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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Paragraphe 1. Les techniques d'élargissement des bases du contrôle

Deux traits majeurs caractérisent le travail d?extension de la sphère du contrôle du juge: le recours au droit comparé (A) et le contrôle de l?opportunité (B).

A. La méthode comparative

On insistera sur la portée de la méthode comparative (a) et on abordera ensuite son application concrète dans le contentieux constitutionnel (b).

a. La portée de la méthode comparative

Le droit public est, dans les pays du Commonwealth et de Common Law, un droit ouvert. Cette caractéristique confère au juge un devoir de comparaison entre le droit qu?il a à appliquer et celui des autres pays de la même famille juridique861. Pour interpréter les Lois Fondamentales, le juge londonien cherche souvent appui auprès des solutions retenues à l?étranger ou par lui-même, statuant en tant que juridiction suprême d?un Etat autre que Maurice862. Le recours au droit comparé devient dans certains cas pratiquement spontané dès lors que la norme en question est commune à plusieurs pays, tels les grands principes contenus dans les Constitutions de type Westminster, ou dérive d?un autre texte, tel le catalogue des droits et des libertés qui n?est substantiellement que la transcription dans l?ordre interne des stipulations de

861 «Within the Common Law world... a great deal of borrowing of precedent and legal principles has accrued. Some of it has been intentional and conscious, some unintentional and probably unconscious», HILLER Jack A., cité note 821, v. p. 107.

V. CJCP: 19 mai 1993, Attorney-General c/ Lee Kwong-Kut, WLR, 1993, vol. 3, pp. 329 à 346, affaire de Hongkong, Lord Woolf rédacteur de l'arrêt. Il souligne que: «Reference was also made in the judgments in the Sin Yau-Ming case (1992) 1 HKCLR, 127 to decisions in other Common Law jurisdictions, including the United States of America and Canada and of the European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms (1953) Cmd. (8969). Such decisions can give valuable guidance as to the proper approach to the interpretation of the Hong-Kong Bill, particularly where the decisions in other jurisdictions are in relation to an article in the same and substantially the same terms as that contained in the equivalent provision of the Hong-Kong Bill», v. p. 338.

862 Ce procédé distingue les juridictions constitutionnelles de la Common Law et celles de la famille romano-germanique qui cherchent le soutien des précédents étrangers seulement de manière officieuse. V. LEGEAIS Raymond: «L?utilisation du droit comparé par les tribunaux», RIDC, 1994, pp. 347 à 358.

la Convention Européenne des Droits de l?Homme. Le juge londonien a épousé une conception plutôt universaliste, voire naturaliste863, des droits de l?homme et a rejeté le positivisme strict.

Avec la méthode comparative, le juge londonien poursuit la méthode de travail du législateur ou du constituant. Celui-ci lors de l?élaboration d?une norme s?informe des solutions étrangères qui peuvent l?inspirer et lui donner matière à réflexion. Le juge exploite la solution étrangère et dans le cas mauricien, cette méthode est très légitime vu les bases pluralistes du droit mauricien.

La référence aux décisions étrangères (des juridictions proprement nationales ou du Conseil Privé lui-même) permet au juge de cassation londonien d?accentuer le développement du droit public mauricien. En attribuant une forte autorité morale (persuasive authority), voire une force contraignante, à des décisions étrangères à l?égard du cas d?espèce qu?il a à résoudre, le droit mauricien retrouve une dynamique et son développement et sa perfection peuvent se faire à un rythme accéléré malgré le faible nombre de recours porté au Comité Judiciaire. Avec cette méthode, l?île Maurice peut bénéficier des progrès constitutionnels réalisés dans les pays du Commonwealth, aux Etats- Unis d?Amérique, en Europe et en Angleterre. Il est intéressant de noter que la dynamique du droit comparé est doublée d?intensité lorsque la Cour Suprême locale met elle aussi en pratique cette méthode de travail864. Les bases du droit national sont élargies.

