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La responsabilité pénale du médecin traitant dans le système pénal camerounais

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par René Serges Maran ASSOUMOU René Serges Maran
Université de Douala- Cameroun - DEA 2006
  

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SECTION II : LES DIFFICULTES LIEES A L'ETABLISSEMENT DE LA

PREUVE

Le corps médical est tenu au secret professionnel et se doit de ce fait de protéger ses patients. Il le fait non seulement par le truchement du secret médical, mais aussi par le biais du dossier médical qui est une des manifestations du secret médical. Le dossier médical permet à l'établissement hospitalier de protéger et de conserver les informations qui concernent leurs patients. De ce fait, s'il est indéniable que l'accès au dossier médical relève d'un véritable parcours du combattant (paragraphe I), force est de rappeler qu'un revirement jurisprudentiel a en 1997 renversé la charge de la preuve en matière médicale (paragraphe II).

Paragraphe I : Les difficultés d'accès au dossier médical.

De par l'extrême complexité que révèle la profession de médecin, ces professionnels sont tenus d'encadrer, mieux de protéger les informations mises à leur disposition à l'aide des dossiers médicaux. C'est la raison pour laquelle leur accès est interdit au public, et que même lors des perquisitions, on veille à leur inviolabilité. L'inviolabilité dont bénéficie le dossier médical a pour principal but la protection des informations intimes concernant le patient.

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Toutefois, dans un souci de clarté quant aux causes d'une incommodité dont la raison pourrait être médicale, le caractère secret du dossier médical le rend difficile d'accès (A). Cet obstacle est généralement considéré comme la manifestation de l'esprit de corps qui existe entre les médecins surtout quand on sait qu'en matière pénale, le principe « actori incumbit probatio » prévaut (B).

A- Le caractère secret du dossier médical.

Contenant l'ensemble des informations ayant trait au patient, notamment les pathologies dont il souffre, et au suivi auquel il est soumis, le dossier médical apparaît comme un élément qui garantit non seulement de la confidentialité des informations relatives au patient, mais aussi des traitements qui lui sont administrés. Si la cause principale de l'établissement du dossier médical est la protection de l'intimité du patient, il en résulte que le public n'y a pas accès.

Le dossier médical contient toutes les phases de la thérapie du patient et toutes les informations y afférentes. Il en résulte que sa connaissance relève du domaine exclusif du médecin traitant et de son malade. Il peut toutefois arriver que dans le souci de soumettre un cas complexe de maladie à ses collègues, le médecin traitant puisse communiquer des informations concernant son patient. Ces informations qui sont soumises aux collègues imposent à ceux-ci de les taire sous le couvert du secret médical, à ne divulguer sous aucun prétexte. Bien que n'étant pas les médecins traitant du malade, cette exigence professionnelle s'impose à eux.

S'il ressort que le dossier médical est un gage de la protection de l'intimité du patient, quel effet produit-il ?

La conséquence immédiate de la protection de l'intimité du patient par la mise sur pied du dossier médical est son accès limité au public.

En effet, le dossier médical échappe à la connaissance du public. Les tiers n'y ont accès que dans des conditions bien précises. En matière d'accessibilité au dossier médical, on entend par tiers, « toutes les autres personnes en dehors du patient et du client ... à l'égard de qui le médecin n'est pas lié »157. Ces personnes peuvent avoir un intérêt à entrer en possession des informations contenues dans le dossier médical. Il s'agit en l'occurrence des membres de la famille, des héritiers, des ayants droits qui en vertu de l'intérêt que revêt pour eux l'accession au dossier médical de leur parent, peuvent être autorisés à y avoir accès.

157 TJOUEN, op.cit., p. 71.

Toutefois, cette accession ne doit pas avoir pour but de divulguer des informations qui pourraient entacher l'image du patient, même après sa mort au sein de la société.

Il en résulte dès lors que, outre les raisons de justice (la manifestation de la vérité) dans un procès, ou bien en cas de nécessité pour les ayants droits de se voir accorder un privilège, le dossier médical est protégé. Cette protection se manifeste également au moment de la perquisition dans les établissements hospitaliers et autres cabinets médicaux qui ne doivent se faire qu'en présence des membres de l'Ordre158.

Le problème de l'accessibilité au dossier médical ne serait qu'imparfaitement appréhendé si en plus des raisons visant à protéger le patient, on ne faisait pas état de l'esprit de corps qui prévaut entre les médecins et surtout des dispositions légales en matière de la charge de la preuve.

B- L'esprit de corps et la règle de principe « actori incumbit probatio » : des freins
supplémentaires dans l'établissement des preuves.

Il sera question d'examiner ici l'esprit de corps (1), avant de s'appesantir sur la charge de la preuve en matière pénale (2).

1- L'esprit de corps.

Dans leurs relations réciproques, les médecins sont tenus mutuellement à << un devoir de confraternité >>159 dont l'une des caractéristiques principales est la solidarité. Cette solidarité si elle est très poussée peut être un danger pour la manifestation de la vérité.

Dans le souci de maintenir l'harmonie entre confrères, le devoir de confraternité a été institué entre les médecins. Le devoir de confraternité pose les bases d'une collaboration entre professionnels du même corps en ce sens qu'ils << doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité >>, et qu' << ils se doivent assistance morale >>160.

C'est dans cette optique que les confrères peuvent se consulter mutuellement dans le but de se soumettre des cas cliniques afin de trouver des solutions idoines pour la guérison du patient. Le devoir de confraternité instaure la solidarité entre les médecins. Cette solidarité est

158 Il s'agit de l'Ordre National des Médecins du Cameroun (ONMC).

159 Titre IV du Code de déontologie des médecins du Cameroun.

160 Art. 42 Code de déontologie médicale du Cameroun.

bénéfique pour le patient. Toutefois, un usage autre que celui recherchant l'intérêt du patient peut se révéler comme un danger, notamment en ce qui concerne la manifestation de la vérité.

Le devoir de confraternité qui renforce la solidarité entre les médecins pourrait représenter un danger pour le patient. En effet, parce que le dossier médical appartient à l'établissement hospitalier et non au malade, les professionnels qui y ont accès pourraient le falsifier dans le but de protéger leur confrère. Bien qu'illégale, la raison d'être de cette pratique pourrait se trouver dans la préservation de l'image de marque de l'établissement hospitalier et même celui des médecins. Mais surtout, le souci d'éviter d'admettre la commission par le professionnel de son propre chef d'une infraction.

Les problèmes issus de la solidarité entre les praticiens influent sur la charge de la preuve.

2- les difficultés résultant de la règle de principe « actori incumbit probatio »

Dans le souci de protéger la partie poursuivie, le législateur a mis sur pied des mécanismes afin d'assurer la garantie des droits de la partie défenderesse. C'est la raison pour laquelle, à l'exception de l'instruction qui est de type inquisitoriale, la poursuite se caractérise par son aspect accusatoire. C'est en vertu de cette caractéristique que la charge de la preuve incombe à la partie qui accuse. Ce principe bien que difficilement efficace en matière médicale (b) mérite d'être présenté (a).

a- L'économie du principe.

L'article 307 du Code de procédure pénale dispose que « la charge de la preuve incombe à la partie qui a mis en mouvement l'action publique ». Il ressort de cette disposition que c'est la partie qui accuse, la partie demanderesse en l'occurrence à qui il revient d'apporter les preuves qui accablent la partie défenderesse.

Ce principe vient renforcer la présomption d'innocence énoncée dans l'article 8 du Code de procédure pénale qui dispose en son alinéa 1er que « Toute personne suspectée d'avoir commis une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès oil toutes les garanties nécessaires à sa défense lui seront assurées ». L'alinéa 2 poursuit que « la présomption d'innocence s'applique au suspect, à l'inculpé, au prévenu et à l'accusé ». Il est donc évident qu'au regard de la protection faite

par le législateur au présumé auteur de l'infraction, l'établissement de la preuve s'avère difficile en matière médicale.

b- Les difficultés de son efficacité en matière médicale.

Au vu de la complexité qui la caractérise, la médecine pour le patient n'a qu'un but : lui procurer la guérison. Aussi, l'efficacité d'un traitement pour le profane s'apprécie par son résultat et non par les moyens utilisés pour y parvenir. Il en résulte que lorsque un patient vient à se plaindre, il lui est très difficile, voire impossible d'apporter la preuve de ses déclarations, sauf s'il a des connaissances en matière médicale. Prouver l'usage d'une substance nocive, d'un traitement inapproprié sans y être habilité a toujours été << le ventre mou » de la mise en oeuvre de la responsabilité du médecin.

En outre, le médecin a une obligation de moyens et non de résultat. Son traitement ne peut pas toujours garantir la guérison même s'il s'est entouré de toutes les précautions requises, à savoir l'attention, la conscience, la conformité aux données acquises de la science. La faute ne pourrait être relevée que s'il a méconnu l'une de ces exigences professionnelles.

Au vu des difficultés résultant de la règle de principe << actori incumbit probatio » en matière médicale, laquelle avait quasiment << immunisé » le médecin de toute poursuite pénale, il s'avérait impérieux de trouver une solution. Le juge, créateur subsidiaire de la loi a par une révolution jurisprudentielle redéfini l'établissement de la preuve en matière médicale.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo