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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Titre I. La grandeur de l?institution du Comité Judiciaire

Chapitre 1. La forte légitimité historique et juridique du Comité Judiciaire

Chapitre 2. Les hautes qualités du Comité Judiciaire

Titre II: L?apport du Comité Judiciaire à l?exercice du contrôle des normes Chapitre 1. La richesse du système mauricien de contrôle modelé par le Comité Judiciaire

Chapitre 2. Les grandes lignes de la protection constitutionnelle

Conclusion générale

43 Par exemple, pour désigner le Judge?, on a cherché à définir le rôle de celui-ci dans la mécanique juridique. C?est pourquoi on l?a traduit par haut magistrat? au lieu de haut juge?. Le premier est, conformément à la méthode systémique, plus réel et indicatif. Le terme juge? comporte dans une analyse savante une idée différente de magistrat?.

44 Etymologiquement traducere? veut dire faire passer?. Dans la méthode littérale, il s?agit de communiquer les signifiants par des signifiés d?une autre langue alors que l?approche systémique consiste à rapprocher les signifiants au détriment des signifiés. A titre illustratif, en privilégiant la méthode littérale nous avons traduit High Court? par Haute Cour? et non de Tribunal de Grande Instance? alors même qu?elle statue sur des grandes affaires en première instance.

45 Certains termes ont formé leur sens historiquement en français. Par exemple, dans des cas nous avons traduit Act? par Acte?. Le terme historique véhicule l?idée originelle du système anglais.

TITRE I. LA GRANDEUR DE L'INSTITUTION DU COMITÉ JUDICIAIRE DU CONSEIL PRIVÉ

Institué il y a plus d?un siècle et demi, le Comité Judiciaire appartient paradoxalement à l?histoire constitutionnelle anglaise récente et aussi très ancienne tout en présentant la particularité d?être l?un des rares organes britanniques pourvus d?une base légale. Bien qu?il soit créé par une Loi de 1833, ses origines remontent bien au-delà du dix-neuvième siècle. Il nous apparaît que le Comité Judiciaire émane, comme les grandes institutions anglaises, tel le Parlement de Westminster, de la coutume, de la pratique, voire des conventions constitutionnelles. Il est le produit d?une longue évolution historique.

En effet, le droit anglais dans son ensemble a évolué en une grande continuité historique46 et n?a connu, de fait, ni un renouvellement complet par le droit romain47, ni un renouvellement systématique par la codification, qui sont les caractéristiques du droit français et des autres droits de la famille romano- germanique (civil law). Il s?est développé lentement et de façon presque autonome même s?il a subi une certaine influence des Normands48. La connaissance de l?histoire est dès lors indispensable lorsque l?on envisage d?étudier une institution anglaise. Il y a lieu de rechercher dans le passé les éléments de sa rationalité.

Le Comité Judiciaire nécessite donc d?être examiné, d?abord, sous l?angle historique en tenant compte de l?évolution de ses liens avec l?île Maurice (chapitre 1). Son histoire, si longue et continue, constitue indubitablement la première facette de sa grandeur.

Mais, du Comité Judiciaire, les justiciables attendent de la compétence, l?indépendance et l?efficacité. La composition de la Haute Instance répond-elle à ces impératifs ? Aussi, une juridiction doit disposer des moyens nécessaires pour assurer ses missions. La délibération doit s?exercer dans des conditions permettant la sérénité des réflexions et le sérieux des décisions. Le

46 «English law represented an unbroken development from prehistoric time. There has been no conscious act of creation or adoption», BAKER J. H.: «An introduction to English legal history», Londres, Butterworths, 1990, 673 p., v. p. 1.

47 Sur l?apport des romains, v. BABINGTON Anthony: «The Rule of Law in Britain from the Roman occupation to the present day», Chichester, Barry Rose, 1995, 318 p. L?auteur soutient que: «The system of law which the Romans brought to Britain was an admixture of the sophisticated and primitive... It bestowed on Britain four centuries of civilising influence and of the Pax Romana», v. p. 12 et SCHWARZ-LIBERMANN Von Wahlendorf H. A.: «Introduction à l?esprit et à l?histoire du droit anglais», Paris, LGDJ, 1977, 138 p., v. p. 25 et s.

48 DAVID René et JAUFFRET-SPINOSI Camille: «Les grands systèmes de droit contemporain», Précis-Dalloz, 1992, 10e édition, 523 p., v. p. 254-5.

fonctionnement du Comité Judiciaire répond-il également à ces besoins ? Nous voudrions oeuvrer à élucider ces questions en étudiant l?organisation et le fonctionnement du Comité Judiciaire (chapitre 2) et démontrer par là même les hautes qualités de l?institution.

CHAPITRE 1. LA FORTE LÉGITIMITÉ HISTORIQUE ET JURIDIQUE DU COMITÉ JUDICIAIRE

L?histoire d?une institution est le gage de sa légitimité et de sa force. Une institution, surtout juridictionnelle, qui n?a pas à son actif une histoire, un passé, est souvent confrontée à une serieuse difficulté de reconnaissance. Tout organe public met un certain temps avant de pouvoir s?imposer, d?être dignement reconnu et accepté par le peuple. A titre indicatif, on peut citer le Conseil d?Etat français qui n?a pu conquérir qu?avec une lenteur extrême une place définitive dans le système juridique français.

L?histoire du Comité Judiciaire s?est formée dans une double direction: d?une part, de façon exclusive en Angleterre et éventuellement dans tout l?Empire et ensuite le Commonwealth, et, d?autre part, en relation avec les pays soumis à sa juridiction et, en ce qui nous concerne, l?île Maurice. Autrement dit, il existe une histoire générale et une histoire particulière à chaque pays.

A la lumière de cette observation, nous aborderons dans un premier temps l?évolution du Comité Judiciaire en Angleterre et dans le Commonwealth (section 1) et dans un deuxième temps le développement de ses liens avec l?île Maurice (section 2).

SECTION 1. LA LENTE ÉVOLUTION DU COMITÉ JUDICIAIRE EN ANGLETERRE ET DANS LE COMMONWEALTH

L?évolution du Comité Judiciaire fut lente et prudente. Le Comité Judiciaire a succédé et émané de plusieurs organes du Conseil du Souverain. Il nous faut remonter très haut dans l?histoire, tout au début de l?unification du royaume anglais, pour trouver son point de départ (sous-section 1).

Par la suite, avec le développement de l?Empire britannique, le Comité Judiciaire a connu un essor considérable (sous-section 2), mais a été en déclin une fois l?Empire lui-même affaibli (sous-section 3). Il convient d?analyser ce flux de l?histoire du Comité Judiciaire et de démontrer comment il a néanmoins permis de lui donner une nouvelle place dans le Commonwealth.

Sous-section 1. Les origines lointaines du Comité Judiciaire

L?origine du Comité Judiciaire remonte à la création même de la monarchie, la Couronne, sinon de l?Etat britannique.

La Loi de 1833 sur le Comité Judiciaire49, votée sous le règne du Roi Guillaume IV (1830-1837) et qui a mis en place ladite institution n?a en réalité apporté que des innovations de pure forme au fonctionnement juridictionnel du Conseil Privé. La Loi n?a pas tant eu pour objet de déterminer les compétences d?un nouveau comité autonome que de rationaliser l?administration de la justice du Roi (paragraphe 3), telle qu?elle était pratiquée au sein du Conseil Privé (paragraphe 2), successeur de la Curia Regis (paragraphe 1).

Paragraphe 1. La Curia Regis ou la Cour du Roi

Dès les premiers temps de l?histoire de l?Angleterre, les Rois anglo-saxons étaient entourés d?un certain nombre de personnes de grande valeur et de grande probité qui composaient son Grand Conseil, le Witan aussi dénommé le Witenagemot. Cependant, ce Grand Conseil n?était pas perçu comme un bon instrument susceptible d?imposer un gouvernement centralisé. La soumission au Roi dépendait de sa plus ou moins grande personnalité que de son autorité institutionnelle. Les Rois normands avaient donc introduit la Curia Regis (A) telle qu?elle existait et évoluait en France50, c'est-à-dire une institution qui exerçait les fonctions d?un gouvernement centralisé. Mais avec l?évolution de la société, qui devenait de plus en plus demanderesse de droit, cet organe a subi des scissions (B).

A. L'introduction de la Curia Regis

La Curia Regis touchait à l?essence même de la monarchie. Elle en était une institution majeure dont la connaissance met en situation d?en comprendre les mécanismes profonds.

La Curia Regis avait une double fonction: instaurer et consolider la féodalité (a) et exercer des fonctions de gouvernement et de justice (b).

49 The Judicial Committee Act of 1833.

50 SUEUR Phillipe: «Histoire du droit public français», PUF, Thémis, 1989, 2 vol., v. vol. 1 «La constitution monarchique», 440 p.

a. L'unification féodale

Le Roi Guillaume I (1066-1087) se disait être un Roi loyal alors même qu?il demeure un fait qu?il était un conquérant. Les normands devaient imposer un pouvoir fort sur une population qui n?avait pas beaucoup confiance en eux. Guillaume avait promis, lors de son serment de couronnement, à l?Angleterre le respect de tout le système qui existait avant lui bien qu?il eût établi une société militaire dotée d?une administration pyramidale.

La féodalité permettait l?implantation d?une administration forte et centralisée51 et l?unification complète du royaume52. La société anglaise était peu évoluée et il existait une tendance naturelle chez le plus faible à chercher appui auprès du plus fort. Les normands avaient consolidé ces liens en créant une dépendance réelle du petit au grand. L?administration royale avait conféré sous condition de foi au suzerain, le protecteur, un droit sur les terres du protégé, le vassal. Le système aboutissait à ceci: chaque terre était tenue d?un suzerain, qui tenait lui-même d?un autre suzerain supérieur. C?était la pyramide féodale, au sommet de laquelle se trouvaient le Roi et son Grand Conseil, qui seuls ne tenaient rien de personne53. Le Roi était le suzerain de tous et selon la devise des normands, «le Roi est la source de toute justice dans l?ensemble de ses dominions et exerce cette compétence au sein de son Conseil, lequel donne des avis à la Couronne»54. Le Roi Guillaume cumulait les fonctions de commandeur et de juge. La Curia Regis lui avait permis de pénétrer dans la conscience de ses sujets et son autorité avait accru autant que l?étendue de sa justice.

b. La dualité des fonctions de gouvernement et de justice

La Curia Regis n?avait pas connu à l?origine de différenciation entre les diverses fonctions régaliennes de l?Etat. Elle les exerçait toutes. Les membres de la Curia Regis conseillaient leur Seigneur, le Roi, sur une variété d?affaires sur lesquelles il demandait leur avis. Les pouvoirs de la Curia Regis étaient peu précisés mais étaient très importants dans la mesure où ils permettaient au Roi

51 LOVELL Colin Rhys: «English constitutional and legal history», Oxford University Press, 1962, 589 p., v. p. 64. V. également, STENTON F. M.: «The first century of English feudalism 1066-1166», Oxford, Clarendon Press, 1932, 311 p., v. p. 7 à 40.

52 LAMOINE Georges: «Histoire constitutionnelle anglaise», PUF, Que sais-je ?, 1995, 128 p., v. p. 13 et s.

53 «Norman feudalism was grounded upon a logical theory of tenure from which all the rights and duties of Lords and tenants flowed», HOLDSWORTH William, Sir: «A history of English law», Londres, Sweet and Maxwell, 1966, 17 vol., v. vol. 1, p. 32.

V. aussi PATEY Jacques, cité note 41, v. p. 15.

54 «The King is the fountain of all justice throughout his dominions and exercises jurisdiction in his Council, which acts in an advisory capacity to the Crown».

Ce principe est affirmé dans l?arrêt CJCP: 13 janvier 1947, Attorney-General for Ontario c/ Attorney-General for Canada, cité note 24.

de les utiliser au maximum. C?était grâce à des prérogatives inhérentes à la fonction du Roi que celui-ci avait fait de la Curia Regis l?organe le plus efficace et centralisé qui existait en Europe de l?ouest55.

Comme une Cour ultime en toutes les matières, tant en droit privé qu?en droit pénal, les membres de la Curia Regis agissaient comme les délégués (justitiarii) du Roi à la justice. Parfois le Roi envoyait ses conseillers dans les comtés pour y percevoir les impôts et aussi rendre la justice en son nom. La Cour, quant à elle, accompagnait toujours le Roi dans ses déplacements et conquêtes et rendait justice là où il le fallait. Le Conseil était ambulatoire. Le Roi était toujours présent en son Conseil. Il faut aussi retenir que la Curia Regis tranchait les litiges assez rapidement56 tant le Roi était lui-même le mieux placé pour apprécier les règles du royaume.

Les conseillers, appelés aussi Officiers de la Maison du Roi (Royal Household Officers) vivaient au Palais et étaient au nombre de dix à trente57. A leur tête se trouvait le Chancelier (Chancellor).

