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La responsabilité pénale du médecin traitant dans le système pénal camerounais

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par René Serges Maran ASSOUMOU René Serges Maran
Université de Douala- Cameroun - DEA 2006
  

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INTRODUCTION GENERALE

<< Le respect de la vie constitue en toute circonstance le devoir primordial du médecin ». C'est en ces termes que le Code de déontologie des médecins du Cameroun1 en son article 1er pose les jalons de la fonction des médecins. Le préambule de la loi fondamentale du Cameroun2 énonce d'une part que : << le peuple camerounais proclame que l'être humain, sans distinction de race, de religion, de sexe, de croyances, possède des droits

inaliénables et sacrés. » ; et d'autre part que : << Toute personne a droit à la vie et à l'intégritéphysique et morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas,

elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants... ».

La protection de la vie, de l'intégrité physique et morale, principe consacré par le législateur camerounais, est une obligation dont s'imprègne l'étudiant en médecine à l'entame de ses études. D'après ELONG NGONO, << l'enseignement du droit humain est florissant dans les écoles de médecine occidentales, ce qui participe de la recherche constante du bienêtre du malade »3. Il s'y engage lorsqu'il est habilité à exercer en vertu du Serment d'HIPPOCRATE4 dans le respect des textes légaux et réglementaires (Constitution, Code pénal, Code de procédure pénale, Code de déontologie). Dans l'exercice de son art, le médecin est tenu, vis-à-vis de son patient d'une obligation de moyens, c'est-à-dire qu'il <<... s'engage seulement à tout mettre en oeuvre pour obtenir la guérison du malade sans en garantir cette dernière »5 en donnant des soins attentifs et consciencieux conformes aux données acquises de la science ; et, non de résultat, sauf dans certains cas (à l'exemple de la chirurgie esthétique). C'est la raison pour laquelle la médecine ne saurait être confiée à des profanes ou à des charlatans.

1 Décret No 83-166 du 12 Avril 1983 portant Code de Déontologie des médecins du Cameroun.

2 Loi No 96-06 du 18 Janvier 1996 portant Révision de la Constitution du 2 Juin 1972.

3 ELONG NGONO (S), << Devoirs des médecins », in Cameroon Tribune du 27 Novembre 2007.

4 Hippocrate, célèbre médecin grec de l'Ecole de Cos, qui vécut au 5e siècle avant Jésus-Christ est la plus grande figure de la médecine moderne dont il en est considéré comme le père. Il définira les rapports entre le médecin, son patient et la collectivité, ainsi que les principes qui doivent régir l'exercice de la profession à travers le serment d'Hippocrate. Il instaure la confraternité entre médecins, l'égalité des hommes devant la maladie, la défense de la vie avant tout et le respect du secret médical.

C'est aujourd'hui le Serment que prêtent les étudiants en médecine lors de la soutenance de leur thèse.

5 Lexique des termes juridiques, 13e éd., Dalloz 2001, p.383.

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Au Cameroun, la profession de médecin est strictement règlementée. Les textes qui l'organisent sont la loi no 90-36 du 10 août 1990 relative à l'exercice et à l'organisation de la profession de médecin, et son décret d'application no 92-265-PM du 22 juillet 1992.

Le petit Larousse6 définit le médecin comme un professionnel qui donne des soins au cours d'une maladie, un titulaire d'un doctorat en médecine, ou encore une personne qui exerce la médecine. La loi du 10 août 1990 en son article 2, alinéa 1er énonce que : « Nul ne peut exercer la profession de médecin au Cameroun s'il n'est inscrit au tableau de l'Ordre ». L'alinéa 2 du même article énonce que : « Toutefois, peut exercer la profession de médecin, le praticien de nationalité étrangère remplissant les conditions supplémentaires suivantes :

-Etre ressortissant d'un pays ayant signé un accord de réciprocité avec le Cameroun.

-N'avoir pas été radié de l'Ordre de son pays d'origine ou dans tout autre pays où il aurait exercé auparavant.

-Etre recruté sur contrat ou en vertu d'un accord de coopération pour le compte exclusif de l'administration, d'un Ordre confessionnel ou d'une ONG (Organisation Non Gouvernementale) à but non lucratif.

- Servir pour le compte d'une entreprise privée agréée ».

