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La protection judiciaire de l'enfant en conflit avec la loi: cas de coups et blessures volontaires et de volpar Herman NSIALA FUMULONDO Université de Kinshasa - Licence 2021 |
![]() INTRODUCTIONLa présente introduction comprend essentiellement six points.Elle commence d'abord, par poser la position de problème(1), avant de proposer l'hypothèse de la recherche(2) et de relever l'intérêt du sujet (3). Ensuite, elle mentionne la limitation des champs d'étude (4), et en indique l'approche méthodologique(5) en vue de répondre à l'exigence de la scientificité de la recherche, et enfin elle se clôture par la division du travail. I. POSITION DU PROBLEME ET QUESTION DE DEPART Les faits délinquants que commettent les enfants ne sont pas différents de ceux que commettent les adultes. Ils exigent les mêmes conditions tant à leur existence qu'à leur poursuite, cependant, Il faut distinguer l'enfant à l'adulte. Si l'ancien droit pénal se fondait sur les seuls buts de punition, expiation et dissuasion2(*), et qui ne permettait pas de distinguer la justice pénale pour adultes de celle pour mineurs car, la seule formule de la culpabilité et l'imputabilité suffisait pour répondre de ses actes3(*) ; l'évolution des connaissances en Sciences humaines et sociales, notamment les travaux de brillants savants GAROFALO, FERRI et LOMBROSO4(*)ont démontré les influences négatives de l'industrialisation et de l'urbanisation sur l'individu5(*) ; et partant, ont permis de modifier les objectifs assignés au droit pénal, qui vise désormais non plus à sanctionner ( l'expiation, la punition et la dissuasion), mais à réformer, à réinsérer socialement le délinquant à travers des différentes mesures qui sauvegarderont son intérêt supérieur. En effet, depuis la Déclaration onusienne sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1959, le principede l'intérêt supérieur ou intérêtsuprême de l'enfant a toujours été une préoccupation majeure dans la protection et la sauvegarde des droits de l'enfant. Ainsi, pour qu'un enfant soit « en mesure de se développer d'une façon saine et normale sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social, dans les conditions de liberté et de dignité son intérêt supérieur doit être la considération déterminante dans l'adoption des lois à cette fin6(*) ».Corrélativement, les rédacteurs de cette Déclaration de 1959 relative aux droits de l'enfant décidèrent que « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation ; cette responsabilité incombe en priorité à ses parents7(*) ». Raison pour laquelle, dans son projet de Convention relative aux droits de l'enfant, présenté en 1978 à l'organisation des Nations Unies, le Gouvernement polonais souhaita que ce principe de l'intérêt supérieur de l'enfant apporte des nouveaux éléments à la future Convention, en l'érigeant en colonne vertébrale de la protection de l'enfant et de la garantie de ses droits fondamentaux. Ainsi donc, les rédacteurs de la Convention relative aux droits de l'enfant adoptée à New-York le 20 novembre 1989, exaucèrent, d'une part, le voeu du Gouvernement polonais et, d'autre part, choisirent d'étendre le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant à toutes les décisions concernant l'enfant. En effet, conformément au contenu de la convention précitée, les Etats sont tenus d'assumer de bonne foi les obligations mises à leur charge par ladite convention. Ils sont donc obligés, aux termes de l'article 4 de ladite convention, de prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la Convention sur les droits de l'enfant. A ce titre, la République Démocratique du Congo, partie à ladite convention, et dont la population accorde une place centrale à l'enfant en tant que renouvellement de l'être et de la vie8(*), s'est engagée dans la voie de faire de la protection de l'enfant son cheval de bataille et s'est fait sentir le besoin pressant d'élaborer la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant. L'objectif de cette loi est certes, avant tout d'assurer la protection de l'enfant, celle-ci entendue dans sa globalité : la protection sociale, la protection pénale et la protection judiciaire qui intéresse cette étude très particulièrement. L'intervention est sensée faite pour lui et non contre lui, car, la justice n'est pas dans les textes mais plutôt dans l'âme du magistrat disait, HENRI PASCAL9(*). A cet effet, quel a été le rôle du magistrat entant que cible principal de cette mise en mouvement de la justice pour enfants mue par la loi précitée et surtout dans la prise de mesures et décisions dans les affaires concernant les enfants en conflits avec la loi. Les enfants sont des êtres vulnérables et il est hyper capital de leurs donner des conditions de vie qui les permettent de bien s'épanouir, de bien se développer physiquement, mentalement, intellectuellement afin de leur garantir un meilleur avenir. La loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant en ses articles 106 et 113,Énumèrent clairement les mesures provisoires et décisions que le juge est censé prendre en cas des enfants en conflits avec la loi. Ainsi, en vue de répondre à la préoccupation de notre recherche, nous nous sommes posé la question de départ suivante :La mise en oeuvre du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant est-elle effective dans les différentes mesures et décisions prises par les juges pour enfants de Kinshasa/Kinkole dans les casde manquements commis par ces derniers, particulièrement les coups et blessures volontaires et celui de vol? Dans le cadre de ce travail, nous définissons premièrement l'hypothèse avec VWAKYANA KAZI, comme étant « une explication provisoire anticipant la formulation d'un type d'explication sur la nature de chose provenant d'une théorie »10(*). Elle constitue une réponse provisoire aux différentes questions de notre problématique. Et selon Eddy MWANZO, l'hypothèse de travail est « une proposition ou une explication que l'on se contente d'énoncer sans prendre position sur son caractère véridique, c'est-à-dire sans l'affirmer ou la nier »11(*). Il s'agit donc d'une simple supposition, appartenant au domaine du possible ou du probable. Une fois énoncée, une hypothèse peut être étudiée, confrontée, utilisée, discutée, ou traitée de toute autre façon jugée nécessaire. En effet, le juge des enfants qui est face à un enfant en conflit avec la loi et qui doit prendre une décision en rapport avec l'acte commis par ce dernier, doit nécessairement motiver son jugement, sa décision. Chaque mesure qu'il aura à prendre face à un enfant doit justifier l'intérêt supérieur et le bien-être de l'enfant. La recherche analytique demeure dans ce contexte une meilleure option pour apprécier et surtout dénicher dans les jugements, l'intérêt supérieur et le bien-être dans la prise de telle ou telle mesure et surtout si cela va avec l'idée de la rééducation et la réinsertion de l'enfant. Il est important de justifier le choix du sujet pour la société et de présenter son intérêt scientifique car, la science est faite pour la société et, l'on ne doit pas écrire pour rien, il faut aussi que le sujet ait un intérêt direct à la solution des interrogatoires et problèmes que soulève la communauté. Ainsi, notre travail présente un double intérêt considérable : ü Sur le plan théorique : ce travail permettra non seulement au lecteur mais aussi à tous ceux qui nous lirons de maitriser les notions relatives à la protection judiciaire de l'enfant en conflit avec la loi mais également avoir une idée générale des enfants en conflits avec la loi. ü Sur le plan pratique : ce travail met en évidence et surtout recherche l'intérêt supérieur et le bien-être de l'enfant dans les décisions que doit prendre le juge devant un enfant en conflit avec la loi. Une étude scientifique doit être circonscrite, sinon, le sujet ne saurait être épuisé. De ce point de vue, notre travail a connu une double délimitation relative au temps et à l'espace. ü Dans le temps : il importe de préciser que notre recherche se focalise autour des différentes décisions prononcées par les juges pour les manquements de coups et blessures volontaires et le vol allant de 2020 à 2021. ü Du point de vue spatial, il sera question de prendre en compte la ville province de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo et siège des institutions politiques et surtout de mesures et décisions des juges du tribunal pour enfant de KINKOLE. V. METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE Du grec ancien methos, le mot méthode signifie la poursuite ou la recherche d'une voie12(*). Et il y a bon nombre d'auteurs qui ont défini le concept méthode, en tirant chacun le drap de son côté. Selon WENU BECKER, la méthode est un outil indispensable à l'aboutissement heureux et fiable de toute recherche. Pout notre travail, nous tiendrons compte de la définition donnée par PINTO et GRAWITZ conçue en ces termes : "La méthode est l'ensemble d'opérations intellectuelles pour lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les démontrer et les vérifier."13(*) Dans le cadre de ce travail, nous avons utilisé trois méthodes : la méthodejuridiquedans son approche exégétique, la méthode historiqueetla méthodesociologique. LaMéthode juridiqued'abord, dansune approche exégétique, elleconsiste essentiellement en l'interprétation, à recueillir et interpréter des textes juridiques, en vue d'en découvrir le sens et la portée. En effet, l'exégète consiste à préciser le sens que le législateur a voulu attribuer au texte. Si le texte semble obscur ou incomplet, l'interprète trouvera son sens en recherchant quelle a été la volonté du législateur, si son attention avait été attirée sur le point qui fait difficulté. Ces textes juridiques étant écrits, la démarche juridique est mobilisée par la technique documentaire qui permet de recueillir des informations dans les sources documentaires du Droit14(*). Cette méthode nous a permis d'interpréter les dispositions de la loi en les confrontant avec la réalité sur terrain. LaMéthode historique, ensuite, quiselon Montesquieu15(*), il faut « éclairer les lois par l'histoire et l'histoire par des lois »16(*). En effet, « pour comprendre une règle de droit, il est nécessaire de savoir comment elle est née »17(*). La méthode historique, plus précisément le dialecte historique, permet de saisir la réalité des dispositions légales en saisissant les textes de loi dans ses sources historiques. Ainsi, cette méthodenous a aidésà palper du doigt la réalité historique des dispositions légales de textes de lois internationaux et nationaux. LaMéthode sociologique, enfin,Proposé par le doyen Gény en réaction par rapport à la méthode exégétique appliquée aux textes du code civil français, déjà anciens. Cette méthode part du constat que les autres méthodes rationnelles ont leurs limites : à partir d'un point, il faut reconnaitre qu'il n'y a plus de loi, le législateur n'ayant pas résolu le problème. Rien ne sert alors de solliciter les textes. On passe alors de l'interprétation à la libre recherche scientifique. Ainsi donc, la méthode sociologique ou la libre recherche scientifique nous a aidés à recueillir les diverses données dans la société et surtout interpréter et étudier les faits sociaux et enfin cette méthode nous a permis de tester la portée de l'hypothèse de notre étude. La technique est un instrument ou un outil mis au service de la méthode en vue de mieux la saisir ou de mieux l'appréhender pour la rendre plus intelligible. Elle intervient dans la collecte des informations (chiffrées ou non) qui devront plus tard être soumises à l'interprétation et à l'explication grâce aux méthodes. Ainsi, pour mener à bon port cette étude, nous avons mobilisé la technique d'entretien semi-directif18(*), la technique documentaireetutilisation des donnéesstatistiques. D'abord, l'Entretien, elle a servi comme technique de recueil des données se fonde sur la production d'une parole sociale qui n'est pas simplement description et reproduction de ce qui est, mais aussi une communication sur le devoirs-être des choses et moyen d'échange entre individus. Il se spécifie par la production d'un discours in situ. Ce qui explique en quoi elle est une situation sociale de rencontre et d'échange et non pas de simple prélèvement d'informations19(*). Cette technique nous a servi d'avoir des éléments précis pour la réalisation de notre recherche. Pour ce qu'il est dela technique documentaire, ils'agit de la consultation des textes, documents, films, journaux, ou tout cequi d'une façon ou d'une autre constitue un support permettant de rendre compte d'un phénomène social20(*).Cette technique nous a permis de consulter les documents de la greffe liés aux manquements commis par les enfants en conflits avec la loi. Enfin, l'Utilisation des données statistiquesa servi pour lesdonnées statistiques comprennent souvent des matériaux très intéressants, mais à l'état brut. Une observation plus approfondie permet de calculer des chiffres plus fouillés, de faire des rapprochements, de dégager une évolution21(*). Dans le cadre de notre travail, cette technique nous a permis à calculer, dévaluer et surtout de constater l'aspect quantitatif et l'étude de cas de manquements commis par les enfants en situation de délinquance au cours de ces deux dernières années. Un travail scientifique doit être bien structuré afin de permettre aux lecteurs de mieux saisir l'agencement des idées et la quintessence de son contenu. Hormis l'introduction et la conclusion, ce travail comprend deux chapitres : Le premier chapitre analyse le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant : paradigme de la protection de l'enfant ; Le deuxième chapitre, analyse la mise en oeuvre du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant dans les décisions prises par le juge du tribunal pour enfants de Kinkoleà l'égard des enfants en conflits avec la loi. * 2 J. IDZUMBUIR ASSOP, La justice pour mineurs au Zaïre : réalités et perspectives, Kinshasa, EUA, 1994, p.7. * 3 I. MVAKA NGUMBU, Cours de Criminologie Clinique, Faculté de Droit, UNIKIN, 2011-2021. * 4 KASONGO MUINDINGE, Cours de Criminologie générale, Faculté de Droit, UNIKIN, 2009-2010, inédit. * 5 J. IDZUMBUIR ASSOP, op.cit.,p.7. * 6 Déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959 (Déclaration de New-York) Principe 2. * 7Idem., principe 7. * 8 Exposé des motifs de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant. * 9KASONGO MUIDINGE, Cours de psychologie judiciaire, op.cit., p.6. * 10 VWAKYANA KAZI, Les sciences sociales, Kinshasa, PUC, 2011, p.11. * 11 E. MWANZO IDIN'AMINYE, Cours de méthodologie juridique, Kinshasa, PUC, 2018, p.28. * 12 E. MWANZO IDIN'AMINYE, op.cit.,p.35. * 13 PINTO et GRAWITZ, Les sciences sociales, Paris, PUC, 2012, p. 15. * 14 R. KIENGE-KIENGE INTUDI, Cours de droit de protection de l'enfant, UNIKIN 2018-2019, p.37. * 15 J. MONTESQIEU, L'Esprit des lois, Genève, Barillot et fils, 1748, livre XXX, 1. * 16Idem. * 17 J. MAZEAUD et M. DE JUGLARD, Leçons de droit civil, Paris, Mont-chrétien, 1981,p.35. * 18 L. VAN CAMPENHOUDT, R. QUINY, Manuel de recherche en Sciences sociales, Paris, Dunod, 2011, p. 38. * 19L.VAN CAMPENHOUDT, R. QUINY, op.cit., p.38. * 20 E. MWANZO IDIN' AMINYE, Cours de méthodologie juridique, op.cit., p.76. * 21Idem. |
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