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Le prosélytisme et la liberté religieuse à  travers le droit franco grec et la CEDH

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par Hatem Hsaini
Université Panthéon Sorbonne (Paris 1) - Master Droit public comparé 2002
  

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§ II- L'appréciation des situations au cas par cas et ses limites.

En rendant son avis le 27 novembre 1989, le Conseil d'Etat préconisait une étude « au cas par cas ». Cette démarche individualiste demeure notamment justifiée à la fois par le pluralisme religieux et surtout par l'individualisation de la pratique religieuse188(*).

Afin de garantir l'intégrité du droit au respect des croyances, le juge doit aussi demeurer attentif à toutes les circonstances entourant l'affaire, aussi bien à l'événement qui a déclenché des incidents qu'à leur ampleur et à l'attitude des familles concernées 189(*).

Pour Claude Durand-Prinborgne, le raisonnement du juge s'articulerait en deux temps, deux « constats »190(*). Le juge vérifierait tout d'abord « l'existence d'effets condamnables ».

Ensuite, les confirmations de décisions d'exclusion seraient « toutes intervenues au sujet d'affaires dans lesquelles la motivation était précise, explicite et crédible et à l'inverse les rejets d'appels contre des jugements annulant des sanctions concerneraient des affaires pour lesquelles les motifs des décisions étaient imprécis, mal formulés, douteux. »191(*)

Plus précisément, le juge détermine tout d'abord après examen des pièces du dossier si les élèves visées par une mesure d'exclusion définitive ont, par leur comportement, perturbé le fonctionnement normal de leur établissement si le cas échéant il y a eu acte pression et/ou de prosélytisme sur d'autres camarades. Dans cette hypothèse, le juge confirme automatiquement la sanction prononcée192(*).

En l'absence de comportement prosélytique de la part de l'élève, le juge administratif examine la disposition litigieuse contenue dans le règlement intérieur afin d'en déceler une interdiction générale et absolue du port de signes d'appartenance religieuse. En présence d'une telle interdiction, il ne peut qu'annuler la sanction193(*).

Enfin, en l'absence à la fois d'un comportement prosélytique de l'élève et d'une interdiction générale d'extérioriser ses convictions religieuses, le juge administratif recherche alors si l'exclusion peut être justifiée au regard d'autres dispositions du règlement intérieur.

Ainsi, les élèves refusant dans la grande majorité des cas d'ôter leur foulard en cours d'éducation physique et de technologie, le juge confirme le renvoi définitif au nom du manquement aux obligations d'assiduité et de sécurité194(*).

Ce raisonnement par cercles concentriques est a priori le gage pour le requérant d'un examen in concreto de sa situation. Corrélativement, il constitue aussi à terme un risque d'enfermement du contentieux dans une logique « systématique ». Les décisions les plus récentes rendues par les juges de première instance, d'appel ou de cassation confirment les exclusions prononcées suite au refus par les jeunes filles d'ôter leur foulard en cours d'éducation physique et de technologie.

La Cour administrative d'appel de Paris a ainsi confirmé en 1998, au regard de manquements répétés à l'obligation d'assiduité ou suite à une absence de participation aux cours de d'éducation physique ainsi qu'aux travaux pratiques de technologie, l'exclusion définitive de deux élèves :

« Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Sabrina et Mériem Moueddene ont refusé, lors des enseignements d'éducation physique et, en cequi concerne Sabrina, lors des travaux pratiques de technologie, d'ôter le foulard qu'elles portaient en signe d'appartenance religieuse, comme le leur demandaient les enseignants, pour des raisons de sécurité ; que Mériem Moueddene n'a plus assisté par la suite au cours d'éducation physique, tandis que sa soeur Sabrina faisait acte de présence à ce cours, ainsi qu'aux travaux pratiques de technologie, sans cependant participer aux activités et aux enseignements dispensés ; que du fait de leurs manquements répétés à l'obligation d'assiduité et de leur absence de participation,dans ces deux matières, aux activités d'enseignement, la sanction de l'exclusion définitive qui leur a été infligée était légalement justifiée par les faits relevés à leu rencontre » 195(*).