La médecine comporte un certain nombre de spécialités. Elles sont aussi plurielles que les différentes branches de la science qui, chaque jour grâce aux progrès se diversifie. A titre d'exemple, nous pouvons citer les médecins généralistes, les chirurgiens, les anesthésistes, les chirurgiens dentistes, et des professionnels qui font de la chirurgie esthétique. Ces praticiens peuvent exercer chacun, soit pour le compte d'une personne morale de droit public (Etat), soit pour le compte d'une personne morale de droit privé (clinique privée), mais également pour le compte d'une ONG. Au vu des tâches qu'ils exercent et de l'employeur pour lequel ils travaillent, on distingue l'expert qui peut être mandaté soit par le juge, soit par une compagnie d'assurance (on parle de médecin-conseil d'assurance), le médecin du travail (qui a pour tâches principales les visites médicales d'embauche,les examens médicaux périodiques, les visites après une absence due à une maladie) et enfin le médecin traitant ( c'est celui qui prodigue des soins au cours d'une maladie). C'est sur cette dernière catégorie de médecin que portera notre travail.

6 Le petit Larousse illustré 2005.

Le médecin, dans l'exercice de son art est tenu au respect de la loi, de l'éthique et de la déontologie. Leur inobservation peut engager ses responsabilités civile, pénale, morale, administrative, et même déontologique. Etre responsable, c'est assumer les conséquences de ses actes mais, c'est d'abord agir en connaissance de cause. Bien que le médecin dans l'exercice de son art soit en proie à divers types de responsabilités, la responsabilité civile et la responsabilité pénale sont celles qui attirent plus d'attention.

La responsabilité civile est << l'obligation de réparer le préjudice résultant soit de l'inexécution d'un contrat (responsabilité contractuelle) soit de la violation du devoir général de ne causer aucun dommage à autrui par son fait personnel, du fait des choses dont on a la garde, ou du fait des personnes dont on répond (responsabilité du fait d'autrui) ; lorsque la responsabilité n'est pas contractuelle, elle est dite délictuelle ou quasi délictuelle >>7.

La responsabilité pénale quant à elle est << l'obligation de répondre de ses actes délictueux en subissant une sanction pénale dans les conditions et selon les formes prescrites par la loi >>8 . Est de ce fait pénalement responsable, << celui qui volontairement commet les faits constitutifs d'infraction avec l'intention que ces faits aient pour conséquence la réalisation de l'infraction >>9 .

Dans le cadre de ce travail, il sera question de s'appesantir sur la responsabilité pénale du médecin traitant dans le système pénal camerounais. Le système pouvant être une combinaison d'éléments réunis de manière à former un ensemble, il s'agit de voir de quelle manière le système pénal national (les textes juridiques, la doctrine et la jurisprudence) se situe par rapport à la responsabilité pénale du médecin. Les aménagements légaux et jurisprudentiels qui traitent de cette responsabilité s'arriment-ils de nos jours aux progrès vertigineux qui sont réalisés dans les différentes branches de la médecine, ceci dans le souci de protéger les droits des patients ? Car comme le dit AKIDA : << La médecine a fait plus de progrès au cours de ces trente dernières années qu'au cours des trois siècles précédents >> 10.

7 Lexique des termes juridiques, op.cit., p.487.

8 Ibid., p.488.

9 Art. 74, al. 2, C.P.

10 AKIDA (M), << La responsabilité pénale des médecins du chef d'homicide et de blessure par imprudence >>, thèse de Doctorat de Droit, Bibliothèque de sciences criminelles, tome 29, LGDJ, Paris 1994, p. 1.

Le choix de ce thème se justifie par l'existence des zones d'ombre, des incertitudes par rapport à la détermination de la responsabilité du médecin au Cameroun. D'où la nécessité de réfléchir sur les différents aspects qui la constitue. Les études qui mettent en lumière le corps médical, notamment du point de vue de la responsabilité sont limitées ; il en est de même des textes qui règlementent cette profession. En effet, les études recensées portent sur la déontologie médicale, l'éthique médicale, la responsabilité médicale du point de vue global. Avec le progrès de la science, doit-on maintenir le même degré de la responsabilité médicale (c'est-à-dire l'obligation de moyens) ou tendre vers une obligation de résultat ? Le champ pourtant sensible de la responsabilité pénale du médecin traitant dans le système pénal Camerounais est assez peu fourni. C'est la raison pour laquelle notre souci est d'apporter notre modeste contribution à l'édification de ce volet du droit national tourné vers la modernisation et confronté aux défis de la mondialisation. Les justiciables, pourront ainsi prendre connaissance des rouages qui, parce qu'ils sont ignorés, les empêchent de se faire rendre justice au vu de la rareté des jugements rendus en la matière, et des affaires pendantes devant les tribunaux; les médecins quant à eux pourront prendre conscience de la lourdeur des tâches qui sont les leurs. Les lecteurs verront le corps médical sous un angle un peu plus humain, débarrassé de mystères dont il est souvent l'objet.

Dans le cadre de son travail, le médecin peut être une autorité administrative, un expert et même un médecin traitant, et, il peut voir sa responsabilité engagée à ces différents titres. Seule sera retenue ici la responsabilité du médecin dans ses relations avec son patient, c'est-àdire, dans l'exercice de son art, notamment lorsque ses actes sont constitutifs d'infractions. Dans leurs rapports réciproques, « le médecin n'a vis-à-vis de son patient que des obligations et que ce dernier n'a que des droits »11.

Au Cameroun, l'accession aux soins n'est pas donnée à tous au vu de la croissance exponentielle de la population face à un personnel médical limité ; l'offre de soins présente de très grandes insuffisances dans toutes les composantes, à savoir : les ressources humaines, les infrastructures et les équipements. Le nombre de médecins par habitant reste marginal. On compte un médecin pour 10 000 habitants et un infirmier pour environ 2 200 habitants12.

11 ELONG NGONO (S), « Droits des malades, Devoirs des Médecins », in Cameroon Tribune du 29 mai 2008 p. 11.

12 STRATEGIE SECTORIELLE DE SANTE 2001-2010 du Ministère de la Santé Publique de la République du Cameroun, éd. 2002, p.3.

Le patrimoine d'infrastructures et d'équipements a connu d'importantes dégradations pendant que les nouveaux investissements ont été limités du fait de la récession économique ; la gestion et le développement de toutes ces ressources s'effectuent sans aucune référence normative. Ceux des patients qui ont accès à un médecin sont considérés comme des privilégiés au vu des procédures longues et tortueuses rencontrées dans les établissements publics (tickets de consultation, mauvais accueil, longues files d'attente, rançonnement, monnayages divers pour pouvoir rencontrer le médecin). D'autres doivent dépenser davantage s'ils veulent accéder aux soins des cliniques privées. La santé n'est pas à la portée de tous. L'ignorance des règles qui régissent le fonctionnement du corps médical par les profanes entraîne l'ignorance de leurs propres droits. Ce n'est que lorsque les errements médicaux dépassent l'entendement du patient et/ou de sa famille en provocant soit des handicaps légers ou graves ou même la mort que le patient et/ou sa famille envisage d'engager la responsabilité du médecin. C'est ainsi que s'agissant d'activités dangereuses, le Professeur NDOKO affirme que : « ... si le malade a subi un dommage consécutif à ces traitements, il y aura délit d'homicide ou de blessure par imprudence. S'il n'y a pas eu de conséquences fâcheuses, il sera rare que le praticien soit poursuivi. En l'absence d'une victime qui pourra mettre en mouvement l'action publique par sa plainte avec constitution de partie civile, le ministère public, juge de l'opportunité des poursuites, n'ouvrira pas d'information et ne saisira pas la juridiction de jugement sauf dans des circonstances vraiment exceptionnelles >>13.

Dans la société Camerounaise, il est très courant de voir dans la rubrique des faits divers des journaux et autres quotidiens des scandales ou des plaintes à l'encontre du corps médical en général, et des médecins en particulier14. Cette multiplicité de faits contraste avec la réalité au niveau des juridictions. En effet, il n'est pas fréquent en parcourant les nombreuses décisions rendues par les tribunaux de rencontrer des affaires oh les médecins, de par les infractions qu'ils auraient pu commettre dans l'exercice de leur art ont été mis en cause.

Cette situation pose le problème de la consistance du droit Camerounais en matière de

responsabilité médicale. En effet, bien que le Code pénal camerounais réprime toute forme

13 NDOKO (N.C.), « La culpabilité en droit pénal camerounais >>, L.G.D.J., thèse de doctorat, Paris, 1985, p.167.

Le Professeur NDOKO s'exprime dans un contexte oh le ministère public a le monopole de l'instruction et de la poursuite, suite à la suppression du juge d'instruction en 1972 de la procédure pénale au Cameroun.

14 NGO NGOUEM (P), voir journal Mutations No 2247 du Vendredi 26 Septembre 2008, p.6.

d'atteinte à la personne humaine, le régime auquel sont soumis les médecins est beaucoup plus encadré. Cette répression est renforcée à l'égard du corps médical parce que les médecins ont un « devoir d'humanité». Pourtant, les médecins sont rarement attraits devant les tribunaux pour répondre des actes qu'ils auraient eu à poser dans l'exercice de leur art. Cela voudrait-il dire que c'est un corps exemplaire exempt de tout reproche ? Nous répondrons par la négative car nombreux sont les faits recensés ; les services rendus dans les hôpitaux camerounais ne sont pas de toute première qualité, ce qui conduit souvent à des errements du personnel médical et à des plaintes formulées par les patients. Ces faits figurent fréquemment dans la rubrique des faits divers des journaux et autres quotidiens. Il se pose ainsi la question de savoir quelle est la raison de cet état des choses ? Quelles sont les bornes de la responsabilité pénale médicale au Cameroun ? Quelle est l'efficacité des dispositions juridiques camerounaises relatives à la responsabilité pénale médicale ? Autrement dit, dans quelles limites peut-on situer la responsabilité pénale du médecin au Cameroun ?

Telles sont les différentes questions qui constituent la base de notre travail articulé autour de deux axes principaux, à savoir : Le domaine de la responsabilité pénale du médecin traitant (Première Partie), et la mise en oeuvre de cette responsabilité (Deuxième Partie).

PREMIERE PARTIE :

LE DOMAINE DE LA RESPONSABILITE PENALE DU

MEDECIN TRAITANT.

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Le médecin est un professionnel qui donne des soins au cours d'une maladie, un titulaire d'un doctorat en médecine, ou encore une personne qui exerce la médecine. Dans l'exercice de son art, il met en oeuvre tout son savoir-faire et fait usage de tous les moyens dont il dispose pour donner la guérison à son patient. Il est ainsi tenu d'une obligation de moyens. Toutefois, la méconnaissance des règles qui régissent sa profession peut causer un préjudice au patient et même être constitutive d'infraction. Cette inobservation, lorsqu'elle est réprimée par le Code pénal et d'autres textes (à l'exemple du Code de déontologie médicale) peut entraîner la responsabilité pénale du médecin. Ceci à cause des incommodités infligées aux patients, aux torts causés à la société et surtout à l'instauration d'un climat de méfiance qui peut s'installer dans les rapports entre les médecins et leurs patients. La responsabilité pénale du médecin est un sujet vaste et pas toujours aisé à appréhender.

S'il est vrai que les infractions relevant de la responsabilité du médecin traitant sont diverses (Chapitre II), force est de constater que les conditions de mise en oeuvre de cette responsabilité comportent des contours incertains (Chapitre I).

CHAPITRE I :

LES CONTOURS FLUCTUANTS DES CONDITIONS DE
LA RESPONSABILITE PENALE DU MEDECIN

TRAITANT

Le principe de la légalité des délits et des peines, principe consacré par le législateur camerounais dans la Constitution, et le Code pénal en son article 17 voudrait que toute infraction pour être réprimée soit contenue dans un texte ( le Code pénal ou toute autre loi pénale). Une fois la norme codifiée, elle a une portée générale. C'est la raison pour laquelle l'article 1er du Code pénal énonce que : « la loi pénale s'impose à tous ».

Cette disposition, qui s'applique à tout citoyen n'exclut pas les médecins. Toutefois, comme il s'agit de la médecine et que le risque fait corps avec ce métier, les contours de leur responsabilité comportent des subtilités qui mériteraient d'être cernées afin d'établir avec précision le régime de la responsabilité pénale du médecin traitant. Aussi examinerons-nous le caractère ambivalent de la responsabilité pénale du médecin traitant (Section I). Une fois cerné, il sera question de voir l'étendue de cette responsabilité, ceci au vu du statut juridique du praticien qui est un facteur de renforcement de la responsabilité de ce dernier (Section II).

SECTION I : LE CARACTERE AMBIVALENT DE LA

RESPONSABILITE PENALE DU MEDECIN TRAITANT.

Le principe de la légalité criminelle, exprimé par l'adage latin « nullum crimen, nulla poena, sine lege» est un principe selon lequel tout acte constituant un crime ou un délit doit être défini avec précision par la loi ainsi que les peines qui lui sont applicables.

Le médecin est lié à son patient en vertu d'un contrat. Il en résulte que, toute faute commise par ce dernier dans l'exercice de son art ne donne lieu qu'à des réparations. Il peut toutefois arriver que le praticien commette une faute qui soit pénalement répréhensible. Pour que la responsabilité pénale du médecin traitant soit retenue, il faut que certaines conditions soient réunies (paragraphe I) et qu'il n'y ait aucun fait justificatif ou cause d'exonération (paragraphe II).

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld