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La protection judiciaire de l'enfant en conflit avec la loi: cas de coups et blessures volontaires et de vol


par Herman NSIALA FUMULONDO
Université de Kinshasa - Licence 2021
  

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Extinction Rebellion

2. b. Les discussions sur le principe d'intérêt supérieur de l'enfant

En consacrant l'intérêt supérieur de l'enfant comme outil juridique, la CIDE tend à modifier l'équilibre entre les droits de personnes au sein de la cellule familiale dans les Etats signataires. L'idéal qui a amené les Nations unies à établir la CIDE en 1990, en réponse aux situations dramatiques d'abandon ou de délaissement d'enfants constatées dans le monde n'est le plus souvent pas remis en cause, mais des inquiétudes ont été soulevées concernant la consécration d'une idéologie excessivement individualisant de l'enfant, supprimant la notion de minorité et celle d'autorité parentale, faisant des parents ou responsables de l'enfant de simples spectateurs, des éducateurs facultatifs à égalité de droits et de devoirs avec l'enfant, et dont la fonction serait subordonnée à l'intérêt de ce dernier. Sont dénoncés, en l'absence de définition stricte, le risque d'effacement parental et abus d'autorité de la part des autorités judiciaires et administratives99(*), notamment au travers de l'article 9 de la convention :

« Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant... »100(*).

Dès avant la CIDE, des juristes et des enseignants en droit ont souligné le risque d'insécurité juridique lié à l'usage de concepts trop larges et sans définition comme l'intérêt de l'enfant :« C'est la notion magique. Rien de plus fuyant, de plus propre à favoriser l'arbitraire judiciaire. Il est des philosophes pour opiner que l'intérêt n'est pas objectivement saisissable et il faudrait que le juge décide de l'intérêt d'autrui ! L'enfance est noble, plastique, et n'a du reste de signification que comme préparation à l'âge adulte : de ce qui lèvera dans l'homme, quelle pseudoscience autoriserait le juge de prophétiser101(*) ».

« L'intérêt de l'enfant est parfois un moyen commode pour le juge de se dispenser d'appliquer la règle de droit, en toute bonne foi d'ailleurs, et nous avons essayé de démontrer combien l'intérêt de l'enfant devait être pris comme critère seulement lorsqu'il n'y a pas de règle applicable : il nous parait que l'intérêt de l'enfant est d'abord de bénéficier de la règle de droit, lorsqu'il y en a une102(*) ».

C'est ainsi que, Claire Neirinck, professeur de droit à Toulouse, a plus récemment souligné le risque de disqualification parentale dans la loi de 2007 introduisant l'intérêt supérieur de l'enfant dans le code civil français103(*)104(*) ; plusieurs lois introduites à la même époque proposent des mesures d'encadrement des parents sous peine de sanctions105(*) : stages parentaux106(*), contrats de responsabilité parentale, mesures d'accompagnement parental.

Il faudra avouer que bon nombre des avocats formulent également leur réticence face à la notion d'intérêt supérieur de l'enfant, considérée par exemple comme «  d'autant plus pernicieuse qu'elle s'auto-justifie presque naturellement par le souci généreux et louable de faire le bien de l'enfant, sans qu'on sache vraiment ce qu'il recouvre107(*) ». Pour l'avocat Pierre Verdier, « chaque fois que le code invoque l'intérêt de l'enfant, c'est pour le priver d'un droit108(*) ».

Pour T. Dumortier, juriste au centre de recherches et d'études sur les droits fondamentaux (CREDOF), les normes juridiques écrites ou jurisprudentielles utilisées par les acteurs du droit dans l'appréciation de l'intérêt de l'enfant sont susceptibles d'entrer en conflit les unes avec les autres, générant un risque de décisions contradictoires lorsque les juridictions sont saisies ; comme pour toutes les notions juridiques indéfinies, le sort de l'individu ou des individus concernés (ici l'enfant et son entourage familial) est donc très largement remis à la subjectivité du magistrat, et par conséquent des experts sur lesquels il s'appuie le plus souvent en matière familiale. Or « le champ académique consacré à la psychologie de l'enfant et du développement est traversé par des oppositions doctrinales, des thèses parois opposées sur l'intérêt de l'enfant109(*) ».

C'est pourquoi, en décembre 2014 s'est tenue à Bruxelles une conférence internationale sur l'intérêt supérieur de l'enfant, organisée par la présidence belge du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe dans le cadre du 25e anniversaire de la CIDE110(*). Cette réunion visait en particulier à « dresser le bilan de la compréhension et de l'application de l'intérêt supérieur de l'enfant dans le contexte international et les différents contextes nationaux ». les rapports issus de cette conférence font état de tensions importantes entre les sources contradictoires utilisées pour l'interprétation du principe d'intérêt supérieur de l'enfant dans les situations individuelles, et de conflits entre l'intérêt de l'enfant et ceux des autres parties à la procédure, avec usage fréquemment abusif de «  l'intérêt de l'enfant » par une partie pour servir ses propres intérêts au détriment d'une autre partie, par exemple de la part de l'Etat ou d'une administration de protection de l'enfance afin d'écarter un parent ou les deux111(*).

* 99 J. GOLSTEIN, A. FREUD, A. SOLNIT, Dans l'intérêt de l'enfant et avant d'invoquer l'intérêt de l'enfant, Massachusetts, Laurent, Séailles, édition ESF, 1983, p.4. et P. VERDIER, Pour en finir avec l'intérêt de l'enfant, Paris, JDJ-RAJS n°280, décembre 2008, p.35.

* 100 Article 9 de la convention internationale aux droits de l'enfant de 1959.

* 101 J. CARBONNIER, Droit civil, la famille, l'enfant, le couple, Paris, 21e éd., tome 2, PUF, 2002, p.85.Cité par Pierre VERDIER, « Pour en finir avec l'intérêt del'enfant », Paris, JDJ-RAJS n°280, décembre 2008.p.36.

* 102 J. RUBELLIN-DEVICHI, Pour en finir avec l'intérêt de l'enfant, Revue Française des affaires sociales, Université de Lyon, faculté de droit, n°4, octobre/décembre 1994, p.163.

* 103 C. NEIRINCK, « L'enfant, être vulnérable », Sirey, Dalloz, inRevue de droit sanitaire et social(RDSS) n°1, janvier/février 2007, p.5.

* 104 C. SELLENET, La parentalité décryptée, pertinence et dérive d'un concept, Paris, L'Harmattan, 2007, p.17.

* 105 P.VERDIER, op.cit., p.37.

* 106 Circulaire française du 13 décembre 2002 de la direction des affaires criminelles et des grâces.

* 107 P. BENECH'H-LEROUX, « Les rôles de l'avocat au tribunal pour enfants », inDéviance et Sociétés, Paris, juin 2006, volume 304, p.155.

* 108 P. VERDIER, op.cit., p.38.

* 109 T. DUMORTIER, « L'intérêt de l'enfant, les ambivalences d'une notion « protectrice » », inLa revuedes Droits de l'Homme, n°03, Paris, 2013, p.9.

* 110 Disponible sur http://www: Conférence européenne sur l'intérêt supérieur de l'enfant : dialogue entre théorie et pratique, consulté le 20 mai 2022 à 16h40min.

* 111 K. VLIEGHE et alii, « Children's best interest : betweentheory and practice », Rapport du KenniscentrumKinderrechten, inConférence internationale sur l'intérêt supérieur de l'enfant, Bruxelles, 9-10, 12, 2014, p.18-21.

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