En 1999, la Cour administrative d'appel de Lyon, a également confirmé le renvoi de deux élèves pour des motifs similaires, précisant en l'espèce que les cours de sciences présentaient par leur objet même des risques incompatibles avec le port du foulard : « Considérant que par deux décisions du 22 novembre 1995, le recteur de l'académie de Dijon a exclu définitivement du lycée Jules Renard d'Auxerre Mlles Khansa et Ala Mahmoud en retenant notamment comme motif le refus persistant de ces deux élèves de quitter leur foulard pour assister aux cours d'éducation physique, alors qu'elles ne soutenaient pas présenter de contre indications médicales à cet enseignement, et aux cours de sciences présentant pourtant par leur objet même des risques incompatibles avec le port de ce foulard ; qu'un tel comportement était à lui seul de nature à justifier leur exclusion définitive du lycée ; qu'ainsi c'est à tort que pour annuler les décisions susmentionnées, le tribunal administratif a retenu qu'elles étaient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; »196(*)

Enfin en 2000, la Cour administrative d'appel de Nantes a une fois encore confirmé l'exclusion de Mlle Nimet Yilmaz, élève portant le foulard en classe de B.E.P. « matériaux souples » (impliquant que la majeure partie de l'enseignement soit dispensé en atelier) pour le seul motif du non respect des règles de sécurité : « Considérant qu'il est constant que la requérante, en gardant sur elle son foulard, a effectivement refusé de se plier aux règles de sécurité et de se conformer aux consignes en ce sens données par l'enseignante du cours pratique de montage fabrication de matériaux souples ; que la sanction d'exclusion définitive dont elle a fait l'objet est, dès lors,justifiée par ces faits relevés à son encontre ; que si le second motif tiré du refus de Mlle Yilmaz d'ôter également ledit foulard en cours d'éducation physique et sportive ne pouvait être retenu dans la mesure où il ne lui avait pas été communiqué en temps utile, il résulte de l'instruction que le recteur de l'académie de Nantes aurait pris la même décision à son égard s'il s'était fondé sur le seul motif légal sus rappelé ; »197(*).

Ainsi, pour leur propre sécurité mais aussi pour celle des autres, les élèves se voient désormais contraintes d'ôter leur voile en cours de technologie, de science et d'éducation physique et sportive. L'argument est aussi incontestable qu'incontournable.

Le juge administratif reconnaît aux chefs d'établissement mais aussi, fait nouveau, au personnel enseignant le droit de réclamer de la part des élèves une tenue correcte, compatible avec le bon déroulement d'un enseignement. Outre la place ainsi laissée à l'arbitraire, le juge soumet la liberté religieuse à l'aléa que constitue la volonté de l'enseignant198(*). L'importance de la liberté religieuse n'est-elle pas susceptible de justifier une dérogation ? Le juge administratif ne semble actuellement pas y être favorable.

Finalement, un projet de loi est en cours actuellement et dont l'objet est d'interdire tous les signes religieux en primaire, au collège et au lycée.

Il est cependant regrettable que ce soit par une loi que doit se régler le problème du foulard islamique. Mais, il faut faire extrêmement attention que ces futures dispositions législatives n'excluent pas de la société les jeunes filles qui portent le voile, car la lutte contre le hijab est destinée à sauvegarder la laïcité de l'éducation nationale mais aussi d'éviter que des groupes se forment et que de ce fait cela se transforme en un communautarisme extrême. Il ne faut jamais perdre de l'esprit que les revendications de libertés et de droits des communautés menacent directement les droits et libertés individuelles.

* 188 Zarah Anseur « Le couple laïcité-liberté religieuse : de l'union à la rupture ? Réflexions à partir de l'affaire Ait Ahmad ». RTDH 1-2001 p. 77-94.

* 189 Patrick Wachsmann : « Libertés publiques ». Dalloz 3eme édition 2000 p. 490.

* 190 Claude Durand-Prinborgne « Le port des signes extérieurs de convictions religieuses à l'école : une

jurisprudence affirmée..., une jurisprudence contestée ». RFDA 1997 p. 151-172.

* 191 Claude Durand-Prinborgne, précité, p. 151-172.

* 192 CE 2 avril 1997 Epoux Mehila et autres n° 173103

* 193 CE 26 juillet 1996 Université de Lille II, n° 170106.

* 194 CE 20 octobre 1999 M. et Mme Ait Ahmad n° 181486.

* 195 CAA Paris 22 janvier 1998 M. et Mme Moueddene n° 96PA00645.

* 196 CAA Lyon 15 juillet 1999 Mlles Ala et Khansa Mahmoud n° 97LY22089.

* 197 CAA Nantes 27 avril 2000 Mlle Nimet Yilmaz.

* 198 Olivier Carton, « Les limites à la liberté d'expression religieuse : entre fermeté et errements du Conseil d'Etat ». RRJ 2000-4 p. 1561-1575.

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