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Le prosélytisme et la liberté religieuse à  travers le droit franco grec et la CEDH

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par Hatem Hsaini
Université Panthéon Sorbonne (Paris 1) - Master Droit public comparé 2002
  

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Section I- L'interdiction du port de signes religieux par les élèves.

Le foulard islamique semble véhiculer beaucoup de crainte surtout avec les événements tragiques de ces dernières années. Il est toujours assimilé à l'intégrisme ou au terrorisme, cependant cela est loin de correspondre à la réalité du monde islamique.

Néanmoins, ce tissu posé sur le tête des jeunes musulmanes suscita des réactions multiples et passionnées. De ce fait, il est intéressant d'examiner la notion de signe religieux (§ I), pour constater que ce dernier est dorénavant interdit dans l'enceinte de l'école (§ II).

§ I- La notion de signe religieux.

Aux termes de l'avis du Conseil d'Etat rendu le 27 novembre 1989, la liberté pour les élèves de manifester leurs croyances religieuses au sein des établissements scolaires : « ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité,perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public ».

Les limites posées à la liberté des élèves sont ainsi de deux ordres. Les unes tiennent au comportement général des élèves, les autres au port même des signes religieux166(*). La circulaire Jospin a repris cette distinction, précisant que « les élèves doivent se garder de toute marque ostentatoire, vestimentaire ou autre, tendant à promouvoir une croyance religieuse »

« Le caractère démonstratif des vêtements ou des signes portés peut notamment s'apprécier en fonction de l'attitude et des propos des élèves et des parents. ». Ainsi, le caractère ostentatoire ou démonstratif peut investir prioritairement la tenue vestimentaire (visant ici spécifiquement le foulard islamique) et donc à travers elle, le signe d'appartenance religieuse.

Les premières décisions rendues par le Conseil d'Etat n'ont pas précisé la notion de « signes ostentatoire »167(*). A la rentrée 1994, au plus fort de la polémique entourant les « affaires du foulard islamique », dans un climat entretenant la peur de l'intégrisme, où le foulard était assimilé à « l'uniforme islamique, marque d'un engagement complet dans un courant de pensée militant »168(*) perçu comme « un test sur la capacité pour un courant islamique de se répandre dans un état étranger donné, un moyen d'évaluer la qualité de riposte de l'Etat d'accueil »169(*), le ministre de l'Education nationale a tenté de préciser la notion en prenant une circulaire le 20 septembre 1994 qui, selon certains auteurs, aurait marqué un durcissement de la position administrative 170(*). Cette circulaire comporte une proposition d'article destiné à être inséré dans le règlement intérieur des établissements. Cette proposition est ensuite suivie de l'exposé des motifs du ministre. La modification proposait ainsi d'interdire le port de signes, « si ostentatoires que leur signification est précisément de séparer certains élèves des règles de vie commune de l'école ». Cependant la circulaire recommande de tolérer le port de « signes discrets ». Pour le ministre, si les « signes discrets » manifestant un attachement à des convictions religieuses sont admis, en revanche, sont prohibés les signes ostentatoires.

En associant le caractère ostentatoire au port d'un signe tel que le foulard, extériorisant une croyance religieuse, la circulaire entendait-elle prohiber le port des signes les moins discrets indépendamment du comportement de l'élève ? Indirectement, la circulaire Bayrou 171(*) incitait les établissements à modifier leur règlement intérieur afin de pouvoir exclure les élèves sur la base du seul port ostentatoire du signe religieux172(*) ce qui revenait à interdire aux jeunes filles voilées de fréquenter les établissements scolaires173(*).

Mais encore fallait-il que les chefs d'établissement procèdent à une modification des règlements intérieurs en ce sens. Ainsi, c'est à eux que revenait le soin de distinguer le discret de l'ostentatoire.

Le foulard islamique est matériellement plus visible que les autres signes, et c'est pour cette raison que l'on a pu avancer qu'il était le seul signe d'appartenance religieuse à être de facto assimilable à un signe ostentatoire au sens de la circulaire Bayrou.

Dès lors, celle-ci établissait bien une distinction entre le foulard et les autres signes d'appartenance, pouvant le cas échant aboutir à une discrimination entre les religions, en particulier dans les trois départements concordataires de l'Est de la France (où la législation a instauré un régime de coopération entre les religions et l'Etat, et où existe une distinction entre cultes reconnus, tels les cultes catholique, protestant et israélite et non reconnus comme en l'occurrence le culte musulman) 174(*). Comme le rappelait Rivero, « aucune règle vestimentaire ne s'impose aux chrétiens. Croix ou médailles suspendues à une chaîne (...) ne sont qu'un ornement qui n'entend pas traduire une appartenance religieuse. » 175(*)

A partir de quelles dimensions un signe cesse t- il d'être discret pour devenir ostentatoire ? Un foulard déposé sur les cheveux est- il, en lui-même, ostentatoire ?

Autant de questions auxquelles les tribunaux, puis le Conseil d'Etat ont été successivement conduits à répondre. Suite à la modification du règlement intérieur de plusieurs établissements, précisant dorénavant que « le port par les élèves de signes discrets, manifestant leur attachement personnel à des convictions notamment religieuses, est admis dans l'établissement. Mais les signes ostentatoires, qui constituent en eux-mêmes des éléments de prosélytisme ou de discrimination, sont interdits » 176(*)et suite à l'exclusion sur cette base de jeunes filles voilées, plusieurs recours en annulation de décisions prononcées ont été formés.

Par un jugement du 3 mai 1995, le tribunal administratif de Strasbourg177(*) a retenu que les dispositions du règlement intérieur attaquées : « n'ont pas eu pour effet de proscrire le port de signes religieux à raison de leur seul caractère ostentatoire, mais se sont bornées à rappeler les principes applicables en matière de laïcité. Elles n'ont pas édicté d'interdiction générale et absolue du port du foulard islamique au sein de l'établissement, qui demeure licite dès lors qu'il ne s'accompagne pas d'actes prosélytique ou discriminatoire. L'exception tirée de leur illégalité à l'appui du recours dirigé contre une décision d'exclusion définitive de l'une des élèves du lycée n'est donc pas fondée. ». Retenant que la décision d'exclusion définitive de la requérante n'était en réalité fondée que sur le port d'un foulard considéré comme étant par nature un signe religieux ostentatoire sans que soit démontré l'existence d'un acte prosélytique ou de discrimination, le tribunal à annulé la décision d'exclusion.

Comme le soulignait le Commissaire du gouvernement Martinez dans ses conclusions sous un jugement rendu le même jour et se rapportant à des faits identiques178(*), « on ne voit guère que le port du signe puisse par lui-même constituer un acte de prosélytisme. Le prosélytisme implique des propos, une comportement, une attitude. » Le Conseil d'Etat, le 10 juillet 1995, a retenu que le port du foulard islamique n'avait pas obligatoirement un caractère ostentatoire ou prosélyte179(*). Dans ses conclusions, le Commissaire du gouvernement Schwartz avait avancé une question jusqu'alors jamais abordée. Le port collectif pouvait- il revêtir le caractère d'acte ostentatoire ou de provocation ? Une partie de la doctrine avait très tôt remarqué que la distinction par le signe risquait de n'être plus d'ordre « individuel » mais bien d'ordre « collectif »180(*).

Ainsi le Commissaire du gouvernement Schwartz retenait que « le port du foulard par la jeune Saglamer n'avait peut-être pas revêtu un caractère ostentatoire, mais c'est collectivement que le port du foulard s'est posé dans le lycée (à la rentrée 94/95, quarante cinq jeunes filles étaient voilées). Et c'est collectivement que le port du signe a pu revêtir un caractère ostentatoire ». Le Conseil d'Etat n'a jamais suivi cette opinion, réaffirmant depuis que le foulard :« ne saurait être regardé comme un signe présentant par sa nature un caractère ostentatoire ou revendicatif et dont le port constituerait dans tous les cas un acte de pression ou de prosélytisme. » 181(*).

Cependant en 1996 et 1997, le Conseil d'Etat a simultanément pris soin de préciser que si le règlement intérieur des établissements, modifié conformément aux dispositions de la circulaire Bayrou, sanctionne le port de signes ostentatoires, il ne constitue pour autant pas une interdiction générale et absolue. Ainsi, si le règlement intérieur : « interdit le port des signes ostentatoires constitutifs d'éléments de prosélytisme ou de discrimination, il n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire de manière générale et absolue le port de signes d'appartenance religieuse dans l'établissement ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées du recteur de l'académie de Lille auraient été prises en application d'un règlement illégal. »182(*)

La jurisprudence administrative considérant traditionnellement les mesures« générales et absolues », comme illégales, qu'adviendrait- il d'une mesure n'interdisant le port de signes d'appartenance religieuse qu'à certaines heures et que dans certains endroits de l'établissement scolaire ?

La nature d'un signe religieux ne peut transformer celui-ci en un « acte de propagande » et puisque son port est compatible avec le principe de laïcité de l'enseignement public, le Conseil d'Etat, a dès lors privilégié l'appréhension de l'attitude des élèves, pouvant le cas échéant concourir à l'ostentation ou au prosélytisme. Le signe n'étant pas par lui-même ostentatoire, on appréhendera le comportement des élèves. C'est ainsi que le port par nature licite du foulard peut occasionnellement s'accompagner de manifestations illicites.

Cependant en 1996 et 1997, le Conseil d'Etat a simultanément pris soin de préciser que si le règlement intérieur des établissements, modifié conformément aux dispositions de la circulaire Bayrou, sanctionne le port de signes ostentatoires, il ne constitue pour autant pas une interdiction générale et absolue. Ainsi, si le règlement intérieur : « interdit le port des signes ostentatoires constitutifs d'éléments de prosélytisme ou de discrimination, il n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire de manière générale et absolue le port de signes d'appartenance religieuse dans l'établissement ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées du recteur de l'académie de Lille auraient été prises en application d'un règlement illégal. »183(*) .

La jurisprudence administrative considérant traditionnellement les mesure « générales et absolues », comme illégales, qu'adviendrait- il d'une mesure n'interdisant le port de signes d'appartenance religieuse qu'à certaines heures et que dans certains endroits de l'établissement scolaire ?

La nature d'un signe religieux ne peut transformer celui-ci en un « acte de propagande » et puisque son port est compatible avec le principe de laïcité de l'enseignement public, le Conseil d'Etat, a dès lors privilégié l'appréhension de l'attitude des élèves, pouvant le cas échéant concourir à l'ostentation ou au prosélytisme. Le signe n'étant pas par lui-même ostentatoire, on appréhendera le comportement des élèves.

C'est ainsi que le port par nature licite du foulard peut occasionnellement s'accompagner de manifestations illicites.

* 166 Denis Mardesson, note sous CE 2 novembre 1992 Kherouaa. Gaz. Pal., 25 novembre 1993 p. 8.

* 167 CE 2 novembre 1992 M. Kherouaa et Mme Kachour, M. Balo et Mme Kizic N° 130.394 et CE 14 mars 1994.Mlles Neslinur et Zehranur Yilmaz N° 145.656.

* 168 Claude Botems, « A Dieu foulard... islamique ! ». Revue administrative 1993 p. 583-588.

* 169 Claude Botems, « A Dieu foulard... islamique ! ». Revue administrative 1993 p. 583-588

* 170 Yves Madiot, « Le juge et la laïcité ». Pouvoirs n°75 1995 p. 73-84.

* 171 Circulaire du 29 Septembre 1994. DIR/CAB/ N° 1649. Bulletin officiel du ministère de l'Education nationale, p.2528.

* 172 Arnaud de Lajartre, « Le port ostentatoire des signes religieux à l'école ». DA, Février 1996, p. 1-4.

* 173 Berengère Legros, note sous arrêt CE 14 mars 1994 Yilmaz. D. 1995 Somm Com p. 135-136.

* 174 Francis Messner, « Voiles islamiques et droit local de l'éducation ». RDL 1995 n°15.

* 175 Jean Rivero, « Laïcité scolaire et signes d'appartenance religieuse ». RFDA janvier-février 1990, pp. 1-7.

* 176 TA Strasbourg, 3 mai 1995, Saglamer.

* 177 TA Strasbourg, 3 mai 1995, Saglamer.

* 178 Conclusions du Commissaire du gouvernement Martinez, sous TA Strasbourg 3 mai 1995 Aksirin. RDP1995, p. 1349-1369.

* 179 CE, 10 juillet 1995, Saglamer. AJDA 1995, p. 647 concl. R Schwartz, p. 644.

* 180 Geneviève Koubi Note sous arrêt CE 2 novembre 1992 Kherouaa. D 1993 jurisprudence p. 108-111.

* 181 CE, 27 novembre 1996, précité, Mlle Saglamer n° 169522.

* 182 CE 27 novembre 1996, M. et Mme Wissaadane M. et Mme Hossein Chedouane n° 170209 et CE M. et Mme Ait Maskour et autres 15 janvier 1997 n° 172937.

* 183 CE 27 novembre 1996, M. et Mme Wissaadane M. et Mme Hossein Chedouane n° 170209 et CE M. et Mme Ait Maskour et autres 15 janvier 1997 n° 172937.

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