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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Paragraphe 1. Le développement de l'Empire britannique

La création de l?Empire britannique fut l?un des grands faits de l?histoire du monde. L?Empire permit à une modeste île européenne, la Grande-Bretagne, de demeurer pendant de longues années la première puissance politique au monde105. Par l?Empire la Grande-Bretagne exporta hors de ses frontières sa civilisation, notamment sa langue, ses institutions et ses lois, surtout la Common Law, et contribua au vaste mouvement d?occidentalisation du globe.

Les historiens distinguent en général trois empires qui s?étaient succédé. Le premier prit naissance avec le début de la colonisation anglaise et prit fin avec la déclaration d?indépendance des Etats-Unis d?Amérique. Le second, qui succède au premier, connut son apogée avant la première guerre mondiale. Il disparaît définitivement après la deuxième guerre mondiale. Le troisième naquit après la deuxième grande guerre. Il fut transformé et devint le Commonwealth.

Pour notre part, nous passerons en revue les deux premiers empires, et analyserons le troisième dans la sous-section suivante lors de l?examen du déclin du Comité Judiciaire.

105 BONIFACE Pascal (dir): «Atlas des relations internationales», Paris, Institut des Relations Internationales et Stratégiques, 1993, 171 p., v. p. 106.

A. Le premier Empire

Le premier Empire prit naissance sous le règne de la Reine Elisabeth I (1558-1603) même si l?activité de conquête par l?Angleterre avait débuté bien avant. Les marchands de Londres voulaient réaliser de grands profits dans le commerce des épices comme leur homologues étrangers. Les anglais étaient devancés et voulaient eux aussi se lancer dans la quête du Nouveau Monde. Un grand aventurier, Sir Francis Drake, qui avait participé à la destruction de l?invincible Armada espagnole en 1588 avait, lors d?un tour du monde, observé la richesse des pays à épices. Il avait fortement inspiré l?ambition expansionniste des anglais. La Reine Elisabeth I se faisait la championne de la doctrine du mercantilisme ou ce qui est aujourd?hui qualifié de conquête indirecte (a) et encouragea les anglais à la convoitise commerciale. L?Empire connut vite une grande expansion (b).

a. La doctrine de la conquête indirecte ou du mercantilisme

Les britanniques avaient mis en place une stratégie d?approche indirecte pour maîtriser le monde. Ils voulaient bâtir l?Empire par l?économie106 et non seulement par la conquête militaire.

En effet, les corsaires avaient compris que le développement dépendait de l?acquisition des établissements au-delà des mers. Il existait dans le nouveau monde des zones libres dans lesquelles il était nécessaire de s?établir pour découvrir et exploiter de l?or107. Ces établissements pourraient aussi permettre l?expansion du protestantisme108.

Par ailleurs, le système mercantiliste tendait à faire des colonies des dépendances économiques de la métropole, destinées à alimenter son commerce d?importation et d?exportation, à stimuler son industrie et en définitive à lui assurer de gros profits.

L?Etat britannique ne devait pas s?engager directement. Il encourageait les initiatives privées et accordait son patronage à des associations de citoyens désireux d?ouvrir de nouveaux marchés dans le commerce maritime. Des

106 MATHEY Jean-Marie: « Comprendre la stratégie», Economica, 1995, 112 p., v. p. 27 et s. sur la stratégie des britanniques.

107 «... the dominant motive was the pursuit of wealth and the comfort and power that go therewith», WALKER Eric: «The British Empire, its structure and spirit 1497-1953», Cambridge, Bowes and Bowes, 1953, 352 p., v. p. 5.

108 BAKER Ernest: «The ideas and ideals of the British Empire», Cambridge, Cambridge University Press, 1946, 165 p.

compagnies de colonisation furent créées. Le Royaume leur accordait le droit d?administrer et de peupler les terres conquises.

Parmi les nombreuses compagnies qui avaient reçu une charte à la fin du seizième siècle, deux avaient particulièrement contribué au développement du premier Empire. La première s?appelait la Compagnie de Virginie et fut à l?origine de l?installation anglaise en Amérique du Nord. La seconde, la Compagnie (anglaise) des Indes, avait le monopole du commerce aux Indes Orientales et la pleine propriété des territoires acquis.

b. Les expansions coloniales

Le premier Empire, suivant l?implantation des deux grandes compagnies, s?édifia à partir de deux pôles: l?Amérique du Nord et les Indes.

La création des colonies de l?Amérique anglaise s?échelonnait sur plus d?un siècle, de 1607 à 1732. Chaque colonie de l?Amérique avait une structure propre. Les premiers colons envoyés en 1606 par la Compagnie de Virginie pour chercher des mines d?or avaient fondé le James Town. Lord Baltimore avait créé en 1633 le Maryland qui devint une colonie de propriétaires. Au nord se fondèrent la Nouvelle-Angleterre, une colonie sans charte et spontanée109, et le Massachusetts. En 1664, la Nouvelle-Amsterdam fut ravie aux hollandais et devint New York. L?éminent quaker William Penn donna son nom à une colonie, la Pennsylvanie.

Au Canada, les français et les anglais se disputaient de 1690 à 1697 et de 1702 à 1713. Suite aux Traités d?Urecht de 1713, la France renonçait à la Terre- Neuve et aux territoires de la Baie d?Hudson. Lors de la signature du Traité de Paris le 10 février 1763, elle renonçait au Canada qui devint une possession de la Couronne britannique.

La Compagnie des Indes Orientales (East India Company) connut un essor rapide. Elle tira des profits immenses de son trafic. Bien qu?au début elle se limitât strictement aux activités commerciales, elle eut en 1624 le droit d?administrer ses possessions de l?Inde. Plus tard, elle fut investie de privilèges

109 Des puritains qui avaient la même vision du monde que les Lumières voulaient s?installer dans un territoire vierge pour appliquer les règles démocratiques de l?âge moderne. Ils avaient quitté l?Angleterre à bord du Mayflower. Ils s?installèrent dans la Nouvelle-Angleterre et furent à l?origine de la déclaration d?indépendance. Ils reçurent le titre de Pères Pèlerins (The Pilgrim Fathers). V. HUSSEY W. D.: «The British Empire and Commonwealth, 1500-1961», Cambridge University Press, 1963, 363 p., v. p. 24.

régaliens: celui d?avoir des troupes, des armes, de déclarer la guerre aux souverains indigènes, de rendre la justice, de battre monnaie, de conclure la paix et ainsi de suite. Sur la route des Indes Orientales, les anglais acquirent de nouvelles bases, tels la Sainte Hélène en 1674 et le Gibraltar en 1704.

D?autre part, les navigateurs anglais conquirent quelques terres en Indes Occidentales (West Indies). Entre 1620 et 1630, ils prirent possession de Saint Christophe, Nevis, Barbade et, aussi, la Jamaïque. Par le Traité de Madrid de 1670, l?Espagne céda aux anglais ses possessions des Caraïbes.

Au dix-huitième siècle, l?Angleterre posséda la meilleure marine du globe. Elle dominait un riche Empire colonial (voir tableau 1 en annexe). Cependant, cet Empire devint victime de sa gestion. L?Angleterre voulait toujours contrôler et monopoliser les commerces. Mais les colons voulaient vendre leurs produits à ceux qui les payaient plus cher. Les colons américains considéraient comme un abus de pouvoir toute législation faite uniquement dans l?intérêt de la métropole.

Les treize colonies d?Amérique se dressèrent contre le gouvernement de Londres et proclamèrent leur indépendance110. Le premier Empire n?était plus.

B. Le deuxième Empire

Le deuxième Empire surgit après la Révolution industrielle qui transforma profondément la condition humaine et le mode de vie (a). Devenue la première force industrielle du globe, l?Angleterre poursuivit ses conquêtes (b).

a. La Révolution industrielle

La Révolution industrielle apporta une transformation fondamentale dans le monde, l?une des plus importantes dont l?homme ait tiré profit depuis la découverte du feu aux âges néolithiques. Cette transformation consistait essentiellement en la substitution de la machine à l?outil et la découverte des sources nouvelles de force motrice grâce à la vapeur.

L?évolution se répercutait tout d?abord sur l?industrie du textile et atteignit à la suite d?autres productions, telles la sidérurgie et la construction

110 V. ibid., le chapitre sur «The loss of the thirteen American colonies», pp. 119 à 137.

des navires à vapeur, des routes et de nouveaux moyens de transport. Par exemple, l?Angleterre inventa la locomotive utilisant les voies ferrées.

Avec le développement de son industrie métallurgique, la Grande - Bretagne augmenta tant sur mer que dans les colonies la marge de sa supériorité et put créer des escales sur toutes les routes du monde. Sa marine, son commerce et sa richesse111 crûrent prodigieusement alors que s?édifiaient en même temps un nouvel Empire colonial, plus vaste que le précédent.

b. Les conquêtes

Le deuxième Empire britannique débordait le cadre des deux pôles du premier Empire. Le Canada, contrairement à son voisin, les Etats-Unis d?Amérique, demeurait loyal à la Couronne et devint un dominion en 1931. Après la grande mutinerie des cipayes en 1857, la mainmise anglaise fut rétablie en Inde au bout de plus d?une année de durs combats. A partir de 1858, l?Inde dépendait uniquement de la Couronne britannique.

Afin de garantir la route des Indes, les britanniques intervinrent en Egypte en 1882, contrôlaient Aden et étendirent leur domination à la Birmanie. En Extrême-Orient, Hongkong et Singapour et la Péninsule Malaise devenaient leurs relais commerciaux avec la Chine.

Avec la découverte des mines d?or et des diamants, les britanniques occupèrent des territoires de l?Afrique du Sud en 1806. Ils établirent ensuite une domination coloniale du Caire au Cap après l?occupation du Soudan, de la Rhodésie et l?annexion de Tanganyika.

Au dix-neuvième siècle, les îles de l?Océan-Indien devenaient une véritable Mer Impériale?112. Sauf quelques exceptions, les îles passèrent toutes sous la domination britannique. A titre indicatif de la conquête, on peut citer les Seychelles, Maldives, Laquedives, Andaman, Nicobar, Chagos, Keeling, Isle de France (Maurice) et Rodrigues.

111 Les grandes importations d?Europe venaient de la seule Grande-Bretagne.

112 CROKAERT Jacques: «Histoire du Commonwealth britannique», PUF, Que sais-je ?, 1949, 120 p., v. p. 58.

Grâce aux oeuvres du capitaine Cook, l?Angleterre prit également possession de l?Australie et de la Nouvelle-Zélande113 à la fin du dix-huitième siècle.

*

Telles étaient, en bref, les expansions de l?Empire britannique qui atteignirent les limites même de notre planète (voir tableaux 2 et 3 en annexe). L?Empire britannique était de loin le plus vaste et le plus peuplé des Empires. Chaque pays conquis tombait automatiquement dans le ressort du Comité Judiciaire. Il devint leur juridiction suprême.

L?administration du second Empire différait du premier. La colonisation fut souple et l?Angleterre pratiquait une politique libérale. La colonisation fut même définie comme une colonisation anticolonialiste?114.

La Grande-Bretagne n?imposa plus sur les pays conquis le droit anglais et laissa subsister les droits locaux. En effet, si en 1608, la Cour du Banc du Roi (King's Bench Division)115 avait posé le principe selon lequel les lois d?un pays païen conquis étaient vouées à l?abrogation 116, en 1774, les juges anglais opérèrent un revirement du principe. Les pays conquis pouvaient maintenir leurs droits quel que soit leur degré de christianisation117. Cette tolérance amena le tribunal de la Downing Street à statuer sur le droit de plusieurs familles juridiques.

Enfin, la Grande-Bretagne accordait aux dominions le droit de se gouverner eux-mêmes (the right to self-government). Ce libéralisme s?expliquait par les difficultés rencontrées par Londres avec les colons américains.

113 HUSSEY W. D., cité note 109, v. p. 168 à 183.

114 GRIMAL Henri: «Histoire du Commonwealth britannique», PUF, Que sais-je ?, 1965, 128 p., v. p. 37.

115 Cour du Banc Roi: 1608, affaire Calvin, ER, King?s Bench, vol. 77, pp. 377 à 411, le LordChef-Juge Edward Coke rédacteur de l'arrêt.

116 «If a king comes to a Christian kingdom by conquest seeing that he hath vitae et necis protestam, he may at his pleasure alter and change the laws of that kingdom, but until he doth make an alteration of the laws, those of the kingdom remain. But if a Christian king should conquer a Kingdom of an infidel and bring them under his subjection, there, ipso facto, the laws of the infidel are abrogated for that they are not against Christianity, but against the laws of God and Nature contained in the Decalogue», ibid., p. 398.

117 Cour du Banc du Roi: 1774, Campell c/ Hall, ER, King?s Bench, vol. 98, pp. 848 à 899, Lord Mansfield rédacteur de l'arrêt, rapporté par Lofft.

Cependant, le Comité Judiciaire substituait subtilement le droit anglais aux lois locales à travers plusieurs techniques, notamment celles de l?interprétation de la norme et l?importation du droit anglais en cas de lacune de la loi locale. V. MATSON J. N.: «The Common Law abroad: English and indigenous law in the British Commonwealth», ICLQ, 1993, pp. 753 à 779.

Paragraphe 2. L'étendue de la compétence du Comité Judiciaire en matière coloniale

En tant que juridiction suprême de l?Empire britannique, le Comité Judiciaire était investi d?une compétence ratione loci aussi vaste que l?Empire lui-même. Norman Bentwich soutenait à juste titre, en 1936, que le Comité Judiciaire était le plus grand tribunal connu de l?histoire118. Ainsi, du fait que la Couronne laissait en vigueur les normes juridiques des pays conquis, le Comité Judiciaire dut statuer sur des litiges portant sur le droit de plusieurs familles juridiques. Sa compétence matérielle fut tout aussi immense.

Analyser en détail la compétence territoriale et matérielle de la Haute Instance londonienne conduirait à une intéressante et démonstrative étude de l?influence du Comité Judiciaire dans le développement du droit de nombreux pays. Mais ce serait trop prouver de la grandeur du juge londonien. Bornons- nous simplement à examiner de manière assez succincte le traitement par le Comité Judiciaire des pourvois provenant de certains pays seulement, des dominions (A) et colonies (B) dont les systèmes juridiques furent étrangers à celui de la Common Law.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand