WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

( Télécharger le fichier original )
par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2. La réorganisation du Conseil

62 LOVELL Colin Rhys, cité note 51, v. p. 159-60.

63 C?est ainsi que la Chambre des Lords est encore aujourd?hui la juridiction suprême en Grande- Bretagne.

64 DICEY Albert Venn: «The Privy Council», Londres, Macmillan and Co., The Arnold Prize, 1847, 147 p., v. p. 12-13.

Suite à ces développements, il était nécessaire de doter le Conseil du Roi d?une nouvelle structure. Si ses compétences originaires étaient dispersées entre divers organismes, il avait conservé des compétences vagues et mal définies. Tout ce qui n?étaient pas délégué lui appartenait toujours. Il avait ainsi suffi qu?une désorganisation fût causée dans l?Etat par des troubles pour que les pouvoirs du Conseil fussent accrus. Le Conseil regagna son prestige et sa suprématie d?autrefois par la création en son sein de la Chambre Etoilée (A). Par ailleurs, devant l?incapacité des cours de Common Law et du Parlement de rendre justice en matière coloniale, le Conseil avait été doté d?une compétence additionnelle (B).

A. La création de la Chambre Etoilée

En 1487, sous le règne de Henri VII (1485-1509), le Parlement avait adopté une Loi portant création de la Cour de la Chambre Etoilée (The Court of the Star Chamber). Cette Loi avait, semble-t-il, pour objectif de mettre sur pied un tribunal détaché du Conseil et doté d?une compétence d?attribution. La Loi fut interprétée différemment et les attributions du nouveau tribunal avaient été absorbées par la Chambre Etoilée du Conseil qui existait de facto déjà65. Sans entrer davantage dans la discussion technique de ce point d?histoire, qu?il nous soit permis d?étudier en revanche la mise en place (a) et le fonctionnement (b) de la Chambre Etoilée afin d?apprécier son apport au développement des compétences du Conseil.

a. Sa mise en place

La Chambre Etoilée, nommée ainsi à cause des étoiles en cercle qui se trouvaient au plafond, était une chambre du Palais de Westminster construite en 1347 et était utilisée pour des audiences juridictionnelles du Conseil. Dans le langage courant de l?époque, la Chambre Etoilée désignait aussi la réunion de certains membres du Conseil pour juger des affaires et avait plutôt tendance à acquérir une autonomie et se séparer du Conseil.

Selon l?énoncé de la Loi de 1487, la Chambre Etoilée devait être composée exclusivement du Chancelier, du Trésorier, du Lord-Garde du Sceau Privé et des juges en chef (Chief Justices) des cours de Common Law. Toutefois, la pratique

65 Cependant, Sir Edward Coke et Sir William Holdsworth pensent que la Loi de 1487 n?avait pas supprimé la juridiction du Conseil et investi une nouvelle dénommée Chambre Etoilée?. Elle avait simplement conféré la charge de la justice en matière de crime et d?ordre public à une chambre du Conseil. Sur cette thèse, v. PATEY Jacques cité note 41, v. p. 27.

voulait que tous les membres du Conseil pussent siéger dans la Chambre66. Aussi, ses compétences, limitées selon les dispositions de la Loi, étaient devenues universelles. Par conséquent, la Chambre Etoilée était presque identifiée au Conseil. Le Roi présidait souvent les audiences et le Roi Jacques I (1603-1625) avait même siégé dans un procès pendant cinq jours consécutifs67. Le Souverain rendait lui-même les jugements. Quand il n?avait pas assisté aux débats, il prenait l?avis de ses conseillers, tout en conservant le droit de modifier la sentence proposée68.

b. Son fonctionnement

Sous le règne de la dynastie des souverains de la maison des Tudors, la criminalité constituait l?un des problèmes majeurs de la Couronne. La Chambre Etoilée, telle qu?elle était, offrait l?avantage de pouvoir juger les accusés sans la constitution d?un jury et pouvait imposer plusieurs types de peine. Elle permettait au gouvernement de poursuivre les auteurs des délits de sédition rapidement.

Cependant, ce tribunal était vite devenu un instrument de l?arbitraire et de la tyrannie. Il menait l?instruction dans la clandestinité. L?accusé ne pouvait contre-interroger les témoins adverses. Son silence était considéré comme un aveu de culpabilité 69 . La Chambre Etoilée avait le pouvoir d?arracher des aveux par des tortures qui étaient aussi barbares les unes que les autres: brûlures au fer chaud, la mise au pilori et le fouettement. Mais elle ne pouvait prononcer la peine de mort en vertu d?un principe de Common Law qui voulait que seul un tribunal composé d?un jury populaire eût un tel droit70 Elle rendait la justice à l?image d?une société archaïque et violente.

Les juristes de Common Law et l?opinion publique désapprouvaient ces pratiques d?autant plus que parfois les juges participaient eux-mêmes à l?exécution des sentences. Le Lord-Chancelier Wriothesley, par exemple, avait serré les vis de l?instrument de torture qui avait écartelé une femme à la Tour de Londres (London Tower)71. Devant ces actes de barbarie, certains juristes de Common Law avaient adressé à la Reine Elisabeth I (1558-1603) une humble

66 CARTER A. T.: «Council and Star Chamber», LQR, 1902, vol. 18, pp. 247 à 254.

67 DICEY Albert Venn, cité note 64, v. p. 101.

68 PATEY Jacques, cité note 41, v. p. 29.

69 FITZROY Almeric, Sir, cité note 53, v. p. 118 à 126.

70 LOVELL Colin Rhys, cité note 45, v. p. 275. Le jury avait pour objectif de légitimer la sentence. V. MILSON S.F.C.: «Historical foundation of the Common Law», Londres, Butterworths, 1981, 475 p., v. p. 410 et s.

71 FITZROY Almeric, Sir, cité note 53, v. p. 125.

supplique contre les abus des membres du Conseil et contestaient la légalité de la Chambre Etoilée.

Il était revenu au Roi Charles I (1625-1649) de convoquer en 1640 le Parlement72 qui adopta une Loi portant abolition de la Chambre Etoilée et réglementation du Conseil Privé73. La Loi reprenait des dispositions de la Grande Charte dans son préambule et rappela que les juges de la Chambre n?avaient pas agi dans les limites de la Loi74.

B. La compétence du Conseil Privé en matière coloniale

Le Conseil Privé, la nouvelle appellation du Conseil du Roi75, qui avait survécu à l?abolition de la Chambre Etoilée était une institution dotée d?une compétence plus réduite que le Conseil du Roi. Le Conseil Privé se réunissait en secret que pour délibérer sur la politique du gouvernement76 et exercer un pouvoir juridictionnel d?appel à l?encontre des décisions des cours coloniales. Après avoir été l?instrument clé de la consolidation du royaume britannique, le Conseil Privé devint un élément majeur de la logistique conquérante de la Grande-Bretagne. En effet, sous le règne du Roi Henri VII (1485-1509), des justiciables des colonies avaient pris l?habitude de recourir au Roi pour trancher des litiges (a). Avec le regain d?intérêt des plaideurs pour l?institution, des comités spécialisés avaient été créés au sein du Conseil Privé pour entendre ces appels (b).

a. L'origine des recours des justiciables au Roi

Les habitants des îles Anglo-Normandes (Channel Islands) avaient revendiqué avec succès le privilège d?un appel gracieux au Roi en tant que Duc de Normandie en vertu d?un droit acquis77. Ces îles étaient considérées comme étant trop petites pour pouvoir elles-mêmes disposer d?une cour souveraine78.

72 Cette réunion était connue sous le nom de Long Parlement?. V. sur le sujet MAUROIS André: «Histoire d?Angleterre», Paris, Librairie Arthème Fayard, 1937, 754 p., v. p. 423 et s.

73 «An Act for the regulation of the Privy Council and for the taking away of the Court commonly called the Star Chamber.»

74 HOLDSWORTH William, Sir, cité note 47, v. p. 515.

75 Selon Albert Venn Dicey, l?expression Conseil Privé était apparue bien auparavant sous le règne du Roi Henri V (1399-1413). Les termes Conseil? et Conseil Privé? évoquaient à l?époque l?ancien Conseil du Roi. V. DICEY Albert Venn, cité note 58, v. p. 43.

76 Le cabinet prit naissance de cette pratique. Son fonctionnement ne s?était jamais codifié. Aussi, c?est ce qui explique que le Comité Judiciaire, qui est un organe du Conseil Privé tout comme le Cabinet, se trouve à la Downing Street.

77 «Ce devait être le bien modeste début de la juridiction la plus étendue au monde», PATEY Jacques, cité note 41, v. p. 24.

78 Sur le début de ces appels, v. SMITH Joseph Henri: «Appeals to the Privy Council from the American plantations», Columbia University Press, 1950, 770 p., v. p. 11.

Une Ordonnance en Conseil (Order in Council)79 prise par le Roi Henri VII en 1495 disposait que les appels en provenance de ces îles ne devaient être portés à aucune autre cour d?Angleterre, mais au Roi et à son Conseil (au Roy et a Consaill). Avec l?émergence de nouvelles colonies, le recours au Conseil devenait un moyen pour la Couronne de contrôler les affaires de ses colonies d?autant que les ressortissants britanniques de l?Inde désapprouvaient la justice de la Compagnie des Indes Orientales (East-India Company). La justice royale devenait le contrefort du pouvoir impérial et un facteur d?unification et d?intégration des possessions acquises.

Une Ordonnance en Conseil de 1580 avait fixé les premières règles de procédure devant le Conseil à l?égard de l?île de Guernesey. L?Ordonnance réglementait le délai dans lequel l?appel devait être interjeté, la manière pour l?appelant de faire transmettre par les autorités de l?île le dossier et les questions de frais et de cautions conformément aux anciennes coutumes de l?île80.

Le Conseil Privé, dépourvu de toute compétence juridictionnelle en droit interne depuis l?abolition de la Chambre Etoilée, était plutôt composé de conseillers personnels et de conseillers politiques du Roi que de juristes, hormis le Lord-Chancelier et le Lord-Garde du Sceau. En certaines occasions, il avait été nécessaire aux conseillers du Roi de consulter des juristes non-membres du Conseil pour trancher des litiges. Aussi, le traitement des appels n?était-il fondamentalement pas différencié des affaires politiques81.

En revanche, il y avait là un début de spécialisation. Mais le droit général d?appel au Roi n?était pas encore expressément proclamé et certains dirigeants des colonies déniaient son existence82. Par la suite, le Roi affirmait et revendiquait sa prérogative dans ses communications avec ses représentants dans les colonies.

b. La création des comités spécialisés

Il était devenu nécessaire de mettre au point une organisation dont la finalité était la spécialisation en matière juridique et, par voie de conséquence,

79 L?Ordonnance en Conseil est une décision exécutoire à portée générale ou individuelle signée par le Souverain.

80 SAFFORD Frank: «The practice of the Privy Council in judicial matters», Londres, Sweet and Maxwell, 1901, 1136 p., v. p. 702.

81 SMITH Joseph Henri, cité note 78, v. p. 24.

82 Ibid.

l?efficacité de la justice royale. Ainsi, en 1661, le Roi Charles II (1660-1685) créa avec peu de succès une instance spécialisée dénommée Comité d?Appel (Appellate Committee) au sein du Conseil. En 1681, il fut constitué au Conseil un Comité pour les Affaires Commerciales (Committee for the Business and Trade). C?était un comité permanent (Standing Committee) devant s?occuper de tout ce qui concernait les colonies de Guernesey83. La procédure n?était pratiquement pas réglementée, mais une Ordonnance en Conseil de 1683 avait prévu un dépôt de cautionnement (sufficient security) alors que la même année, Lord Keeper North, dans un arrêt célèbre84, affirmait le principe selon lequel dans les endroits tenus en don de la Couronne, il existait un droit de recours au Roi en Son Conseil.

En 1687, il avait été décidé que tous les Lords du Conseil Privé devaient composer le Comité pour le Commerce et les Plantations (Committee for Trade and Plantations) ainsi créé. Ce comité avait plus ou moins les mêmes compétences que le précédent. Cependant, il ne fonctionnait pas comme une juridiction. Il pouvait rendre sa décision sans avoir entendu une des parties et la procédure était informelle.

Après la Glorieuse Révolution de 1688-89, un Comité de Lords Commissaires de Commerce et des Plantations (Committee of Lords Commissioners of Trade and Plantations) avait été créé. Il fallait en priorité contrôler et diriger le commerce extérieur du royaume et trancher les litiges dans le sens le plus favorable à celui-ci. Un élément de procédure fut institué. Une Ordonnance en Conseil de 1696 disposait qu?un quorum de trois Lords du Conseil Privé était nécessaire pour statuer sur des appels venant des plantations85. Le Comité devait établir un rapport à Sa Majesté sur chaque affaire86.

Avec le développement de l?Empire britannique aux dix-septième et dix- huitième siècles, le nombre de pourvois au Conseil augmenta considérablement87. La lenteur de la procédure constituait, toutefois, un problème majeur tant la communication avec la métropole n?était pas rapide et le Conseil était essentiellement un organe exécutif plus préoccupé de l?administration que de

83 BENTWICH Norman, cité note 41, v. p. 2.

84 Haute Cour d?Equité: 14 julli 1683, Jennet and Ux? c/ Bishopp and Al?, ER, vol. 23, Chancery, affaire n° 181 p., 403, Lord Keeper rédacteur de l'arrêt, rapporté par Thomas Vernon.

85 SAFFORD Frank cité note 80, v. p. 704-5.

86 Ibid.

87 De 1674 à 1694, le Comité avait statué sur 60 appels des plantations américaines. De 1726 à 1833, il y avait 300 pourvois de la seule Cour Suprême de l?Inde.

rendre la justice. En 1833, il était impératif de rationaliser le système et créer un tribunal permanent.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo