverses ». Il s'agit en particulier de protéger la minorité non-croyante contre les pressions que la majorité religieuse du pays peut exercer sue elle. 130(*). Il est vrai que la Commission envisage implicitement l'existence parallèle d'université religieuse et que la liberté religieuse est suffisamment assurée par la possibilité de ce choix. Dans l'arrêt Dahlab131(*), la Cour a eu à trancher pour la première fois le problème du port de signes extérieurs d'appartenance religieuse dans le cadre de l'enseignement laïc. Elle a clairement consacré pour l'enseignement l'obligation de neutralité qui résulte du respect de la conscience d'autrui, notamment s'agissant de jeunes enfants « plus facilement influençable que d'autres élèves se trouvant dans un âge plus avancé ». La position de la Cour est assez pragmatique dans la mesure où elle rapporte l'obligation de neutralité aux conditions concrètes du respect de la conscience d'autrui qui, à l'évidence, varie selon de nombreux paramètres. Il vrai qu'elle introduit une considération supplémentaire de caractère idéologique qui ne paraît pas aller dans le sens du plus grand pluralisme puisqu'il lui paraît « difficile de concilier le port du foulard islamique avec le message de tolérance, de respect d'autrui et surtout d'égalité et de non discrimination que dans une démocratie tout enseignant doit transmettre ». La Cour semble donc admettre qu'on exige un conformisme idéologique des enseignants à l'égard des principes de la démocratie qui ne serait pas exigible des autres citoyens.

Quant au prosélytisme, c'est la question de la contradiction entre la liberté d'expression ou de manifester sa liberté religieuse par la parole ou l'acte et l'obligation de respecter les obligations d'autrui. Il est clair qu'à partir du moment où le prosélytisme porte atteinte aux droits et libertés d'autrui, celui-ci doit être interdit.

Dans ce dernier cas, la Grèce a prévu une loi incriminant ces agissements et en France c'est les délits comme la diffamation ou l'interdiction de la discrimination... Il faut rappeler que le prosélytisme est une notion qui concerne essentiellement la religion et qui ne s'applique pas en matière politique, philosophique. Elle exprime une certaine peur, soit de la religion, soit de la propagande religieuse, comme si celle-ci pouvait déclencher des réactions plus grandes ou plus graves que n'importe quelle autre forme de propagande, politique, philosophique... Avec l'affaire Kokkinakis la Cour a eu l'occasion d'aborder ce sujet d'une façon trop prudente et conformiste par rapport à la loi grecque. La Cour a accepté sans problème la possibilité de réprimer le prosélytisme en se fondant sur la protection des droits et libertés d'autrui, mais dans ce cas on est en présence d'un prosélytisme abusif (§ 44 de l'arrêt). On ne saurait oublier que, dans le contexte grec, la lutte contre le prosélytisme revient à protéger la religion dominante.

Dans les deux affaires Kokkinakis et Larissis, la Grèce fut condamnée parce que les tribunaux n'avaient pas motivés l'existence du prosélytisme autrement que par une référence abstraite à la loi.

Comme le fait remarquer F. Rigaux, cette attitude des tribunaux grecs revenaient à sanctionner un véritable délit d'opinion incompatible avec la Convention. Cette acceptation de la notion très floue difficile qui la condamne si elle veut rester fidèle au libéralisme de la Convention à n'entendre que le caractère abusif du prosélytisme que de façon très stricte.

La jurisprudence internationale a surtout eu à examiner des plaintes pour violation du respect dû à une croyance ou une conviction.

De l'existence de ce pluralisme tellement fondamental dans la conception de la démocratie défendue par la Convention européenne, la Cour a déduit une position de principe équilibrée dans sa jurisprudence Otto-Preminger et Wingrove. Elle tient en deux propositions complémentaires : le pluralisme implique inévitablement la critique dans la manière dont elle est effectuée peut appeler une intervention de l'Etat pour protéger la jouissance paisible des droits reconnus par l'article 9. « Ceux qui choisissent d'exercer la liberté de manifester leur religion, qu'ils appartiennent à une majorité ou une minorité religieuse, ne peuvent raisonnablement s'attendre à le faire à l'abri de toute critique. Ils doivent tolérer et accepter le rejet par autrui de doctrines hostiles à leur foi »132(*). Pour l'essentiel ces critiques viendront d'autres groupes au sein de la société. Qu'une association française attaque vivement comme secte dangereuse les Témoins de Jéhovah, ne suffit pas à faire considérer que l'Etat qui a reconnu l'utilité publique de l'association, est responsable. Un Etat peut classer une association comme secte en vue de combattre certaines conduites jugées incompatibles avec la liberté de pensée, de conscience et de religion sans porter atteinte à la liberté religieuse.

Mais, dès l'arrêt Kokkinakis, la Cour a affirmé le devoir pour l'Etat d' « assurer le respect des convictions de chacun » dans une société pluraliste. Elle avait eu auparavant l'occasion de souligner que « la manière dont les croyances et doctrines religieuses font l'objet d'une opposition ou d'une dénégation est une question qui peut engager la responsabilité de l'Etat, notamment celle d'assurer à ceux qui professent ces croyances et doctrines la paisible jouissance du droit garanti par l'article 9 »133(*).

Devant l'existence d'une liberté d'expression particulièrement protégée et l'obligation de faire respecter l'égale protection due à toutes les convictions, la justification et l'ampleur de l'intervention protectrice de l'Etat est commandée dans la jurisprudence européenne par une double distinction. Il ne peut être question de sanctionner des opinions en fonction de leur contenu, seule la manière de les exprimer peut permettre une ingérence étatique. La seconde distinction porte sur le contenu de l'opinion exprimée.

En droit interne français ainsi qu'en droit grec, la manifestation religieuse ne doit pas porter atteinte au repos du sentiment religieux134(*). Il peut donc être saisi par les incriminations d'injure et de diffamation religieuse et de provocation à la discrimination religieuse.

Enfin, la liberté religieuse et ses manifestations doivent respecter la liberté religieuse d'autrui. Le fait religieux ne peut porter atteinte à l'exercice par autrui de sa propre liberté religieuse. Cette liberté est protégée par le droit pénal par le biais des incriminations contenues dans les articles 31 et 32 de la loi de Séparation de 1905 qui la mettent à l'abri des contraintes et des troubles, mais aussi par des incriminations diverses saisissant certains aspects de l'extériorisation du sentiment religieux.

* 130 Commission, S. Karaduman, précité, p. 7.

* 131 C.E.D.H, Dahlab c/ Suisse, 15 février 2001, note J.F Flauss, A.J.D.A 2001, pp. 482-484.

* 132 Otto-Preminger, précité, § 47.

* 133 Otto-Preminger, précité, § 47.

* 134 Line Teillot, précité, p. 396.

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