b. La pratique du recours aux droits étrangers

863 La vision naturaliste des Lords est conforme au caractère même des Constitutions du Commonwealth qui comporte une déclaration des droits. En effet, une déclaration n?est pas un acte créateur. Les droits de l?homme qu?elle énonce existent. Elle ne fait que constater leur existence. A cet égard, l?article 3 de la Constitution de Maurice énonce bien qu?il «est reconnu et proclamé qu?il a existé et qu?il continue d?exister à Maurice... tous les droits de l?homme...». V. sur le caractère d?une déclaration, RIVERO Jean: «Les libertés publiques, droits de l?homme», PUF, Thémis, 1991, 318 p., v. p. 58 et s.

864 CSM: 27 octobre 1995, Marie Gérard Christian Pointu c/ The Minister of Education and Science, cité note 848. Les juges mauriciens posent la question de savoir s?il faut dans les affaires de droit public avoir recours au droit comparé et ils concluent de manière positive en suivant la voie du Comité Judiciaire. «...We feel necessary to deal with the question whether, in the interpretation of our Constitution it is proper for us to seek guidance from other national and international sources... The better view, according to us, is that a Constitution, more particularly that part of it which embodies fundamental rights, should be interpreted in the light of its history, its sources and whenever applicable, pronouncements on provisions similar to ours either by national courts of by international institutions», ibid., p. 6. V. également CSM: 21 décembre 1994, The Comptroller of Customs c/ P. Rogers, L?Express, 28 décembre 1994, p. 4, les juges J. Forget et R. Narayen rédacteurs de l?arrêt. Ils appliquent à Maurice le nouveau pouvoir des juridictions britanniques d?émettre des injonctions à l?encontre des autorités publiques, y compris la Couronne.

Si le droit commun des codes napoléoniens constitue le fondement d?une partie du droit mauricien865, il demeure que la Common Law, bien qu?elle n?a jamais été introduite dans son ensemble à Maurice866, fait aussi partie dans une certaine mesure du corpus juridique local. Il existe dans certains textes de loi mauriciens des dispositions de renvoie aux normes de la Common Law867. Il a appartenu surtout au Conseil Privé d?exporter la Common Law aux colonies868. Son autorité de juge de cassation lui a permis d?influencer significativement la pratique des tribunaux et l?évolution du droit. Les juges du Conseil Privé ont été formés et évoluent dans le cadre d?un système juridique et, par conséquent, les transplantations de ce système sur le système mauricien sont inévitables. Le juge londonien applique fréquemment dans les affaires mauriciennes les solutions de la jurisprudence anglaise. Par exemple, dans l?arrêt Goinsamy Chinien869, il exporte au droit mauricien le principe fondamental de la Common Law selon lequel une juridiction répressive ne peut sanctionner le prévenu que pour les délits pour lesquels il est poursuivi. L?exportation de la Common Law se fait quasi automatiquement lorsqu?il existe un vide juridique dans le droit local870.

Par ailleurs, en appliquant une loi mauricienne similaire à une loi anglaise, le juge londonien peut invoquer la jurisprudence anglaise à l?appui de la motivation de sa décision871. A cet égard, comme la Loi mauricienne sur les contrôles des changes est une reproduction de la Loi anglaise portant sur la

865 CSM: 18 novembre 1968, Harel Frères Ltd c/ Veerasamy, MR, 1968, pp. 218 à 226, le juge Garrioch rédacteur de l?arrêt. Il fait ressortir que les principes du Code Civil des obligations sont applicables en matière des contrats de travail.

866 CSM: 22 novembre 1990, Lagesse c/ Director of Public Prosecutions, MR, 1990, pp. 194 à 201, le Chef-Juge Sir Victor Glover rédacteur de l'arrêt. Il soutient que: «We may at once observe that the approach in the United Kingdom, and in other jurisdictions based on Common Law, although it may be of some guidance to indicate the degree of restraint which the judiciary must observe in relation to those who have discretionary prosecutional functions, should not indicate our interpretation of the relevant constitutional provisions», ibid., p. 196.

867 L?article 55 de la Loi du 7 mars 1945 sur les Cours de justice renvoi aux lois anglaises toute question de procédure soulevée au cours d?un procès pénal. De même, l?article 162 de la même Loi se réfère au droit britannique de la preuve. CSM: 15 janvier 1991, Sans Souci c/ Regina, MR, 1991, pp. 204 à 205, le Chef-Juge Sir Victor Glover rédacteur de l'arrêt.

868 «The decisive factor leading to the application of current English decisions of the Privy Council as the ultimate Court of appeal from colonies», MASTON J. N.: «The Common Law in the British Commonwealth», ICLQ, 1993, pp. 753 à 779, v. p. 754.

869 CJCP: 17 décembre 1992, Goinsamy Chinien c/ The State, WLR, 1993, vol. 1, pp. 329 à 336, affaire de Maurice, Lord Jauncey of Tullichettle rédacteur de l'arrêt.

870 CJCP: 26 mai 1982, Central Electricity Board of Mauritius c/ Bata Shoe Company. (Mauritius) Ltd., WLR, 1982, vol. 3, pp. 1061 à 1064, affaire de Maurice, Lord Brandon of Oakbrook rédacteur de l'arrêt. Il estime que: «Their Lordships are therefore of the opinion that they have jurisdiction, which has in one case at least been described, whether rightly or wrongly, as a Common Law jurisdiction, to order the CEB...», v. p. 1064.

871 Par contre, le Comité Judiciaire n?invoque pas le précédent britannique s?il n?existe à Maurice aucune Loi similaire. «These statutory provisions, however desirable as they may be, only serve to illustrate the fact that, without them, Commissions and Committees of Inquiry are not protected at Common Law. Driven up against this difficulty, it was seriously argued for the respondent that their Lordships should extend the law of contempt to such bodies by a bold act of legislation. This their Lordships resolutely decline to do...», CJCP: 15 novembre 1982, Lutchmeeparsad Badry c/ Director of Public Prosecutions, cité note 386, v. p. 170.

même matière872, le juge applique le précédent britannique approprié873 au cas de l?espèce.

La référence aux sources du Commonwealth, européennes et américaines est aussi fréquente dans la jurisprudence mauricienne du Conseil Privé. Le recours aux décisions du Commonwealth a lieu fréquemment dans les affaires constitutionnelles controversées, telles celles mettant en cause les libertés fondamentales contenues dans la Constitution, alors que les décisions des juridictions anglaises en matière de la Common Law sont appliquées le plus souvent en droit pénal et éventuellement administratif. Lorsqu?il s?agit d?interpréter la Constitution mauricienne, le Comité Judiciaire applique en général les solutions qu?il a retenues à propos des litiges portant sur des constitutions du modèle de Westminster d?autant que le juge met l?accent sur les caractères communs des Constitutions de ce modèle dans ses décisions874. En conséquence, la motivation de certains arrêts mauriciens est essentiellement construite à l?appui des précédents du Comité Judiciaire statuant sur des pourvois en provenance d?autres pays du Commonwealth875. Dans ces cas, le juge londonien exporte sa propre jurisprudence et intervient comme un relais de transmission du droit tout comme lorsqu?il recourt aux autorités des juridictions anglaises. Il assure une certaine unification du droit entre les pays concernés876.

Aussi, la référence aux jurisprudences européennes, celles de la Cour Européenne des Droits de l?Homme, devient de plus en plus fréquente notamment parce qu?elles sont riches et dynamiques877 et que certains Lords judiciaires ont occupé des fonctions de juge ou d?avocat-général à la Cour Européenne. Enfin, le juge londonien applique des précédents américains en

872 «The Exchange Control Act which is an almost exact reproduction of the United Kingdom Exchange Control Act 1947...», CJCP: 17 décembre 1992, Goinsamy Chinien c/ The State, cité note 869, v. p. 331.

873 CA: 22 février 1968, Regina c/ Goswani, WLR, 1968, vol. 2, pp. 1163 à 1172, le Lord-Juge Salmon rédacteur de l'arrêt.

874 «... a written Constitution on the Westminster model?. Many such Constitutions are to be found in the Commonwealth and a considerable body of case law now exists in the various countries which have such Constitutions and in the Privy Council», CJCP: 17 mai 1985, Frank Robinson c/ The Queen, WLR, 1985, vol. 3, pp. 84 à 94, affaire de la Jamaïque, Lord Roskill rédacteur de l'arrêt majoritaire, v. opinion dissidente des Lords Scarman et Edmund-Davies, p. 94.

875 V. par exemple CJCP: 25 octobre 1984, Société United Docks c/ The Government of Mauritius, cité note 847.

876 RODIERE Réné: «Introduction au droit comparé», Précis-Dalloz, 1979, 161 p., v. p. 82 et s.

877 CJCP: 13 décembre 1995, Compagnie Sucrière de Bel Ombre Ltée c/ The Government of Mauritius, cité note 860.

matière constitutionnelle878 et des décisions des juridictions des pays du

C o mm on w e alt h879.

Le recours au droit comparé par le juge londonien comporte par contre une sévère limite. Le Conseil Privé, à l?inverse de la Cour Suprême de Maurice, n?invoque systématiquement en droit public des jurisprudences françaises. Dans le grand arrêt Société United Docks880, le Chef-Juge Sir Maurice Rault cite la décision du Conseil Constitutionnel français sur l?extension du bloc de constitutionnalité881 pour soutenir son raisonnement. Or, le Conseil Privé, statuant sur la même affaire en cassation, bien qu?il confirme l?approche libérale du Chef-Juge, ne se réfère à la jurisprudence française utilisée par ce dernier. Ce refus implicite d?accorder une valeur d?autorité aux décisions françaises en droit public est quelque peu décevant en ce sens qu?il nie le caractère mixte du droit mauricien dans sa globalité et anéantit dans une certaine mesure la dynamique de la pluralité des précédents des différentes familles juridiques dans les décisions mauriciennes. Une telle attitude ne nous paraît pas pouvoir être encouragée. Il serait souhaitable que les avocats convainquent les Lords de la justesse de certaines solutions françaises en droit public.

B. Le contrôle d'opportunité

Le Comité Judiciaire s?autorise à introduire dans son contrôle des normes une bonne dose du critère d?opportunité. Ce contrôle très poussé est apparent lors de la confrontation d?un acte réglementaire ou d?une décision administrative à la Constitution (a) et commence à prendre naissance lors du contrôle de la Loi (b).

a. D'un acte réglementaire ou d'une décision administrative

L?inopportunité d?un acte administratif est en droit anglais un moyen opérant en vue de son annulation par le juge. Lord Diplock a importé dans le droit anglais le principe de la proportionnalité utilisé par la Cour Européenne

878 CJCP: 6 avril 1992, Ponsamy Poongavanam c/ The Queen, affaire de Maurice, Lord Goff of Chieveley rédacteur de l'arrêt.

879 CJCP: Radhakrishan Kunnath c/ The State, WLR, 1993, vol. 1, pp. 1315 à 1321, affaire de Maurice, Lord Jauncey of Tullichettle rédacteur de l'arrêt.

880 CJCP: 25 octobre 1984, Société United Docks c/ Government of Mauritius, cité note 847.

881 CCF: 16 juillet 1971, Liberté d?association (77-44 DC) in FAVOREU Louis et PHILLIP Loïc: «Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel», Dalloz, 1995, 8e édition, 961 p., v. p. 244 à 261.

des Droits de l?Homme et la Cour de Justice des Communautés Européennes882. Dans l?affaire communément intitulée GCHQ883, Lord Diplock confirme l?existence de trois cas d?ouverture884 du recours pour excès de pouvoir (grounds for judicial review) contre un acte administratif. Ces trois moyens sont: la violation de la règle de droit et l?incompétence (illegality/error of law), le vice et l?irrégularité de procédure (procedural impropriety/violation of principles of natural justice) et le détournement de pouvoir (irrationality). Le juge élargit la perspective et ouvre la voie à un quatrième moyen, l?absence de proportionnalité885. Les deux derniers cas d?ouverture permettent au juge de contrôler en partie l?opportunité de tout acte administratif886. Ainsi, en matière d?aménagement du territoire, le juge britannique opère comme son homologue du continent887 une appréciation sur les avantages et les désavantages du plan d?aménagement de l?Administration. Il établit un bilan et évalue le caractère raisonnable du projet888. Celui-ci est considéré comme inopportun si le coût est disproportionné aux avantages qu?il peut procurer.

L?attitude du Comité Judiciaire s?inscrit dans cette dynamique en matière du contrôle de l?expropriation pour cause d?utilité publique, prévue à l?article 8 de la Constitution de Maurice. Les Sages du Whitehall sont favorables à un contrôle maximum et approfondi des actes administratifs intervenus dans ce secteur889 à l?inverse de la Cour Suprême locale qui, reléguant le droit de propriété à une sorte de droit fondamental de second rang, n?a contrôlé que la légalité stricte de la décision administrative890. Le juge mauricien n?a pas

882 JOWELL Jeffrey et LESTER Anthony, QC: «Proportionality: neither novel nor dangerous», pp. 51 à 72, in JOWELL J. L. et OLIVIER D.: «New directions in judicial review», Londres, Stevens and Sons, 1988, 91 p.

883 CL: 2 novembre 1984, Council of Civil Service Unions c/ The Ministry of State for the Civil Service, WLR, 1984, vol. 3, pp. 1174 à 1208, Lord Diplock rédacteur de l'arrêt principal.

884 Sur l?application de ce précédent par le Comité Judiciaire v. CJCP: 28 février 1994, Mercury Energy Ltd. c/ Electricity Corporation of New Zealand, WLR, 1994, vol. 1, pp. 521 à 229, affaire de la Nouvelle-Zélande, Lord Templeman rédacteur de l'arrêt.

885 Lord Diplock écrit que: «... one can conveniently classify under three heads the grounds upon which administrative action is subject to control by judicial review. The first ground I would call «illegality», the second «irrationality» and the third «procedural impropriety». That is not to say that further development on a case by case basis may not in course of time add further grounds. I have in mind particularly the possible adoption in the future of the principle of «proportionality» which is recognised in the administrative law of several fellow members of the European Economic Community», ibid., p. 1196.

886 XYNOPOULOS Georges: «Le contrôle de proportionnalité dans le contentieux de la constitutionnalité et de la légalité en France, Allemagne et Angleterre», thèse, Univeristé de Parsi II Panthéon-Assas, 1993, 516 p.

887 CE: 28 mai 1971, Ministère du Logement c/ Fédération de Défense des Personnes Concernées par le Projet Ville Nouvelle Est, RDCE, 1971, pp. 409 à 413, conclusion du commissaire du gouvernement Guy Braibant.

888 CL: 28 février 1980, Newburry District Council c/ Secretary of State fot the Environment, AC, 1981, p. 578 à 629, Vicomte Dilhorne rédacteur de l'arrêt principal.

889 CJCP: 15 décembre 1987, Harel Frères c/ The Minister of Housing, Lands and Town and Country Planning, LRC, 1988, vol. constitutional, pp. 472 à 476, affaire de Maurice, Lord Bridge of Harwich rédacteur de l'arrêt.

890 CSM: 7 mai 1986, Harel Frères Ltd c/ Ministry of Housing, Lands and Town and Country Planning, LRC, 1987, vol. constitutional, pp. 760 à 764, le Chef-Juge rédacteur de l'arrêt.

apprécié le bien fondé (the merits) de la décision du ministère du logement et n?a voulu substituer son appréciation à celle du ministère891. Il a méconnu ses pouvoirs en ne conservant qu?une marge réduite de sanction au cas où le gouvernement commettrait une erreur manifeste ou prendrait, selon la formule, une décision qu?aucune personne raisonnable n?aurait prise892. Le Comité Judiciaire, en cassant l?arrêt de la Cour Suprême, étend considérablement la sphère du contrôle de la constitutionnalité et de la légalité de la Cour. Il estime que le recours porté devant la juridiction locale s?appréhende à un recours hiérarchique, c'est-à-dire, à un véritable appel (full scale appeal). Le juge ne doit pas se tenir à la seule appréciation de la légalité. Il doit se livrer à un examen approfondi de l?acte d?expropriation et apprécier son opportunité893. L?Administration est dans l?obligation de fournir à la Cour894 tous les éléments nécessaires et elle doit justifier le caractère d?intérêt public de l?expropriation projetée, montrer qu?elle est nécessaire et bien fondée et que ses effets positifs emportent sur ses inconvénients.

L?attitude du Comité Judiciaire est fort louable. Il impose à la Cour locale le devoir d?effectuer en matière d?expropriation un contrôle maximum. Il subordonne la légalité et la constitutionnalité de la décision administrative à sa proportionnalité895.

b. De la Loi

A Maurice, le domaine de la Loi est limité à la réalisation du bohneur du peuple. L?article 45 alinéa premier de la Constitution, qui traduit dans l?ordre interne les valeurs de la doctrine du droit naturel de Thomas Hobbes896 et de

891 «The government is entrusted to the Executive and it falls within the sole province of the Executive to determine what measures may best achieve the public purposes for the fulfilment of which it is charged with responsibility under the Constitution and the law... In other words, it is not part of our functions to substitute our own judgment for this is inherently a matter of judgment in the making of a decision and the law has conferred it on the respondent (the Ministry of Housing).», ibid., pp. 762 à 763.

892 «Unless... the material before us shows no reasonable person placed in the position of the respondent would have reached the conclusions he did in the circumstances», ibid., p. 763.

893 «... it must be for the court, not for the minister to be satisfied that the proposed compulsory acquisition is indeed necessary or expedient to enable the intended development to be carried out and that there is reasonable justification for causing any hardship to the landowner which will result», CJCP: 15 décembre 1987, Harel Frères Ltd c/ Ministry of Housing, Lands and Town and Country Planning, cité note 889, v. p. 475.

894 Le Comité Judiciaire renverse la charge de la preuve. La Cour Suprême l?avait incombée à l?exproprié.

895 Il semble que le juge londonien a voulu unifier le degré de contrôle des actes administratifs portant sur l?exercice d?un droit constitutionnel. En certaines matières de police administrative, la Cour Suprême avait depuis fort longtemps examiné la nécessité des mesures de police.

896 Thomas Hobbes, lorsqu?il écrivit en 1651 réagissait contre la guerre civile qui affectait l?Angleterre. La recherche de la paix était un objectif prioritaire pour le Souverain. La paix était la seule conduite rationnelle et juste. V. HOBBES Thomas: «Léviathan», (1651), Edition Sirey, 1971, 780 p., v. chapitre XVII, p. 179 et s.

Jeremy Bentham897, dispose que le «Parlement peut légiférer pour la paix, l?ordre et le bon gouvernement de Maurice»898 et l?article premier du texte proclame le caractère démocratique de l?Etat. Ces deux articles créent les conditions nécessaires permettant aux cours de justices de mesurer l?adéquation des dispositions législatives aux objectifs constitutionnels. La Cour Suprême de Maurice, en s?appuyant sur un précédent du Conseil Privé899, a considéré que le constituant britannique a investi les cours mauriciennes du pouvoir de déterminer les caractéristiques et les valeurs d?une société démocratique et de confronter la Loi à celle-ci. Autrement dit, la Constitution confère au juge un pouvoir d?appréciation étendu. Il peut utiliser la technique anglaise de l?examen de la raisonnabilité (test of reasonableness) pour contrôler les Lois900. Cependant, la montée en puissance de l?exécutif a entraîné la relativisation, voire l?abandon, de cette jurisprudence par la Cour Suprême. Désormais, pour les juges locaux, le contrôle de constitutionnalité ne peut avoir lieu que sur la base d?un examen de la Loi par rapport à une norme. Le juge ne veut définir le concept de démocratie901. Reprenant une formule devenue classique, ils affirment que le juge ne peut substituer son appréciation à celle du Parlement902 ou qu?il n?a pas un pouvoir d?appréciation identique à celui du Parlement903.

L?attitude du Comité Judiciaire se démarque de celle de la Cour Suprême. Certes il affirme que l?iniquité d?une Loi est un moyen inopérant dans le contentieux constitutionnel904, mais il examine les griefs tirés d?un

897 Pour Bentham, le bien-être (le bonheur) est la fin de l?homme. La recherche du plaisir et la fuite de la douleur constituent les motifs de toutes les actions. BENTHAM Jeremy: «A fragment on Government and an introduction to the principles of morals and legislation», (1789), Oxford Basil Blackwell, 1960, 435 p., v. chapitre 1er «Of principle of utility», p. 125 et s.

898 «Parliament may make laws for peace, order and good government of Mauritius».

899 CJCP: 19 octobre 1966, Oliver c/ Buttigieg, All ER, 1966, vol. 2, pp. 459 à 469, affaire de Malta, Lord Morris of Borth-y-Gest rédacteur de l'arrêt.

900 CSM: 31 janvier 1973, Vallet c/ Ramgoolam, cité note 303. Le juge déduit que: «Rightly or wrongly the framers of our Constitution have placed on the shoulders of the Judges of this Court the invidious task of determining, in particular instances, the norms of a democratic society. In chapter II of the Constitution, which provides for the protection of fundamental rights and freedoms of the individual, several sections contain a saving that nothing in those sections shall invalidate any law or action, passed or taken for certain specified purposes, that is reasonably justified in a democratic society», ibid., p. 40.

901 CSM: 14 juin 1990, Union Démocratique de Maurice, c/ The Governor-General, LRC, 1991, vol. constitutional, pp. 328 à 332, les juges Glover et Lallah rédacteurs de l'arrêt. Ils estiment que: «In short, this is that it is neither necessary nor appropriate to travel outside our supreme law for the purpose of discovering what the framers of our Constitution had in mind when they used the words democratic state? and still less to invoke certain conventions which underlie British constitutional law. What section 1 means is that our state is to be administered in accordance with other provisions of the Constitution which contain the essence of democratic principles governing us», ibid., p. 330.

902 «We certainly agree and have no wish to substitute ourselves for the law maker», ibid., p 331.

903 «If a law passes the test of constitutionality, then it would be none of our business even to think of questioning the reasonableness, or wisdom of the measure», CSM: 29 octobre 1986, Noordally c/ The Attorney-General, LRC, 1987, vol. constitutional, pp. 599 à 606, le Chef-Juge Moolan rédacteur de l'arrêt.

904 CJCP: 23 juillet 1992, Government of Mauritius c/ Union Flacq Sugar Estates Company Ltd.,
cité note 743. Lord Templeman précise que: «Sir Marc David (Counsel) submitted that... the

détournement de pouvoir (improper purposes) commis par le législateur mauricien. Il vérifie si le Parlement use bien de ses compétences en vue d?atteindre les objectifs pour lesquels il a été investi. L?admission de ce cas d?inconstitutionnalité conduit les Sages du Whitehall à intervenir dans le champ subjectif du législateur dans la mesure où ils recherchent les intentions véritables de l?auteur de l?acte au-delà de celles explicitement affichées. En ce sens, le Comité Judiciaire a indiqué que le gouvernement mauricien ne peut pas, par le biais d?une Loi à effet rétroactif priver d?effet juridique une sentence arbitrale (award) qui s?impose à lui en vertu de ses engagements contractuels avec des syndicats905.

Par ailleurs, le Comité Judiciaire, s?il affirme à l?instar du Conseil Constitutionnel français que le pouvoir judiciaire ne saurait concurrencer le pouvoir universel dans l?appréciation de l?opportunité de la Loi906, laisse entendre en réalité que son pouvoir d?appréciation est d?une autre nature. Il ne fait aucun doute que les Constitutions de type Westminster offrent au juge la possibilité de convertir des éléments d?opportunité en critère de constitutionnalité. Le Comité Judiciaire considère que la disposition commune à plusieurs Constitutions qui délimite le domaine du Parlement à la législation pour la paix, l?ordre et le bon gouvernement, investisse le pouvoir délibérant d?une compétence pour apprécier ce qui est nécessaire et opportun à l?intérêt général et à la sauvegarde de l?ordre public. Cette appréciation implique la prise en compte des considérations de politique générale et se forme sur la base des informations appartenant au gouvernement et, par conséquent, elle se situe en dehors de la sphère de contrôle du juge907. Le Comité Judiciaire présume que le Parlement a raisonnablement apprécié les données et a pris la bonne décision. Il souligne que cette présomption en faveur du législateur est réfragable (rebuttable). Il pourra substituer son appréciation à celui du législateur si ce

legislature was unfair when by the Act of 1984 it removed the power of a minority to control a company. But the question of fairness of legislation is a matter for Parliament», ibid., p. 910.

905 CJCP: 25 octobre 1984, Marine Workers Union c/ Mauritius Marine Authority, LRC 1985, vol. constitutional, pp. 801 à 850, affaire de Maurice, Lord Templeman rédacteur de l'arrêt. Il souligne que: «The Amendment Act has thus deprived and was intended to deprive each worker damages for breach by the MMA of its contract of employment», ibid., p. 849.

906 CJCP: 5 novembre 1975, Moses Hinds c/ The Queen, cité note 233. Selon Lord Diplock: «... in deciding whether any provisions of a law passed by Parliament of Jamaica as an ordinary law are inconsistent with the Constitution of Jamaica, neither the courts in Jamaica nor their Lordships? Board are concerned with the propriety or expediency of the law impugned. They are concerned solely with whether those provisions, however reasonable and expedient, are of such a character that they conflict with an entrenched provisions of the Constitution...», ibid., p. 374.

907 «... the power to make laws for the peace, order and good government of Jamaica is vested in the Parliament and prima facie it is for Parliament to decide what is or is not reasonably required in the interests of public safety or public order. Such a decision involves considerations of public policy which lie outside the field of judicial power and may have to be made in the light of information available to government of a kind that cannot effectively be adduced in evidence by means of judicial process», ibid., p. 383.

dernier opère un choix disproportionné908 ou excessif ou a commis une erreur manifeste d?appréciation909.

*

La marge d?appréciation du Comité Judiciaire est fort grande même si le critère d?opportunité est rarement utilisé. Celui-ci peut apparaître comme une technique mal adaptée à la nature du contrôle de constitutionnalité. Le juge londonien préfère habiller sa décision, c'est-à-dire, la faire apparaître comme logiquement déduite des dispositions constitutionnelles. Nul ne doit ignorer que le juge peut toujours justifier sa décision par la référence à une norme constitutionnelle. L?opportunité n?a pas besoin d?être invoquée pour qu?un contrôle sur cette base ait lieu. Le juge londonien est prudent.

Il s?agit maintenant de vérifier cette dernière proposition dans l?exercice de ses pouvoirs de sanction.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle