SECTION 2. LES MOYENS DU CONTRÔLE
Le Comité Judiciaire, en tant que juge constitutionnel,
a repris à son compte les moyens communs aux juridictions ayant pour
oeuvre de confronter une norme à la Constitution. Il existe des moyens
de contrôle faisant partie d?un fonds commun à toute juridiction
constitutionnelle et le Comité Judiciaire, tribunal de la famille de
Common Law, les a utilisés selon une manière propre et
spécifique aux Constitutions du Commonwealth. Devant l?apparente
simplicité de cette présentation se dissimule en
réalité le pouvoir même de la Haute Instance. Les moyens de
contrôle utilisés dépassent le cadre du contrôle des
normes pour démontrer l?étendue de l?office du Tribunal de la
Downing Street.
Parmi les différents moyens que le Comité
Judiciaire emploie, l?un d?entre eux, par son importance et sa portée
dans l?ensemble des pays du Commonwealth, mérite de retenir en premier
notre attention: le mode d?interprétation des textes fondamentaux
(sous-section 1). Il convient ensuite d?analyser les différentes
techniques mises en oeuvre pour assurer le contrôle de
constitutionnalité et les différents types de contrôle
assurés, c'est-à-dire, les différents types de
décisions prononcées (sous-section 2).
783 Sur le sujet v. ROUSSILLON H. et PATRZALEK A. (dir):
«Le citoyen et le contrôle de la constitutionnalité des Lois
en Pologne et en France», Faculté de droit de Toulouse, Presses de
l?Institut d?Etudes Politiques de Toulouse, 1994, 204 p.
Sous-section 1. L'interprétation des textes
fondamentaux
Avant d?être appliqué, tout texte mérite
une interprétation par le juge. En réalité, il n?y a pas
en droit de texte si clair qui puisse échapper à
l?interprétation784. L?adage selon lequel
l?interprétation s?arrête devant un texte clair (interpretatio
cessat in claris), si éloquent soit-il, ne résiste pas
à l?analyse. Il doit être rejeté.
La règle de droit est édictée en vue de
s?appliquer à des situations concrètes. Dans la mesure où
les rédacteurs de la norme ne peuvent prévoir les
hypothèses qui seront soumises à son empire, ils procèdent
par voie de dispositions générales. Mais l?édiction des
normes générales confère une fonction
supplémentaire au juge chargé d?appliquer la règle de
droit. En vertu de la généralité des termes, il lui
appartient de dissiper les ambiguïtés que la norme contienne afin
de donner au texte toute sa signification véritable. Interpréter,
c?est déterminer le sens et la portée d?un texte785.
L?interprétation peut se faire de manière objective. Elle est
alors un acte de connaissance. Elle peut se faire de manière subjective.
Elle est dans ce cas un acte de volonté786.
Sur la base de cette observation, l?examen des méthodes
d?interprétation suivies par le Conseil Privé est
nécessaire (paragraphe 2). Cependant pour affiner l?analyse, il est
d?une importance primordiale de s?arrêter sur les méthodes
d?interprétation du juge anglais en général (paragraphe 2)
car le Comité Judiciaire, malgré son autonomie, n?en a pas moins
été influencé par l?évolution opérée
par les Lords judiciaires agissant en tant que juges de la Chambre des Lords
tout en se démarquant, au besoin, de ces derniers.
784 TROPER Michel: «Justice constitutionnelle et
démocratie», RFDC, 1990, pp. 31 à 49, v. p. 35.
785 PERELMAN Charles: «L?interprétation
juridique», ADP, 1972, pp. 29 à 37.
786 TROPER Michel: «La liberté
d?interprétation par le juge constitutionnel», pp. 235 à 245
in AMSELEK Paul (dir): «Interprétation et droit», Bruxelles,
Emile Brylant, 1995, 245 p.
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