B- Le cas du droit grec.
On peut noter au préalable, que la majeure partie du
peuple grec appartient à l'Eglise orthodoxe orientale. Ce pourcentage
est estimé à 96% de la population totale, suivent ensuite les
musulmans, les catholiques, les protestants, les Témoins de
Jéhovah, les Arméniens et les Juifs.
Ce qu il faut retenir, c'est qu'à la différence
de la France, en Grèce il existe une religion d'Etat : c'est la
religion orthodoxe (article 3 alinéa 1 de la constitution de 1975), et
cette dernière est privilégiée par rapport aux autres
religions ou confessions existantes sur le territoire grec.
Concernant la liberté religieuse et le
prosélytisme, la situation est assez atypique en Grèce.
La liberté religieuse est intégrée dans
les articles 13 de la Constitution. Selon ces dispositions, elle inclue la
liberté de conscience et la liberté de culte.
La conscience religieuse et les convictions religieuses,
irréligieuse ou athées ainsi que les déviations
dogmatiques ou administratives de toute religion (hérésie,
schisme) de tout homme en général (Grec et étranger), sont
protégées dans le cadre de l'égalité (article 4 et
13, § 1 Constitution). Des violations au principe d'égalité
avaient été constatées par le passé dans le domaine
du travail, surtout en ce qui concernait la nomination d'instituteurs et de
maîtres d'écoles maternelles.
Le contenu de l'instruction religieuse dans les écoles
est conforme aux idées de la religion dominante, instruction qui est
dispensée par des instituteurs de religions orthodoxe.
Le conseil d'Etat (arrêt 1417/1949) avait
décidé que seul un orthodoxe pouvait être nommé
instituteur, puisqu'il est inconcevable qu'un non orthodoxe puisse enseigner
conformément au dogme de l'Eglise orientale. En réalité,
cette cause de récusation avait fini par concerner également les
maîtres des écoles maternelles. Ce régime resta en vigueur
jusqu en 1988, époque à laquelle cette disposition fut abolie
(loi 177/1988). Désormais, un non orthodoxe peut être nommé
instituteur dans des écoles de deux classes au moins ; la religion
est ainsi enseignée par son collègue orthodoxe.
On s'aperçoit, que la condition c'est deux classes au
moins, a défaut, que se passera t-il ? Bien que la loi ait assoupli
cette disposition tout à fait discriminatoire, puisque l'accès
à cet emploi est conditionné par l'appartenance religieuse de
l'individu.
Dans le même ordre d'idée, le serment du
Président de la République doit uniquement être
envisagé de manière chrétienne. Il n'existe pas dans la
Constitution (article 33) de disposition similaire à celle de l'article
59 qui concerne le serment des députés non orthodoxe. En d'autres
termes, l'article 33 ne permet que l'élection d'un chrétien
orthodoxe comme Président de la République. Ceci est pourtant
contraire au principe d'égalité posé par l'article 4 de la
constitution.
IL est évident que la liberté de conscience en
Grèce, quand il s'agit de certains emplois ou postes de grande
importance, l'appartenance religieuse de l'individu prend toute son importance
pour l'obtention de l'emploi.
On peut dire, qu'il s'agit d'un prosélytisme d'Etat en
faveur d'une religion prédéterminé et de ce fait le
citoyen hellénique est conditionné de sorte qu'il connaît
seulement l'orthodoxie
Egalement, la liberté de changer de religion
contrairement en France n'est pas aisée.
Quant à la liberté de culte, cette
dernière est soumise à l'observation de certaines conditions.
Selon l'article 13, paragraphe 2 de la Constitution, la religion en question
doit être « connue », c'est-à-dire
qu'elle ne doit pas avoir de dogmes secrets et que son culte ne doit pas
être clandestin. De plus, la pratique du culte ne doit pas porter
atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs (article 13, §2),
à savoir, à l'ensemble des conceptions et principes fondamentaux
de caractère étatique, ethnique, social et financier, qui
dominent dans la société grecque à un moment
donné.
L'administration publique et, en cas de recours, les tribunaux
jugent si toutes ces conditions sont remplies. La doctrine et la jurisprudence
imposent une condition supplémentaire à celle
précitée : les adeptes de la religion en question ne doivent
pas faire du prosélytisme à l'encontre des croyants d'une autre
religion.
En effet, en Grèce, le prosélytisme est un
délit prévu par une loi spéciale. Il a été
institué comme tel par la loi forcée 1363/19H38, à
laquelle ont été substituées les dispositions de la loi
forcée 1672/1939 ; toutes les deux étaient des lois de la
dictature de Metaxas. En tant que délit pénal, le
prosélytisme est la tentative systématique et intense, allant
jusqu'à l'importunité directe ou indirecte, usant de moyens
légitimes et illégitimes, de pénétrer la conscience
religieuse d'un individu appartenant à une autre religion que celle de
l'auteur, dans le but de changer ses convictions religieuses.
La pratique du prosélytisme est
sévèrement punie : emprisonnement, amende, surveillance
policière, expulsion pour les étrangers. Notons, que le
prosélytisme n'était considéré comme délit
par la constitution de 1952 que lorsque la
« victime »de cette pratique était
orthodoxe. La constitution actuellement en vigueur (article 13§2)
protége toutes les religions de telles actions.
Cette définition du prosélytisme correspond au
prosélytisme dit « abusif »,
théoriquement, le fait de parler de sa religion à une personne
d'une autre confession religieuse ne devrait pas entrer dans cette
interdiction. Par ailleurs, toute personne est libre de croire ou de ne pas
croire, et surtout de changer de religion, ainsi le prosélytisme est un
moyen (lorsqu'il respecte les droits d'autrui), de répondre à la
volonté d'un individu de changé de religion.*
Il est clair, que la situation en Grèce par rapport
à la France, est assez ambiguë. En droit français, toute
personne est libre de professer sa religion en vue de convertir les futurs
fidèles, à la condition que l'on n'abuse pas de la personne. En
Grèce, l'Eglise orthodoxe joue un rôle extraordinaire au niveau
politique et au niveau social et finalement la répression du
prosélytisme et son inscription dans la constitution est une sorte de
protection de la religion dominante.
Enfin, concernant la mise en place de lieux de culte des
différentes religions (églises, maisons de prière,
synagogues et mosquées), cela est conditionné par l'approbation
du ministère de l'Education nationale et des Cultes.
Les conditions nécessaires à l'obtention de
cette autorisation comprennent, pourtant, l'autorisation du métropolite
orthodoxe local (loi forcée 1369/1938, article 41§1).
Le Conseil d'Etat a rendu nécessaire cette autorisation
pour l'établissement, également, des maisons de prière,
malgré le fait que la loi qui les concerne n'exige rien de tel. D e
plus, le Conseil d'Etat a décidé que l'autorisation du
métropolite ne constitue qu'un simple avis, qui ne lie pas le
ministère. Si ce dernier approuve l'institution du lieu de culte en
question, malgré l'opinion contraire du métropolite, il doit
motiver spécialement sa décision.
En réalité, les requêtes sont
rejetées par les évêques orthodoxes et le ministère
ne s'y oppose habituellement pas. Les intéressés ont, ainsi,
recours au Conseil d'Etat qui, en règle générale, leur
rend justice.
Peut-on continuer à affirmer pour la Grèce, que
le prosélytisme non abusif est un aspect de la liberté religieuse
et qu'en tant que tel devrait être protégé par la
loi ?
La réponse n'est pas simple, il est certain que le
degré de liberté en matière de religion est
inférieur à celui de la France.
Nous verrons, dans le prochain paragraphe, que la Cour
européenne des droits de l'homme a souvent condamné l'Etat grec
en matière de religiosité.
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