A- Les exigences éthiques dans la pratique de la
médecine.
Il est interdit au médecin d'accorder toute
facilité à quiconque se livre à l'exercice illégal
de la médecine. Cette disposition de l'article 14 du Code de
déontologie médicale du Cameroun rappelle le principe selon
lequel la médecine est une profession qui obéit au respect des
règles édictées par la loi, et l'inobservation de ces
règles expose celui qui y contrevient à
135 La sanction disciplinaire vise la punition
résultant de l'inobservation de dispositions éthiques et
déontologiques, tandis que la sanction pénale recherche la
préservation, la réparation de l'acte du médecin ayant
préjudicié à son patient et faisant donc de celui-ci un
danger pour la société.
des poursuites judiciaires. La médecine, comme
nous l'avons vu plus haut, est constituée d'une multitude de
spécialités. Il existe des médecins
généralistes et des médecins spécialistes. C'est la
raison pour laquelle, parce que chaque praticien a une sphère de
compétence qui est la sienne, il ne saurait intervenir sur des questions
techniques qui ne ressortissent pas de son champ de
compétence.
Ainsi en est-il du jugement No 223/CRIM
rendu par le Tribunal de Grande Instance (TGI) du Wouri, affaire NDEUMENI
NOUBEVAN Charles Dechateau du 23 Décembre 2004. Dans cette
espèce, le sieur NDEUMENI, chirurgien dentiste de son état, s'est
engagé à opérer l'un de ses patients qui souffrait
d'hémorroïdes. L'issue de l'opération s'est
révélée tragique dans la mesure où, n'étant
pas habilité à effectuer une telle intervention, il a gravement
mutilé les organes de base du patient qui a dû par la suite faire
recours à des sondes pour pouvoir excréter.
Dans cette espèce, les parties demanderesses
à savoir : l'Ordre National des Médecins du Cameroun (O.N.M.C.)
et, le sieur NKOUAMO Charles séraphin, se sont constituées partie
civile. L'un des griefs reprochés par l'O.N.M.C. au sieur NDEUMENI est
<< l'atteinte de l'image de la profession du médecin
». Ce dernier contrevenait à l'article 18 du Code de
déontologie médicale qui dispose que : << Sont
interdites toutes supercheries propres à déconsidérer la
profession, en particulier toutes les pratiques de charlatanisme
».
En outre, le médecin dans l'exercice de son
art, peut délivrer des certificats, attestations ou documents dans les
formes règlementaires. La délivrance d'un rapport tendancieux et
d'un certificat de complaisance constitue une faute grave136. Cette
pratique, qui est condamnable sur le plan éthique, l'est
également sur le plan pénal car, le Code pénal dans son
article 259, intitulé << Faux certificat
médical », il est énoncé en
l'alinéa 1 que : << est puni (...) le médecin,
(...), qui pour favoriser ou nuire à quelqu'un, certifie faussement ou
dissimule l'existence d'une maladie ou infirmité ou certifie faussement
l'existence ou le résultat d'une vaccination ou fournit des indications
mensongères sur l'origine d'une maladie, la durée d'une
incapacité ou la cause d'un décès
».
Au Cameroun, dans les centres hospitaliers,
très souvent, les certificats sont établis avec
légèreté, au mépris des dispositions
légales. Plusieurs plaintes sont déposées à l'aide
des certificats médicaux complaisants qui lorsqu'ils sont
découverts entraînent généralement la
rétractation des parties poursuivantes. Dans le cadre, des certificats
médicaux permettent également d'attribuer des <<
jours d'incapacité » injustifiés
cela avec la complicité de certains
136 Cf. article 21 Code de déontologie
médical.
personnels hospitaliers. Il apparaît donc que
dans bien des cas, la délivrance de certificat médical, qui
devrait servir à la découverte de la vérité, est
plutôt utilisée dans un but de fabrication de preuve. D'où
la question sur le fondement même de l'établissement des
règles éthiques. Il ressort que, si le Code de déontologie
est un code de conduite, le but qu'il recherche est la garantie des droits du
patient qui passe par une bonne administration des soins.
B- Le fondement de l'établissement des
règles éthiques et déontologiques : le renforcement des
droits du patient.
Le Code de déontologie est un code de conduite
qui accompagne le médecin dans l'exercice de son art. Dans son contenu,
nous prenons connaissance des comportements que doivent adopter les
médecins avec pour souci premier << le respect de la
vie », et les précautions dont ils sont tenus de
s'entourer pour une meilleure prise en charge du patient. Les règles
éthiques et déontologiques gagneraient à être
connues du médecin et du patient, car y sont contenues pour le patient,
dans le cadre de ses relations avec le médecin, des garanties telles :
le libre choix du médecin par le malade, la liberté de
prescription par le médecin et le règlement des honoraires par le
malade137.
Dans la pratique de la médecine, le patient,
qui est un profane, devrait être tenu informé des droits qui sont
les siens, tout comme des obligations auxquelles il est tenu. Malheureusement
au Cameroun, le manque criard du personnel médical ne contribue pas
à améliorer cet état des choses138.
En effet, les indicateurs de performances actuellement
disponibles montrent que notre système de santé est <<
malade » et devrait être remis en
état pour mieux répondre aux besoins de santé publique du
pays. On constate par exemple que 15°/° seulement des camerounais ont
accès aux soins.
S'agissant de l'offre de soins, elle représente
de très grandes insuffisances dans toutes ses composantes, à
savoir : les ressources humaines, les infrastructures et les
équipements. Le déficit de personnel de santé est une
réalité tant sur le plan qualitatif que quantitatif ; on compte
un médecin pour 10 000 habitants et un infirmier pour environ 2200
habitants139.
137 Art. 5, Code de déontologie médicale du
Cameroun.
138 STRATEGIE SECTORIELLE DE SANTE 2001-2010
du Ministère de la Santé Publique de la République du
Cameroun, op.cit., p.3 et suiv.
139 Ibid p.3
Le patrimoine d'infrastructures et
d'équipements a connu d'importantes dégradations pendant que les
nouveaux investissements ont été limités du fait de la
récession économique ; la gestion et le développement de
toutes ces ressources s'effectue sans aucune référence
normative.
Ces lacunes devraient-elles justifier le «
mystère » que constitue pour le profane
le corps médical au Cameroun ? En effet, l'absence criarde de personnel
et d'infrastructures n'est pas propice à l'exercice de la
médecine dans de bonnes conditions, tant pour le professionnel, que pour
le patient. Il n'en demeure pas moins que, le patient est lié à
son médecin en vertu d'un lien contractuel et, en se
référant aux règles du droit des obligations, les parties
à un contrat sont tenues d'être informées de leurs droits
et de leurs obligations réciproques. Par conséquent, tout patient
devrait être informé de ses droits lorsqu'il se rend dans un
établissement hospitalier, ainsi que de ses obligations et ceux du
médecin. Cette tâche devrait revenir concurremment aux pouvoirs
publics et aux établissements hospitaliers.
En définitive, nous pouvons dire que, au vu de
la complexité des aspects dont elle fait l'objet, le médecin dans
l'exercice de son art peut être sous le coup de plusieurs infractions.
Ces infractions, qui peuvent avoir un caractère volontaire (le meurtre)
ou involontaire, sont susceptibles de porter atteinte à
l'intégrité physique, et même à l'honneur du
patient, tout comme aux principes éthiques et déontologiques.
Certes, les atteintes à l'intégrité physique ne sont pas
seulement applicables aux médecins, d'où leur aspect
général développé dans le Code pénal. Seuls
sont spécifiques au corps médical les errements allant contre
l'éthique et la déontologie. Le constat est clair : Le
médecin est un citoyen comme les autres, bien que, lorsqu'il recherche
la santé du patient, ses actes soient couverts par l'article 286 du code
pénal. Cette disposition ne le met pas à l'abri des poursuites
judiciaires lorsque son action est motivée par l'intention de nuire, ou
lorsque son abstention a entraîné des conséquences
dommageables pour le patient. Le médecin est tenu d'une obligation de
moyens et non de résultat. En vertu de cette obligation, il doit
justifier qu'il a mis tout son savoir-faire en prodiguant des soins attentifs
et consciencieux, et conformes aux données acquises de la science pour
apporter la santé à son patient sans toutefois la
garantir.
Tout acte médical n'ayant pas satisfait à
ces exigences peut entraîner la mise en oeuvre de la
responsabilité du praticien.


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