Paragraphe II : Les réalités d'ordre
juridique.
La mise en oeuvre de la responsabilité
pénale du médecin connaît également des
difficultés d'ordre juridique. Cela pourrait être dû
à l'absence d'un encadrement strict de la profession médicale au
Cameroun (A). On relève toutefois une avancée significative avec
la promulgation d'une loi relative à l'assistance judiciaire
(B).
A- L'absence d'un encadrement strict de la profession
médicale au Cameroun.
L'existence des dispositions légales et
règlementaires qui encadrent la profession médicale au Cameroun
ne suffit pas à faire de ce métier une référence.
En effet, certains actes répréhensibles posés par le
professionnel sont rarement condamnés. En outre, le caractère
épars des textes qui encadrent la profession du médecin
témoigne du manque de rigueur de la part du législateur
camerounais dans le contrôle de la profession
médicale.
148 Ibid.
149 Ibid.
150 Ibid.
151 Les Fables de La Fontaine, extrait de la fable
<< Les animaux malades de la peste >>.
Tout d'abord en ce qui concerne la répression
des certains actes condamnables posés par le médecin, on note
l'existence d'une certaine tolérance. Il en est ainsi par exemple des
actes tels que la délivrance des certificats médicaux et la
violation du secret professionnel. La délivrance de faux certificats
médicaux bien que régie par le Code pénal en son article
259 est foulée au pied au quotidien dans les hôpitaux et autres
centres hospitaliers. Chacun peut se prévaloir de se fabriquer un
certificat médical « sur mesure »
selon les nécessités, et souvent pour des besoins juridiques
(plaintes, constitution de partie civile). Nous nous demandons si les
autorités qui délivrent de tels actes sont conscientes de la
gravité de leurs actions ou alors, profitent-elles tout simplement d'un
encadrement poreux de leur profession pour pouvoir à loisir transgresser
les règles qui la fondent ? Il en est de même de la divulgation du
secret médical. L'article 310 du Code pénal lie certes les
praticiens au secret professionnel. Au quotidien, il n'est pas rare de
constater des errements dans ce domaine. TJOUEN estime à ce propos que
« dans les pays en voie de développement (...) la
légèreté, la persistance et la montée des
indiscrétions et négligences de certains médecins sont
indescriptibles >>152. C'est dans cette logique
que, « après avoir découvert que son patient
est atteint d'une tumeur maligne du foie et que ce dernier est condamné
à mourir, un médecin d'un hôpital privé au Cameroun
a en 1992, révélé le secret à son entourage qui,
à son tour l'a porté à la connaissance du malade. La mort
s'en est précipitamment suivie
>>153. Ces situations illustrent
à loisir l'existence d'un certain «
laisser-aller » chez
les médecins. Le caractère épars des textes qui
régissent la profession ne joue pas en faveur de l'amélioration
de cette situation.
En parcourant la législation de certains pays
occidentaux, on se rend à l'évidence que la
légèreté n'est pas admise dans l'encadrement des
professions médicales en général, et dans celles des
médecins en particulier. Ils ont mis sur pied des instruments qui
permettent de recenser l'essentiel des textes qui mettent en lumière la
profession du médecin. Il en est ainsi du Code de la santé
publique en France. Au Cameroun, c'est avec beaucoup de peine qu'on peut
rassembler tous les textes relatifs à la profession du médecin.
Le praticien qui est le premier concerné en ignore
l'essentiel154. Le législateur camerounais tout comme les
autorités judiciaires devraient chacun en ce qui le concerne revoir ce
volet du droit national dans sa conception pour le législateur, et dans
son application pour les autorités judiciaires.
152 TJOUEN, op.cit., p.72.
153 Ibid.
154 Dans le cadre de nos recherches, la plupart des
médecins rencontrés reconnaissent l'existence des textes
règlementant leur profession, mais plusieurs avouent ne les avoir jamais
parcourus. Il a fallu se rapprocher du siège de l'ONMC pour rencontrer
des médecins éclairés en la matière. Mais combien
sont-ils ?
Dans un contexte marqué par la
précarité et la pauvreté, le législateur, garant de
la protection des droits et libertés des citoyens n'est pas resté
inactif. Il a mis sur pied une institution dont la mission est d'assister le
justiciable dans le monde complexe et onéreux qu'est celui de la
justice. Il s'agit de l'assistance judiciaire.
B- L'assistance judiciaire : une avancée
significative dans la résolution des difficultés d'ordre
économique et juridique.
Régie au Cameroun par la loi No 2009
/ 004 du 14 Avril 2009 portant organisation de l'Assistance Judiciaire,
l'assistance judiciaire est une institution créée pour aider le
citoyen pauvre à accéder à la justice. Elle a pour but
d'assurer la gratuité totale ou partielle à ceux dont la
pauvreté ou le manque de ressources ne permet pas de faire face aux
dépenses exigées pour une procédure. L'assistance
judiciaire est une institution pour le justiciable indigent (1) et
s'avère être un gage d'égal accès à la
justice (2).
1- L'assistance judiciaire : Une institution pour le
justiciable indigent.
« La gratuité de la justice
ne signifie pas que les justiciables n'ont aucun frais à payer. Il
était dès lors à craindre qu'au mépris de
l'égalité de tous devant la justice, et la gratuité
affirmée de celle-ci, que les indigents fussent en fait dans
l'impossibilité de faire valoir leurs droits en justice, tant en demande
qu'en défense »155. C'est dans cette
optique que le législateur a mis sur pied l'assistance judiciaire. Elle
est, soit prévue de plein droit par des dispositions légales
spéciales en raison de la nature du litige, soit accordée sur
demande, dans les conditions prévues par la loi. L'assistance judiciaire
permet à la personne qui en bénéficie d'obtenir, soit une
décision de justice, soit l'exécution de celle-ci avec dispense
de l'avance de tout ou partie des frais qu'elle devrait normalement supporter.
Aussi, l'assistance judiciaire concerne tous les frais afférents
à l'instance, procédures ou actes pour lesquels elle a
été accordée : ces frais sont avancés par l'Etat.
Elle est dite totale lorsque la décision ne limite ni les actes ni les
phases de la procédure, et partielle si la décision qui l'accorde
indique qu'elle ne porte que sur certains actes ou certaines phases
spécifiées de la procédure. La loi du 14 avril 2009 fixe
les conditions de fond et de forme d'admission au bénéfice de
cette institution.
S'agissant des conditions de fond, il faut :
155 SOLUS et PERROT cités par SOCKENG, op.cit.,
p.23.
- D'abord faire partie d'une catégorie
donnée de personne (indigents, les hommes de rang, les personnes
assujetties au tarif du taux A de l'impôt libératoire,... les
personnes qui ne peuvent supporter les frais du procès à cause de
leurs ressources initialement réputées insuffisantes, le conjoint
en charge d'enfants mineurs en instance de divorce qui ne dispose d'aucun
revenu propre) ;
- ensuite faire valoir un droit déterminé,
c'est-à-dire avoir une action à porter devant une juridiction ou
un jugement à exécuter ;
- enfin justifier d'une insuffisance de ressources ;
pour apprécier l'insuffisance des ressources, il est tenu compte des
éléments extérieurs du train de vie, de l'existence des
biens meubles ou immeubles, qu'ils soient ou non productifs de revenus,
à l'exclusion toutefois de ceux qui ne pourraient être vendus ou
donnés en gage sans qu'il n'en résulte un
déséquilibre de la situation économique du
propriétaire. Les ressources du conjoint du demandeur et de celles des
personnes vivant habituellement à son foyer sont également prises
en considération.
S'agissant des conditions de forme, le sollicitant
doit faire une demande écrite ou orale au secrétaire de la
commission d'assistance judiciaire compétente avec toutes les
pièces justificatives d'indigence (un extrait du rôle pour ses
impositions ou un certificat de non-imposition ou encore un certificat du chef
de la circonscription administrative précisant, le cas
échéant, si elle est soumise à l'impôt
libératoire ; un certificat d'indigence délivré par le
Maire, après une enquête du service social
compétent).
A l'issue de l'examen de la commission d'assistance
judiciaire, le requérant peut être
admis au bénéfice de l'assistance
judiciaire. Cela concourt à garantir un égal accès
à la justice.
2- L'assistance judiciaire : un gage d'égal
accès à la justice.
L'admission au bénéfice de l'assistance
judiciaire dispense en principe partiellement ou totalement l'assisté
des frais de justice et l'assure de l'assistance gratuite des auxiliaires de
justice. L'assisté est dispensé des frais de justice
156(droit de timbre, d'enregistrement et de greffe ainsi que de
toute consignation), sauf la taxe prévue en cas de pourvoi qui peut lui
être exigée. De même, l'assisté est pourvu
gratuitement aux auxiliaires de justice. L'article 32, alinéa 2 de la
loi du 14 avril dispose que : « la dispense concerne
également le paiement total ou partiel des sommes dues aux avocats,
greffiers, huissiers, notaires et commissaires priseurs pour droit,
émoluments et honoraires ».
156 Art. 32 de la loi No 2009/004 du 15 Avril
2009 portant Organisation de l'Assistance Judiciaire.
Toutefois, une partie du coût de la justice est
prise en charge par le justiciable qui sollicite l'assistance judiciaire (droit
de timbre, d'enregistrement, de greffe et frais de procédure).
L'avènement de la nouvelle loi sur l'assistance judiciaire est porteur
d'espoirs pour les justiciables camerounais. Venue abroger le décret
No 76/521 du 09 Novembre 1976 lacunaire, la loi du 14 Avril
érige des commissions d'assistance judiciaire dans toutes les
juridictions de droit commun, d'où les énormes défis
auxquels elle sera confrontée. En effet il faudra s'assurer que les
mesures d'assistance judiciaire profitent effectivement aux personnes
visées et prémunir lesdites commissions et toutes les
institutions qui y sont rattachées de tout phénomène de
corruption qui annihilerait le souci du législateur d'assurer une
justice équitable pour tous.
La pluralité d'obstacles propres à
l'environnement camerounais à elle seule ne permet pas de comprendre les
difficultés de la mise en oeuvre de la responsabilité
pénale du médecin. Les difficultés relatives à
l'établissement de la preuve sont celles que nous pouvons
considérer comme « le ventre mou »
de la mise en oeuvre de cette responsabilité.
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