55 HOLDSWORTH William, Sir, cité note 53, v. p. 34.

56 Ibid.

57 LOVELL Colin Rhys, cité note 51, v. p. 62.

B. La désintégration de la Curia Regis

Avec le développement de l?Etat, l?existence de nouveaux enjeux tel le besoin de financement du royaume, la Curia Regis fut démembrée.

Elle avait subi deux grandes scissions qui aboutissaient à la création des cours autonomes (a) et du Parlement, concurrent direct du Conseil (b).

a. La création des cours autonomes et souveraines

La centralisation de l?administration de la justice exigeait bien plus que l?envoi en mission des légistes dans le pays. La centralisation impliquait l?implantation à Londres des cours permanentes et non plus itinérantes pouvant trancher des litiges compliqués. C?est ainsi qu?au treizième siècle trois cours royales, séparées de la Curia Regis tout en utilisant son personnel, avaient été établies à Westminster58.

Sous le règne du Roi Henri II (1154-1189), la Chancellerie commençait déjà à se distinguer et devenait plus tard un département spécialisé au Conseil à la tête duquel se trouvait le Chancelier59. Ensuite au sein du petit corps des délégués du Roi à la justice (justitiarii), une grande séparation s?était produite. Un groupe de juges continuait à suivre le Roi dans ses déplacements et forma peu après la Cour du Banc du Roi (Court of King's Bench)60. Une autre cour, qui siégeait à Westminster, avait pour nom la Cour des Plaids Communs (Court of Common Pleas). Cette dernière était la traduction d?une disposition de la Grande Charte (Magna Carta) de 1215, par laquelle le Roi Jean Sans Terre (1199-1219) avait promis que les plaids communs ne devraient plus suivre sa personne mais seraient examinés dans un lieu fixe car il était souvent difficile aux justiciables de savoir où était le Roi61.

Ces trois cours étaient connues sous le nom de Cours de Common Law.

b. La création du Parlement

58 KINDER-GEST Patricia: «Droit anglais», Paris, LGDJ, 1993, 671 p., v. p. 225.

59 L?influence personnelle du Roi Henri II semble avoir été prépondérante dans la mise en place de cette nouvelle administration. V. FITZROY Almeric, Sir: «The history of the Privy Council», Londres, John Murray, 1928, 348 p., v. p. 5.

60 Cette cour doit son nom au fait que le Roi avait pris l?habitude de s?asseoir sur un banc lui aussi à côté des juges. Elle avait une compétence tant en droit pénal qu?en droit privé.

61 Holdsworth William, Sir, cité note 53, v. p. 34.

Les officiers du Roi le conseillaient quand il légiférait. Lorsque le souverain avait besoin de moyens financiers lors des événements inhabituels liés à la vie féodale ou à la politique étrangère, il devait demander des impôts aux villes et aux comtés.

La levée de l?impôt par le Roi exigeait le consentement de ses sujets et il était pratiquement impossible pour tous les chevaliers de la Couronne de venir siéger à la Curia Regis, réunie en assemblée plénière. Une majorité d?entre eux ne voulaient pas y siéger. Il avait donc été décidé que les chevaliers pouvaient déléguer certains de leurs pairs pour exprimer leurs voeux, consentements et autres opinions au Roi. De là a surgi le principe de la représentation62.

Au treizième siècle, le mot Parlement apparaissait pour signifier l?assemblée de la Curia Regis qui comprenait plus de membres que ceux qui y étaient présents tous les jours et se réunissait pour discuter des questions de grande importance. A la fin de cette période, la réunion du Parlement désignait aussi le fait pour le Conseil de statuer sur des requêtes et pétitions retenues par le clerc de ladite institution.

Ainsi, lorsque le Parlement se séparait définitivement du Conseil, il emportait avec lui certains pouvoirs de la Curia Regis, surtout en matière juridictionnelle, et qui étaient qualifiés désormais d?attributions du Roi en Son Parlement (the King in His Parliament). Pour aider cette nouvelle institution à remplir ses fonctions judiciaires, des receveurs (receivers) étaient nommés pour accueillir et classer les pétitions. Les décisions des cours subalternes, notamment celles de la Cour du Banc du Roi, étaient susceptibles d?appel devant le Parlement63.

Toutefois, malgré le démembrement opéré au sein du Conseil du Roi, celui-ci avait conservé un résidu de justice (retenue) par opposition aux autres cours qui n?étaient compétentes qu?en vertu d?une délégation royale. Cette délégation ne pouvait priver le Roi de la prérogative d?exercice de son pouvoir judiciaire initiale64

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus