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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Paragraphe 2. La problématique tribunal anglais ou mauricien

Le Comité Judiciaire n?est pas un tribunal international557 car il n?a pas été créé par un Traité ou accord entre des Etats et il n?est pas a priori un juge de l?application du droit international558. Dans quelle catégorie de juridiction peut-on alors le classer ? Est-ce un tribunal étranger, donc anglais (A) ou transnational (ou multinational), c'est-à-dire mauricien selon le cas (B) ? La présente étude, comme la dernière sur la nature administrative ou juridictionnelle du Comité Judiciaire, n?a pas pour objet de résoudre le problème, ce qui nous aurait amené à n?avoir qu?une vision réduite du Comité Judiciaire. Notre objectif, en traitant les questions que nous avons posées, est de mettre de l?avant le fait que la Haute Instance londonienne appartient à plusieurs systèmes juridiques et d?en tirer ensuite les conséquences en droit mauricien.

A. Un tribunal anglais

Nous prendrons la liberté d?évoquer l?hypothèse et de démontrer du point de vue juridique le caractère anglais de la juridiction du Whitehall (a). Nous verrons ensuite comment, si cette hypothèse est retenue, elle peut influer sur l?administration de la justice par le juge londonien (b).

a. Les caractères

La doctrine fonde son opinion sur le fait que le Comité Judiciaire est régi par les lois anglaises uniquement559. L?institution a été instituée par la Loi britannique de 1833 et réformée par des lois successives du Parlement de Westminster et des Ordonnances du Souverain britannique. On a vu que l?origine même de l?institution provient du droit du Souverain de faire justice entre ses sujets560. Il n?est point besoin d?en insister davantage.

557 Il est des fois considéré ainsi par certains auteurs. V. par exemple SCHABAS William A.: «Soering?s legacy: the Human Rights Committee and the Judicial Committee of the Privy Council. Take a walk down death row», ICLQ, pp. 913 à 923, v. p. 914. De même, Monsieur le Doyen Louis Favoreu le qualifie de juridiction supranationale dans sa préface dans l?ouvrage de COLOM Jacques: «La justice constitutionnelle dans les Etats du nouveau Commonwealth: le cas de l?île Maurice», Economica, 1994, 244 p., v. p. 5.

558 Selon la définition donnée par Monsieur le Professeur Michel Virally, une organisation internationale est une «association d?Etats, établie par accord entre ses membres, disposant d?organes permanents chargés de réaliser les objectifs d?intérêt commun par une coopération entre eux». V. «Organisations internationales», La Documentation Française, 1993, 146 p., v. p. 11. Le Comité Judiciaire ne répond pas à ces critères.

559 DOOKHY Parvèz: «Le Privy Council est-il un tribunal mauricien ou anglais ?», Le Mauricien, 29 août 1995, p. 7.

560 Monsieur Jacques Colom avance dans sa thèse que: «Cette juridiction (le Comité Judiciaire) d?essence britannique est étrangère au système juridique mauricien à tous les niveaux», COLOM Jacques, cité note 245, v. p. 126.

Il appartient aux autorités anglaises d?assurer le fonctionnement du Comité Judiciaire561. Il est symptomatique de relever que la procédure suivie quant au mode de saisine de l?institution par le plaideur mauricien est décrite par les Ordonnances royales, dont principalement celle de 1968562. Les pouvoirs publics mauriciens, ou ceux des autres pays du Commonwealth, n?exercent aucun contrôle sur les règles de procédure. Les relations entre Maurice et la Grande - Bretagne relatives au fonctionnement du Comité Judiciaire ne répondent pas au modèle traditionnel des rapports entre Etats souverains. Ces relations ne sont pas entretenues sur une base synallagmatique, sur une rencontre des volontés563 mais par des actes unilatéraux de l?ancienne métropole. Ainsi, lors du changement de statut de Maurice en 1992, le gouvernement mauricien n?a que sollicité des autorités anglaises une mise en conformité des règles anglaises régissant le Conseil Privé à l?évolution constitutionnelle de Maurice sans pour autant participer, ne serait-ce que sur le plan des consultations, à l?élaboration des nouvelles règles.

Par ailleurs, le Comité Judiciaire, manifestant son caractère étranger, rejette expressément toute extension de sa compétence en matière pénale par le législateur mauricien bien que la Constitution mauricienne, originellement une loi britannique, investisse ce dernier d?un tel pouvoir. L?article 81-1-d de la Constitution dispose qu?un pourvoi contre les décisions rendues en dernière instance à Maurice peut aussi avoir lieu dans les cas prescrits par le Parlement. En ce sens, l?article 7 d?une Loi mauricienne sur la justice de 1980 (Courts Act 1980) avait élargi la compétence materiae du Conseil Privé à toutes les affaires pénales. Le Comité Judiciaire ne s?était estimé lié par cette disposition. Il avait décliné sa compétence et écarté de son prétoire les affaires pénales entrant dans les termes de la Loi mauricienne564 en considérant que cette Loi était contraire aux règles de la pratique du Comité Judiciaire.

561 En dehors des lois spécifiques, le fonctionnement du Comité Judiciaire se conforme au droit commun anglais. Par exemple, le plaideur mauricien qui commet un outrage à l?égard des membres du Comité Judiciaire à l?audience est punissable selon le droit commun anglais et non mauricien.

562 The Mauritius Appeals to Privy Council Order 1968.

563 «... l?égalité entre les Etats souverains qui est à la base du droit international, la nécessité d?un accord entre eux pour établir par le libre consentement des obligations mutuelles, donnent à ce droit un caractère essentiellement concerté», COMBACEAU Jean et SUR Serge: «Droit international public», Monchrestien, 1995, 2e édition, 827 p., v. p. 47.

564 CJCP: 15 novembre 1982, Lutchmeeparsad Badry c/ Director of Public Prosecutions, cité note 386. Le Lord-Chancelier Hailsham of St. Marylebone indique que: «By these words, their Lordships, notwithstanding any new legislation in the territories of the Commonwealth from which appeals may be brought in criminal matters, continue to feel themselves bound, and in that instant appeal, their Lordships consider that they have been guided by them», ibid., p. 166.

V. aussi sur la critique de cette attitude du Comité Judiciaire, GUJADHUR Madhan, QC: «Is there parliamentary sovereignty in Mauritius ? A serious question», CBM, 1989, n° 1, pp. 10 à 14.

La fiction établie sur la localisation du Comité Judiciaire ne résiste pas à l?analyse. Dans un arrêt de 1923, la Haute Instance avait fait ressortir qu?elle ne se situait aucune part tout en étant dans tout l?Empire britannique565. Aujourd?hui, avec l?émancipation du Comité Judiciaire et l?évolution constitutionnelle survenue dans les nouveaux Etats du Commonwealth, le recours porté devant le Comité Judiciaire se fait bien à la Downing Street à Londres.

Enfin, dernier indice principal de sa nature britannique, le Comité Judiciaire, en formation de jugement est composé majoritairement, si non uniquement, de juges anglais sans jamais un seul juge mauricien. Il revient au Monarque britannique seul de nommer les membres de la Haute Instance.

b. Les conséquences sur l'administration de la justice

Au vu de ce qui précède, il ne fait aucun doute que le Comité Judiciaire peut être considéré comme faisant partie des institutions anglaises d?autant que dans le cas où le mode de justice administré est encore retenu (à l?égard des dominions et colonies britanniques), le juge nominal réside dans la personne même de la Reine d?Angleterre. Le Comité Judiciaire assure donc l?exécution d?un service public britannique financé entièrement par l?Etat britannique. La mission du Comité Judiciaire ne fait pas partie du service public mauricien telle que cette notion est définie dans la Constitution mauricienne566. En tant qu?institution publique anglaise, le Comité Judiciaire ou le Souverain, devrait respecter, dans l?exécution de leurs fonctions juridictionnelles les droits anglais et international, notamment européen.

Sur la base de ce postulat, l?Etat britannique pourrait voir sa responsabilité engagée dès lors que, par exemple, le service public judiciaire de la Haute Instance londonienne devienne défectueux. Un dysfonctionnement de l?institution devrait donner droit à réparation des préjudices causés selon les termes du droit anglais. Dans le même cas de figure, le fonctionnement du Comité Judiciaire devrait être respectueux du droit de la Convention

565 CJCP: 25 juillet 1923, Alexander E. Hull and Company c/ A. E. M?Kenna, cité note 552. Lord Haldane écrit que: «The Judicial Committee of the Privy Council is not a body, strictly speaking, with any location. The Sovereign is everywhere throughout the Empire in the contemplation of the law», ibid., p. 404.

566 L?article 111 de la Constitution mauricienne dispose que «service public signifie le service de l?Etat (la République de Maurice) en sa capacité civile pour le gouvernement de Maurice». Cette tautologie exclut la mission du Conseil Privé.

Européenne des Droits de l?Homme567 qui lie l?Etat britannique. Par exemple, une lenteur excessive accusée par le Comité Judiciaire dans le traitement d?une affaire serait de nature à engager la responsabilité de l?Etat britannique aux termes de l?article 6 de la Convention susmentionnée568.

L?hypothèse selon laquelle le Comité Judiciaire est un tribunal anglais pourrait-elle, dans une perspective plus large, avoir des conséquences sur le droit substantiel que doit appliquer le juge londonien? En principe, seules les lois locales entrent en ligne de compte. Il est tout de même permis d?en douter en ce sens que la Convention Européenne des Droits de l?Homme oblige les Etats membres à faire appliquer par leurs juridictions et toute autre autorité publique le droit de la Convention. L?article premier de celle-ci stipule que «Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et les libertés définis au titre I de la présente Convention». Selon cet article, les titulaires des droits et libertés reconnus par la Convention sont toutes les personnes relevant de l?autorité et compétence (juridiction) des Etats contractants569 dont, selon notre hypothèse, les justiciables du Conseil Privé. Il se pourrait qu?en vertu de cette clause, la Haute Instance londonienne soit contrainte d?appliquer le droit local en l?ayant au préalable mis en conformité avec les normes de la Convention car dans le cas contraire la responsabilité de l?Etat britannique pourrait être engagée pour violation de celle-ci.

A titre illustratif, le Comité Judiciaire avait dans des pourvois en provenance principalement de Maurice570 et de la Jamaïque571, autorisé l?application de la peine de mort par les autorités locales à certains condamnés conformément aux droits locaux. Or cette peine, dont la mise en exécution est autorisée en dernier par une autorité anglaise572, est susceptible de violer les stipulations de l?article 3 de la Convention Européenne relative à l?interdiction des pays membres d?appliquer une sentence inhumaine et dégradante. Ce n?est pas l?autorité anglaise qui procède à l?exécution des décisions de la Haute

567 La dénomination exacte de la Convention est Convention de Sauvegarde des Droits de l?Homme et des Libertés Fondamentales. Elle fut signée à Rome le 4 novembre 1950.

568 Cet article dispose dans son premier alinéa que: «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable...»

569 CARRILLO-SALCEDO Juan Antonio: «Article 1», pp. 135 à 141 in PETTITTI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et IMBERT Pierre-Henri: «La Convention Européenne des Droits de l?Homme, commentaire article par article», Economica, 1995, 1234 p., v. p. 135.

570 CJCP: 2 octobre 1984, Louis Léopold Myrtile c/ The Queen, affaire de Maurice, Lord Roskill rédacteur de l'arrêt.

571 CJCP: 28 juin 1982, Noël Riley c/ Attorney-General, WLR, 1982, vol. 3, pp. 557 à 570, affaire de la Jamaïque, Lord Bridge of Harwich rédacteur de la décision majoritaire.

572 Le Comité Judiciaire ne déclarait pas la mise à exécution de la peine de mort, même après une longue période de détention du coupable, contraire à la protection constitutionnelle contre les traitements inhumains. V. ibid.

Instance londonienne mais ce sont les autorités locales, et en ce qui nous concerne, l?autorité mauricienne, qui ont la charge de leur application. Cependant, l?analyse de la jurisprudence européenne démontre qu?il est permis de penser que, même dans ce cas de figure, l?Etat britannique pourrait être tenu responsable. En effet, la Cour Européenne a décidé que la responsabilité de l?Etat contractant peut «entrer en jeu à raison d?actes émanant de leurs organes et déployant leurs effets en dehors dudit territoire (de l?Etat contractant)»573. L?Etat contractant est responsable des décisions prises par ses autorités dès lors qu?elles entraînent des conséquences contraires à la Convention, même si elles sont exécutées en dehors des limites de son territoire conformément au droit international classique574. Ainsi, en matière d?extradition, la Cour Européenne a considéré que la décision prise par un Etat, l?Etat requis, d?extrader un individu vers un pays tiers à la Convention, l?Etat requérant, où celui-ci courra le risque réel d?être soumis à des peines inhumaines et dégradantes, entraîne pour l?Etat contractant une violation de la Convention575. Le rapprochement du raisonnement de la Cour Européenne avec le prononcé des arrêts par le Comité Judiciaire peut légitimement avoir lieu.

L?hypothèse que nous avons évoquée est audacieuse mais est juridiquement inévitable. Il nous a paru obligatoire dans notre analyse de l?institution du Comité Judiciaire d?établir les réels enjeux et l?ouverture que représente pour le plaideur mauricien la justice londonienne. Il serait souhaitable que le caractère anglais du Tribunal londonien soit reconnu.

B. Un tribunal mauricien

Si la thèse de la nature britannique du Comité Judiciaire peut être soutenue, les arguments en faveur de la thèse inverse sont aussi nombreux que pertinents.

Le Comité Judiciaire se présente aussi comme une institution mauricienne à l?analyse des données (a) et surtout au regard du droit international classique (hors européen) (b).

573 CEDH: 26 juin 1992, Drozd et Jarouzek c/ France et Espagne, PCEDH, 1992, série A, vol. 240, 72 p., v. p. 29 paragraphe 91.

574 NGUYEN Quoc Dinh, DAILLER Patrick et PELLET Alain: «Droit international public», LGDJ, 1994, 1317 p., v. p. 484 à 487.

575 CEDH: 7 juillet 1989, Soering c/ Royaume-Uni, PCEDH, 1989, série A, vol. 161, 83 p.

V. également MARKS Susan: «Yes, Virginia, Extradition may breach the European Convention on Human Rights», CLJ, 1990, pp. 194 à 197 et SUDRE Fédéric: «Extradition et peine de mort: arrêt Soering de la Cour Européenne des Droits de l?Homme du 7 juillet 1989», RGDIP, 1990, pp. 103 à 121.

a. Le faisceau de critères

Si l?origine de la Haute Instance émane du droit de tous les sujets de l?Empire de faire appel à la justice du Roi d?Angleterre, l?évolution politique et constitutionnelle de l?Empire, puis celle du Commonwealth récusent désormais la doctrine de l?indivisibilité de la personne du Monarque. Nous avons indiqué qu?avant le Statut de Westminster de 1937 la Couronne britannique représentait le pouvoir suprême, non seulement dans le Royaume-Uni mais aussi dans tous les dominions et colonies, c'est-à-dire dans l?Empire dans sa globalité. Le Roi de l?Angleterre, en tant que tel, était le Chef d?Etat de tous les dominions et colonies576. Ceux-ci n?avaient pas la capacité juridique d?agir internationalement577. Il appartenait à la métropole de les représenter.

Cependant depuis 1937, la Couronne est divisible et le Monarque prête serment, du moins sur un plan théorique, en sa qualité de Chef d?Etat de chaque Etat578. Le Souverain porte son titre selon la Loi de chaque dominion qui le reconnaît comme Chef de l?Etat. Il réalise une pluralité en sa personne. Il remplit les fonctions de Chef d?Etat des dominions à titre personnel et non en tant que Chef de l?Etat de la Grande-Bretagne579. En ce sens, la Reine Elisabeth II a été proclamée Reine de Maurice par le Gouverneur le 8 février 1952580 et est demeurée Chef de l?Etat de l?île Maurice jusqu?à l?accession de celle-ci au statut de République en mars 1992. Les jurisprudences britannique et mauricienne corroborent cette théorie. La Cour d?Appel anglaise a estimé, à propos de la nature d?un passeport délivré à Maurice au nom de la Reine Elisabeth II, qu?à «Maurice la Reine est Reine de Maurice»581. De même le juge mauricien a affirmé que le terme de «Reine en Son Parlement de Maurice» est tout différent de la

576 Exception doit être faite des îles Anglo-Normandes. Le recours des habitants de ces îles se faisait, selon une ancienne fiction, au Roi en tant que Duc de Normandie.

577 BAKER Phillip Noël, cité note 119.

578 COUTEAU Armelle: «Le Commonwealth et le droit international public: la renaissance du Commonwealth», thèse, Université de Rouen, 1988, 604 p.

579 V., en ce qui concerne l?île Maurice, l?Ordonnance du 25 avril 1968 sur les titres du Souverain (Royal Style and Titles Order 1968). «We do have thought and we do hereby, at the request of the Prime minister of Mauritius, appoint and declare that... Our Style and Titles shall henceforth be accepted, taken and used as the same as set forth in the manner and form following: Elizabeth the Second, Queen of Mauritius and of Her other Realms and Territories and Head of the Commonwealth?».

580 V. L?Ordonnance du même jour: «Accession of Her Majesty Queen Elizabeth II. Where as it has pleased Almighty God to call to His Mercy our late Sovereign, Lord King George the Sixth... We, therefore, Governor of Mauritius, associated with the Members of the Executive and Legislative Councils... and other inhabitants of this island do now hereby with one voice and consent of tongue and heart publish and proclaim that the High and Mighty Princess Elizabeth Alexandra Mary is now, by the Death of our Late Sovereign of Happy Memory, become Queen Elizabeth the Second, by the Grace of God, Queen of all her Realms and Territories... to whom Her lieges do acknowledge all faith... beseeching God... to bless Princess Elizabeth the Second with long and happy years to reign over us», in ATTORNEY-GENERAL?S OFFICE, cité note 219, v. vol. 1, 148 p., v. p. 75.

581 «In Mauritius the Queen is Queen of Mauritius. The Government there is the Queen?s Government of Mauritius», CA: 17 août 1967, Regina c/ Secratary of State for Home Department, QBD, 1968, vol. 1, pp. 266 à 268, Lord Denning rédacteur de l'arrêt, v. p. 284.

«Reine en Son Parlement de Westminster»582. La Reine Elisabeth était la Souveraine de l?île Maurice, pays indépendant, et agissait en tant que telle lors de l?exercice de ses fonctions juridictionnelles. Sa Majesté en Conseil (Her Majesty in Council) faisait donc partie des institutions mauriciennes583.

Lors du changement de statut de Maurice en 1992, les autorités publiques y ont aboli la monarchie. L?institution judiciaire dénommée Sa Majesté en Conseil a été substituée par le Comité Judiciaire584. Cette nouvelle juridiction suprême s?appréhende comme une institution certes extérieure d?un point de vue géographique mais qui a un engagement avec l?Etat mauricien en vertu d?une convention et de la Loi anglaise du 18 juin 1992 sur la République de Maurice585 et, de ce fait, est une institution mauricienne586. En dépit du fait que le Comité Judiciaire siège à Londres, sa compétence demeure principalement extraterritoriale587. Il est d?ailleurs significatif de souligner que les avocats au barreau de Maurice ont droit d?audience devant le Comité Judiciaire.

b. Au regard du droit international (hors européen)

Il ne fait aucun doute qu?au regard du droit international classique, les Lords du Conseil Privé agissent pour le compte du service judiciaire mauricien. Ils sont comme mis à la disposition de l?autorité mauricienne pour appliquer le droit mauricien. C?est l?Etat mauricien en toute souveraineté qui confère au Comité Judiciaire des pouvoirs juridictionnels à son égard. L?île Maurice peut, du point de vue théorique, à tout moment y abolir ce système juridictionnel. Ainsi, dans le cas où la Haute Instance n?applique pas un engagement international de l?île Maurice, la responsabilité de celle-ci serait engagée.

Ce raisonnement vaut aussi pour d?autre pays retenant encore le droit de recours à Londres. Ainsi, en Jamaïque où certains plaideurs, après avoir été déboutés par le Comité Judiciaire, ont saisi le Comité des Droits de l?Homme des Nations Unies, organisme international. En effet, dans l?arrêt Robinson c/ La Reine588 le Comité Judiciaire a considéré que les droits de la défense ont été respectés mais le Comité des Droits de l?Homme, constatant une violation de

582 CSM: 17 juin 1983, Esther c/ The Prime Minister, LRC, 1985, vol. constitutional, pp. 429 à 437, les juges Espitalier-Noël et Lallah rédacteurs de l'arrêt.

583 Article 81 de la Constitution de 1968.

584 Article 81 nouveau CM.

585 The Mauritius Republic Act 1992.

586 PHILLIPE Xavier, cité note 32.

587 KINDER-GEST Patricia: «Les institutions britanniques», PUF, Que sais-je ?, 1995, 128 p., v. p. 103.

588 CJCP: 7 mai 1985, Frank Robinson c/ The Queen, WLR, 1985, vol. 3, pp. 84 à 98, affaire de la Jamaïque, Lord Roskill rédacteur de l'arrêt majoritaire.

l?engagement international de la Jamaïque, a retenu la responsabilité de celleci589. D?autres plaideurs déboutés par le Comité Judiciaire ont saisi avec succès la Commission Interaméricaine des Droits de l?Homme590. Par ailleurs, le Comité Judiciaire a soutenu à juste titre que le recours à Londres est un recours de droit interne591.

589 CDHNU: 30 mars 1989, Robinson c/ La Jamaïque, ORHRC, 1988/89, vol. 2, pp. 426 à 427.

590 SANTOSCOY Bertha: «La Commission Interaméricaine des Droits de l?Homme et le développement de sa compétence par le système des pétitions individuelles», PUF, 1995, 209 p.

591 CJCP: 13 juin 1995, Thomas Reckley c/ The Minister of Public Safety and Immigration, WLR, 1995, vol. 2, pp. 390 à 396, affaire des îles Bahamas, Lord Browne-Wilkinson rédacteur de l'arrêt. Il soutient que: «The process of exhausting the domestic rights of appeal, including an appeal to their Lordships...», ibid., v. p. 394.

*

Il transparaît à la lecture du présent ouvrage que, nous-même, nous prenons partie pour la thèse juridictionnelle de la Haute Instance et la plaçons au sommet de la hiérarchie des cours de justice de Maurice. Sa nature demeure néanmoins complexe et est à géométrie variable. Si le Comité Judiciaire a accédé au rang de juridiction pleine et entière en droit positif mauricien, il demeure aussi, dans le cas particulier de la mise en jeu de la responsabilité des hauts magistrats, un conseil du Chef de l?Etat mauricien, en l?occurrence, désormais, le Président de la République. De même, il est en droit anglais un organe de conseil du Monarque. Sa nature anglaise, du point de vue du droit mauricien, est tout aussi réelle et peut difficilement être occultée par le théoricien du droit.

Le Comité Judiciaire assume des fonctions pour le compte et des responsabilités à l?égard de plusieurs autorités. Il est le conseil des Chefs d?Etat (la Reine d?Angleterre en tant que souveraine de nombreux pays et le Président de la République de Maurice dans le cas sus-mentionné). Il est une autorité juridictionnelle suprême à la fois dans plusieurs pays du Commonwealth, dont l?île Maurice. Cette multitude de fonctions, font du Comité Judiciaire un organe dont la charge est éminente.

On aurait pas grand-peine à relever, lors de l?analyse du fonctionnement du Comité Judiciaire, à laquelle on va se livrer, des éléments de la pluralité de son caractère.

Sous-section 2. Le fonctionnement du Comité Judiciaire

Le Comité Judiciaire est juge de cassation. Il statue sur des décisions de justice attaquées devant lui. Le pourvoi au juge londonien est une voie de recours grave. Ainsi s?explique la réglementation stricte de la saisine. Les grandes règles de procédure n?ont pas fondatalement changé depuis la création du Comité Judiciaire.

L?action, la procédure pour être entendu, au Comité Judiciaire comprend deux phases bien distinctes: d?abord celle de l?autorisation de saisine de l?institution (paragraphe 1), puis celle du déroulement de l?instance, la procédure comme devant toute juridiction (paragraphe 2). Aussi, serait-il utile

dans le cadre de la présente étude, d?analyser le jugement rendu à l?issue de la procédure (paragraphe 3) qui met fin à l?action592.

L?examen de ces phases de la procédure nous conduira à nous interroger sur les vertus du fonctionnement du Comité Judiciaire notamment dans le cadre du contentieux constitutionnel, discipline sur lequel nous nous attarderons dans le deuxième titre de notre étude.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus