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Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le Droit Mauricien

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par Parvèz A. C. DOOKHY
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Docteur en Droit 1997
  

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Paragraphe 2. En droit public institutionnel

Toute Constitution instaure un système de partage de compétences entre les organes suprêmes de l?Etat et il appartient au juge constitutionnel de régler les litiges qui ne peuvent manquer de survenir à ce propos.

Dans les nouveaux Etats du Commonwealth, la distribution constitutionnelle des pouvoirs n?est pas affirmée expressément dans le texte suprême mais y est implicite (A), selon le Tribunal de la Downing Street.

Le Comité Judiciaire a davantage défini et complété ce principe dans l?objectif de valoriser et de défendre les prérogatives du judiciaire (B).

1188 CJCP: 15 décembre 1987, Harel Frères Ltd c/ Minister of Housing, Lands and Town and Country Planning, cité note 889.

A. La distribution constitutionnelle des pouvoirs

Le Comité Judiciaire a accordé pleine valeur constitutionnelle au principe de la séparation des pouvoirs et son corollaire, l?indépendance du judiciaire (a) et a cantonné le législateur dans son domaine d?attribution (b).

a. L'affirmation du principe de la séparation des pouvoirs et l'indépendance du judiciaire

Suite aux travaux de John Locke1189, auteur de référence en Angleterre après la Glorieuse Révolution de 1688-89, l?indépendance du judiciaire y fut affirmée dans la Loi d?Etablissement (Act of Settlement) du 12 juin 1701. La Couronne demeurait la «fontaine de la justice» mais les juges étaient nommés et demeuraient en fonction aussi longtemps que leur conduite était bonne et non plus selon le bon plaisir du Souverain. Leur salaire était garanti. Pour autant, la doctrine stricte de la séparation des pouvoirs n?a jamais été formellement appliquée en Angleterre bien que Montesquieu ait fondé sa théorie sur les institutions britanniques1190. Le Lord-Chancelier cumule encore aujourd?hui des fonctions au sein des trois organes suprêmes de l?Etat. Il a rang d?un ministre d?Etat (Senior Minister). Il assure la présidence de la deuxième chambre parlementaire et est un des plus hauts magistrats. De même, la Reine en Son Conseil exerce des fonctions juridictionnelles en droit interne. La chambre haute du Parlement, la Chambre des Lords, est une des juridictions suprêmes1191 du Royaume-Uni1192. On se méfiera tout de même de toute conclusion hâtive. Les juges britanniques se sont affranchis de la double tutelle du Parlement et de l?exécutif. Seuls des juges professionnels et inamovibles siègent à formation juridictionnelle de la Chambre des Lords, à l?exception du Lord-Chancelier qui assure la synthèse entre les trois pouvoirs. De même, la tutelle royale sur le Conseil Privé n?est que symbolique.

Le modèle de distribution constitutionnelle des pouvoirs fut rationalisé dans les nouveaux Etats du Commonwealth. L?indépendance des juges est assurée organiquement1193 et le domaine de compétence du Parlement est limité.

1189 LOCKE John: «Deuxième traité du gouvernement civil», Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1967, 255 p., v. p. 159, paragraphe 143.

1190 MONTESQUIEU Charles Louis de Secondat: «De l?Esprit des Lois», (1748), Paris, Editions Sociales, 1969, 333 p., v. Livre X, chapitre VI, pp. 118 et s.

1191 SHELL Donald: «The House of Lords», Harvester, Wealsheaf, 1992, 276 p.

1192 BRADLEY A. W. et EWIG K. D., cité note 549, v. chapitre 4: «The relationship between legislature, executive and judiciary», p. 52 et s.

1193 ALLOT Anthony: «The independence of the judiciary in the Commonwealth countries: problems and provisions», CLB, 1994, pp. 1428 à 1446.

Le Comité Judiciaire a démontré qu?il est très attaché au principe de la séparation des pouvoirs et l?a affirmé de manière solennelle. Dans l?affaire Hinds1194, Lord Diplock, dans une motivation surabondante qui ressemble davantage à un cours de droit qu?à une décision de justice1195, rappelle les principes de base du système institutionnel des nouveaux Etats du Commonwealth, le modèle Westminster. Plaçant son analyse dans une perspective historique, il soutient que le principe de la séparation des pouvoirs y était appliqué précédemment à l?entrée en vigueur des nouvelles Constitutions qui, de surcroît, n?ont que consolidé les institutions existantes. Les Constitutions ont été élaborées sur la base d?un consensus entre les différentes forces politiques en présence. Documents de compromis, les Constitutions contiennent nécessairement des principes non affirmés expressément, parmi lesquels se trouve celui de la séparation des pouvoirs. En général, elles ne comportent aucune disposition formelle tendant à interdire l?usurpation des compétences du judiciaire par le Parlement ou l?exécutif1196 mais la séparation des pouvoirs est un principe implicite et accepté. Ainsi, faisant partie de la nature même du régime, le principe de la séparation des pouvoirs, est érigé par le juge londonien en valeur quasi supraconstitutionnelle.

Quant à l?indépendance des institutions judiciaires élevées, elle se manifeste, affirme Lord Diplock, par le principe qui veut que le gouvernement ne puisse exercer aucune pression directe ou indirecte sur les hauts magistrats (Judges). Tout un chapitre de la Constitution pose des garanties protectrices concernant le recrutement des hauts magistrats et le cheminement de leur carrière1197. Ils sont inamovibles et leur responsabilité disciplinaire ne peut être engagée que sur la base d?une procédure lourde nécessitant la saisine du Conseil Privé.

b. Le cantonnement du législatif

Le principe de la séparation des pouvoirs sert devant le Conseil Privé de principe gigogne?, tel le principe d?égalité en contentieux constitutionnel

1194 CJCP: 5 novembre 1975, Moses Hinds c/ The Queen, cité note 233.

1195 Lord Diplock qualifie lui-même sa longue motivation de «règle de droit» (ratio decidendi) et non d?affirmation incidente (obiter dicta), ibid., p. 371.

1196 «Thus the Constitution does not normally contain any express prohibition upon the exercise of legislative powers by the executive or of judicial powers by either executive of the legislature», ibid., p. 372.

1197 «The Chapter dealing with the judicature invariably contains provisions dealing with the method of appointment and security of tenure of the members of the judiciary which are to assure to them a degree of independence from the other two branches of government», ibid., p. 373.

français1198, en ce sens qu?il se décompose en une multitude de cas d?application. Il est invoqué de manière quasi systématique par les requérants car chaque Loi peut se lire à travers un aspect particulier du principe de la séparation des pouvoirs, notamment de l?indépendance du judiciaire.

Le domaine de la Loi est circonscrit. Comme nous l?avons déjà indiqué, le législateur ne peut légiférer que pour la paix, l?ordre et le bon gouvernement1199, c'est-à-dire, il ne peut pas s?immiscer dans le domaine d?attribution du judiciaire.

Le Comité Judiciaire a affirmé qu?il n?appartient pas au législateur de censurer les décisions des juridictions ou de se substituer dans le jugement des litiges relevant de leur compétence. Une illustration de ce principe se trouve dans l?affaire Liyanage1200. Une Loi ceylanaise avait institué une procédure dérogatoire au droit commun pour le jugement des auteurs d?un coup d?Etat. L?étendue de cette Loi ne permettait au juge que de constater l?infraction et la culpabilité de certaines personnes visées. Le législateur lui avait pratiquement dicté la décision à rendre. La Haute Instance londonienne sanctionne ce qu?il qualifie d?être «un jugement législatif» et affirme que «si une telle Loi n?est pas censurée, tout le pouvoir judiciaire pourra être absorbé par le législateur»1201. Le même principe a été rappelé par le juge londonien dans une affaire mauricienne dans laquelle une Loi à effet rétroactif infirmait une sentence arbitrale prononcée contre le gouvernement. Avant l?entrée de la Loi nouvelle, la sentence arbitrale était susceptible d?une exécution forcée en vertu d?une ordonnance d?exequatur, délivrée par la Cour Suprême. Désormais, le ministre de la justice (the Attorney-General) pouvait s?y opposait, ce qu?il fit dans le cas d?espèce. Le Comité Judiciaire sanctionne la violation de la séparation des pouvoirs1202.

La Cour de Maurice s?inscrit dans le droit fil de la jurisprudence du Comité Judiciaire et sanctionne la Loi dite de validation1203. Celle-ci est une catégorie de Loi qui tend à valider un acte qui ne l?était pas initialement du fait de la censure du juge. La Loi est promulguée après le jugement ayant déclaré

1198 MICLO François: «Le principe d?égalité et la constitutionnalité des lois», AJDA, 1982, pp. 115 à 135.

1199 Article 45-1 CM.

1200 CJCP: 21 décembre 1965, Don John Francis Douglas Liyanage c/ The Queen, AC, 1967, vol. 1, pp. 259 à 292, affaire de Ceylan, Lord Pearce rédacteur de l'arrêt.

1201 If such Acts were valid, the judicial power could be wholly absorbed by the legislative and taken out of the hands of the judges», ibid., p. 129.

1202 CJCP: 25 octobre 1984, Marine Workers Union c/ Mauritius Marine Authority, cité note 905, v. p. 849-50.

1203 Un regard rétrospectif permet de constater que le gouvernement britannique avait avant la deuxième guerre mondiale tenté d?annuler une décision du Conseil Privé. V. LOWE A. V. et YOUNG J. R.: «An executive attempt to rewrite a judgment», LQR, avril 1978, pp. 255 à 275.

l?acte nul avec effet rétroactif de sorte que l?acte litigieux devienne conforme à la Loi. La Cour de Maurice se montre, à juste titre, très exigeante et applique avec rigueur le principe de la séparation des pouvoirs1204 tel qu?énoncé par le Comité Judiciaire dans l?affaire Liyanage précitée. Selon la Cour, le législateur ne peut avoir le pouvoir de censurer les décisions des juridictions ou de méconnaître le principe de l?autorité de chose jugée (the doctrine of res judicata). Le Parlement ne peut pas trancher des litiges et s?ériger en une cour de dernier ressort. Il n?y aurait, poursuit la Cour, d?Etat de droit (rule of law) s?il en fut autrement1205.

B. La défense des prérogatives des organes juridictionnels

Le Comité Judiciaire a jalousement préservé le pouvoir des institutions judiciaires. Il exerce un contrôle maximum et n?admet aucune atténuation à l?exercice des prérogatives du juge en général (a) et de celles des hauts magistrats (b).

a. De la magistrature en général

Le juge est la seule autorité compétente à autoriser des atteintes à la liberté individuelle, tel est semble-t-il le principe qu?a posé le Comité Judiciaire dans le grand arrêt Ali1206. Afin de comprendre la portée de cet arrêt, il serait utile de faire un bref rappel des circonstances de l?affaire. Une Loi mauricienne, votée un peu à la hâte en 1986 suite à une série de scandales, avait prévu que le procureur de Maurice pouvait, selon sa discrétion, déférer quelqu?un suspecté de trafic de stupéfiants soit devant un magistrat (unique) de la Cour Suprême, soit devant la Cour Intermédiaire (le tribunal correctionnel) soit encore devant la Cour de District (tribunal de police). Si l?accusé était reconnu coupable par un juge de la Cour Suprême dans des circonstances aggravantes spéciales, il devait impérativement être sanctionné de la peine de mort1207. S?il était reconnu coupable dans les mêmes conditions par un autre tribunal, la sanction qu?il encourrait pouvait être différente, c'est-à-dire, inférieure.

1204 DAUDET Y. et MEETARBHAN M., cité note 368, v. p. 284 et s.

1205 CSM: 26 avril 1982, A. R. Mahboob c/ The Government of Mauritius, MR, 1982, pp. 135 à 145, le Chef-Juge Sir Maurice Rault rédacteur de l'arrêt principal. Dans cette affaire, la Cour de Maurice avait déclaré nulle et non avenue une vente immobilière entre un individu et une organisation étrangère. Le législateur avait adopté une Loi qui déclarait ladite vente valide.

1206 CJCP: 18 février 1992, Ali c/ Regina, cité note 635.

1207 Articles 28-1 et 28-8 et 38 de la Loi de 1986 sur les stupéfiants (Dangerous drugs Act).

Est-ce que la discrétion attribuée au procureur, en l?occurrence le Directeur des poursuites publiques1208, quant au choix du tribunal et, par conséquent, de la peine encourue est une violation des pouvoirs du juge répressif1209 ? Le Comité Judiciaire, saisi de la question, marque sa volonté de consacrer une conception stricte de la séparation des pouvoirs. Le Directeur des poursuites publiques, bien qu?il soit considéré comme étant indépendant de toute autorité publique1210, est qualifié par le juge londonien d?agent de l?exécutif, autrement dit, d?agent public. Il ne peut donc pas, même indirectement, choisir la peine à appliquer sans violer la distribution constitutionnelle des pouvoirs, les prérogatives du judiciaire.

Le Comité Judiciaire, dans son analyse reconnaît que le législateur peut prévoir des peines impératives (mandatory sentences) pour une catégorie d?infraction1211. La fixation de la peine par le législateur est une disposition d?ordre général et se distingue de l?énoncé de la Loi mauricienne. Dans le premier cas, il revient en dernier lieu au juge d?appliquer la peine alors que dans le deuxième, le procureur, en choisissant le tribunal préalablement au procès, choisit également au cas par cas la peine qui serait appliquée. Le Comité Judiciaire distingue encore la discrétion attribuée au procureur mauricien de la pratique tolérée dite de la correctionnalisation des crimes1212. La technique de la correctionnalisation (the referring of a case before the magistrate court) consiste pour l?autorité chargée des poursuites à négliger une qualification plus grave, souvent criminelle, des faits pour ne retenir qu?une qualification plus faible ou correctionnelle. Cette pratique revient à tourner les règles légales relative à la compétence juridictionnelle afin que le juge saisi prononce une peine moins sévère. Cette discrétion de l?autorité poursuivante ne viole aucun principe constitutionnel selon le Comité Judiciaire. Par contre, celle du procureur mauricien, en vertu de la Loi litigieuse, lui permettait non seulement de choisir le tribunal mais aussi la peine qui devait obligatoirement être appliquée si la culpabilité de l?accusé était reconnue. Sa discrétion n?aurait pas été contraire à

1208 LABAUVE D?ARIFAT Cyrille, QC: «Le Directeur des poursuites publiques à l?île Maurice», APOI, 1976, pp. 513 à 578.

1209 La Cour Suprême avait dans sa décision opéré une neutralisation de la discrétion du procureur en soutenant que le prévenu suspecté d?avoir agi dans des circonstances aggravantes ne pouvait être déféré que devant un juge de la Cour Suprême. V. CSM: 20 septembre 1991, Muktar Ali c/ Regina, MR, 1991, pp. 138 à 146, le Chef-Juge Glover rédacteur de l'arrêt.

1210 L?article 72-6 CM dispose que: «Dans l?exercice des pouvoirs qui lui son conférés par le présent article, le Directeur des poursuites publiques n?est pas soumis à l?autorité ou au contrôle de nulle autre personne ou autorité».

1211 Certains Lords judiciaires, dont Lord Donaldson, ancien président de la Division civile de la Cour d?Appel anglaise conteste aujourd?hui les législations qui diminuent la liberté du juge dans le choix de la peine. V. DONALDSON Lord: «Beware of this abuse», The Guardian, 1er décembre 1995, p. 21.

1212 CJCP: 11 décembre 1978, The Cheng Poh alias Char Meh c/ Public Prosecutor, AC, 1980, pp. 458 à 476, affaire de la Malaisie, Lord Diplock rédacteur de l'arrêt.

la Constitution si le juge du jugement pouvait déterminer le quantum de la peine1213. La combinaison des deux éléments, choix du tribunal et peine impérative, rend la Loi non conforme à la Constitution et viole les prérogatives du juge.

b. De la haute magistrature

Le Comité Judiciaire a constitutionnalisé la compétence des hauts magistrats1214. Cette constitutionnalisation est importante parce qu?elle met un obstacle juridique à tout dessaisissement des juges des cours supérieures (higher judiciary) de leur compétence par les autorités publiques. Le législateur ne peut créer de nouvelles juridictions composées de simples magistrats1215 qui ne bénéficient pas d?une totale indépendance pour connaître des litiges relevant, avant l?entrée en vigueur de la Constitution, de la compétence exclusive de la Cour Suprême.

L?argumentation du Comité Judiciaire est fort juste. La Constitution, en évoquant les cours supérieures, se réfère implicitement aussi aux magistrats composant ces juridictions1216. Seuls ceux-ci, en raison de leur indépendance, leur statut et leur mode de recrutement1217 peuvent exercer, même en première instance, certaines fonctions juridictionnelles et appliquer certaines peines, notamment celle de réclusion criminelle à vie ou la peine de mort, à l?inverse des magistrats des cours inférieures1218.

*

1213 «... a discretion vested in a prosecuting authority to choose the court before which to bring an individual charged with a particular offence is not objectionable if the selection of the punishment to be inflicted on conviction remains at the discretion of the sentencing court», CJCP: 18 février 1992, Ali c/ Regina, cité note 635, v. p. 410.

1214 CJCP: 5 novembre 1975, Moses Hinds c/ The Queen, cité note 233.

1215 Dans les nouveaux pays du Commonwealth, les tribunaux sont classés en deux catégories: les cours supérieures (higher judiciary) et les cours inférieures (lower judiciary). Une cour supérieure, telle la Cour Suprême peut statuer en première instance sur un nombre important d?affaires. Elle ne correspond pas toujours à une cour de second degré. Les cours inférieures statuent sur de petites affaires en première instance.

1216 «Thus, where a Constitution on the Westminster model speaks of a particular court already in existence when the Constitution comes into force, it uses this expression as a collective description of all those individual judges who, whether sitting alone or with other judges or with a jury, are entitled to exercise the jurisdiction exercised by that court before the Constitution came into force», CJCP: 5 novembre 1975, Moses Hinds c/ The Queen, cité note 233, v. p. 373.

1217 CJCP: 19 mars 1957, Attorney-General c/ The Queen, AC, 1957, pp. 288 à 324, affaire de l?Australie, Vicomte Simmonds rédacteur de l'arrêt.

1218 Les cours inférieures ne sont pas évoquées dans les Constitutions du modèle Westminster mais sont bien des juridictions valides. V. CJCP: 4 octobre 1993, Commissioner of Police c/ Skip Patrick Davies, AC, 1994, vol. 1, pp. 283 à 302, affaire des Bahamas, Lord Goff of Chieveley rédacteur de l'arrêt.

La séparation des pouvoirs est un des principes fondamentaux d?un Etat de droit. Le judiciaire, du fait de son rôle dans la défense des valeurs de la République et de la démocratie libérale, doit être sérieusement protégé contre les atteintes du pouvoir politique à sa compétence.

Après l?examen de l?apport du Comité Judiciaire en droit administratif et droit public institutionnel, il convient d?analyser enfin la protection du droit de propriété par le juge du Whitehall.

Sous-section 2. En droit public des biens

A l?île Maurice, le droit public des biens puise son origine à la fois dans le Code Civil de 1804, la Déclaration des Droits de l?homme et du Citoyen de 17891219 et la Common Law. L?article 544 du Code Civil mauricien énonce encore aujourd?hui, comme celui du Code Civil français, que «la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue». De même, la Common Law a attribué, depuis les écrits de John Locke1220 et de William Blackstone1221, le caractère d?un droit pratiquement naturel, voire d?une liberté1222 à la propriété.

Cependant, la Constitution mauricienne, élaborée dans un contexte moderne, prend acte de l?évolution des conditions d?exercice du droit de propriété survenue après la deuxième grande guerre, lors du développement de l?Etat-Providence, et s?abstient de toute affirmation du caractère presque divin et sacré du droit de propriété. L?essence divine et inviolable du droit est remise en cause pour des motifs impérieux d?intérêt général à l?instar des pays de Common Law1223 et de tradition romano-germanique1224. L?intervention du

1219 CJCP: 13 décembre 1995, La Compagnie Sucrière de Bel Ombre Ltée c/ The Governement of Mauritius, cité note 860.

1220 ALLIOT Brigitte: «Locke et l?économie politique», mémoire de DES, Paris, 1963, 81 p., v. p. 16 et s.

1221 BLACKSTONE William, Sir: «Commentaries of the laws of England», vol. 2 «Of the right of things», (1766), Londres, The University of Chicago Press, 1979, 520 p., v. p. 2. L?auteur affirme que: «There is nothing which so generally strikes the imagination and engages affections of mankind as the right of property; or that sole despotic dominion which one man claims and exercises over the external things of the world, in total exclusion of the right of any other individual of the universe».

1222 COVAL S., SMITH J. C. et COVAL S.: «The foundations of property and property law», CLJ, 1986, pp. 457 à 475.

1223 «But property law has lost its traditional constitutional status. For decades property has ceased to serve as a significant formal boundary between individual rights and governmental power», NEDELSKY Jennifer: «Private property and the limits of American constitutionalism», Londres, The University of Chicago Press, 1990, 343 p., v. p. 223.

V. aussi CRAIG P. P.: «Constitutions, property and regulation», PL, 1991, pp. 538 à 554. 1224 «... on est conduit à en conclure que le droit de propriété est une liberté ou un droit de second rang par opposition aux droits et libertés de premier rang telle la liberté de la presse ou la liberté de l?enseignement», FAVOREU Louis et PHILIP Loïc, cité note 881, v. p. 471.

législateur dans le domaine foncier, d?aménagement du territoire et dans la régulation des activités commerciales est fréquente. Ainsi, la Constitution mauricienne a été libellée de façon à ce qu?il en résultât en réalité que de minimes limitations au pouvoir de la puissance publique de porter atteinte au droit de propriété. La Constitution déclare de manière anodine que tout individu a droit à la protection de ses biens et que nul ne peut en être privé ou dépossédé, dans ce dernier cas uniquement que pour cause d?utilité publique, sans indemnité.

Devant un tel dispositif constitutionnel peu contraignant, il eut apparu qu?une violation du droit de propriété tirée de l?énoncé de la Loi Fondamentale eût été impossible tant le pouvoir public conservait une trop grande discrétion et la majorité des hauts magistrats de la Cour Suprême ne voulait contrer, fût- ce sur un plan strictement juridique, la politique de l?Etat dans un secteur aussi sensible que ce droit de l?homme de nature économique. Or, l?incertitude n?est plus permise aujourd?hui1225. Depuis un arrêt de principe du Comité Judiciaire de 19841226, le juriste est obligé d?apporter un regard neuf sur le droit de propriété. La Haute Instance londonienne a donné une consistance élevée à ce dernier dans la hiérarchie des normes (paragraphe 1) et entreprend depuis de le définir assez libéralement de façon à étendre considérablement le champ d?application de la protection constitutionnelle réorganisée et dynamisée (paragraphe 2). Véritable tournant jurisprudentiel, l?arrêt de 1984 constitue le point de départ de tout une riche élaboration dont il est important de mettre en valeur les principaux résultats.

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