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La responsabilité pénale du médecin traitant dans le système pénal camerounais

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par René Serges Maran ASSOUMOU René Serges Maran
Université de Douala- Cameroun - DEA 2006
  

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Paragraphe I : Les conditions de la mise en oeuvre de la responsabilité pénale

du médecin traitant.

Pour que la responsabilité pénale du médecin soit engagée à l'égard de son patient, il faudrait que ce professionnel ait commis une faute (A), et que cette faute ait causé un préjudice (B) à son patient.

A - L'existence d'une faute, élément indispensable pour engager la responsabilité

pénale du médecin traitant.

La faute du médecin traitant est établie par l'existence d'un manquement, de l'inobservation d'une norme ou même d'une simple imprudence, d'une négligence. Un lien de causalité doit être établi entre la faute et le dommage causé, car << il ne suffit pas que la relation de causalité soit directe, mais il faut qu'elle soit certaine »15.

L'information du patient constitue un élément fondamental servant à éclairer son consentement. C'est aussi la condition première du respect de la dignité du malade. Considérer l'autre comme une personne qui a le droit de savoir ce qui le concerne au plus profond de lui-même est une exigence faite au médecin, et qui gouverne les rapports qui le lient à son patient. Les manquements au droit à l'information sont sans doute ceux qui sont le plus mal vécus par les malades et par leurs proches.

Contrairement au droit civil, le droit pénal en raison du principe de la légalité des délits et des peines ne connaît pas d'incrimination générale de la faute. La faute pénale est définie avec une grande précision par le lexique des termes juridiques comme l' << élément moral des délits non intentionnels, consistant :

-soit en une imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ;

-soit en violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ;

-soit en une faute caractérisée ayant exposé autrui à un risque d'une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré »16 .

15PENNEAU (J), LA RESPONSABILITE DU MEDECIN, Connaissance du droit, éd. Dalloz 1992, p.103 ; Crim., 15 Janvier 1958, 9 Janvier 1992, 20 Novembre 1996, 29 Octobre 2002, 13 Novembre 2002, 5 Octobre 2004.

16 Lexique des termes juridiques, op.cit., p.258.

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Avant d'en arriver là, la jurisprudence française a à travers l'arrêt Mercier, défini les rapports entre le praticien et son patient. Arrêt de principe, l'arrêt Mercier, a établi le principe selon lequel le médecin est lié à son patient en vertu d'un contrat17. Tout manquement issu de cette relation devrait constituer une faute contractuelle susceptible d'entraîner la réparation par le paiement de dommages et intérêts. En matière médicale, c'est un peu plus compliqué. En France par exemple un débat doctrinal a longtemps opposé les partisans de l'unité des fautes civile et pénale (1) aux partisans de la dualité des fautes civile et pénale (2)18.

1- La thèse de l'unité des fautes civile et pénale.

Pour les partisans de cette thèse (les civilistes en l'occurrence19), il n'y a aucune différence de nature, de degré, ou de gravité entre les deux fautes. Leur argument s'appuie sur les textes concernant la faute civile (art.1382 et 1383 du Code civil) et la faute pénale (art.319 et 320 du Code pénal français)20. A cet effet, ils considèrent que les termes très larges et très descriptifs à ces textes englobent n'importe quelle faute d'imprudence, si légère soit-elle. Et, ils ajoutent que, l'interprétation jurisprudentielle des mots « maladresse, imprudence, inattention et négligence >> oblige à admettre que la faute pénale des articles 319 et 320 contient tous les éléments de la faute civile. Toute faute qui entraîne un dommage corporel se traduit par une infraction. Il est donc possible en la matière, de séparer de la faute pénale, une faute civile qui resterait en dehors du droit pénal21.

Pour ces auteurs, tant que la faute civile et la faute pénale sont identiques et ont la même nature, l'une et l'autre s'apprécieront in abstracto. Selon cette méthode d'appréciation, l'existence de la faute et sa gravité s'apprécient par référence à un type abstrait : l'homme normalement prudent et diligent. L'attitude de l'auteur du dommage est comparée à la conduite qu'aurait eue un individu avisé, placé dans les mêmes circonstances, abstraction faite de toute analyse de la personnalité de son auteur.

Le modèle abstrait de référence est « le bon père de famille >>. Dans le domaine professionnel, le modèle de comparaison devient « le bon professionnel >>.

17 Cf. arrêt MERCIER du 20 Mai 1936, civ. 20 Mai 1936, D.H., 1936.1.88

18AKIDA (M), op.cit. p.18 et suiv. ; DORSNER-DOLIVET(A), CONTRIBUTION A LA RESTAURATION DE LA FAUTE, CONDITION DES RESPONSABILITES CIVILE ET PENALE DANS L'HOMOCIDE ET LES BLESSURES PAR IMPRUDENCE: A propos de la chirurgie, éd. L.G.D.J 1986, p. 37 et suiv.

19 Il s'agit de J. DEPREZ, H. et L. MAZEAUD et A. TUNC, AKIDA (M), op.cit. P.19.

20 L'art. 289 du Code pénal Camerounais est l'équivalent de ces articles.

21 AKIDA (M), op.cit., p.20.

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La thèse de l'unité a été très sévèrement critiquée par la doctrine en ce sens qu'elle manque de fondement, et surtout qu'elle entraîne des conséquences insupportables dans le domaine pénal.

En ce qui concerne l'absence de fondement de la thèse de l'unité, la faiblesse du fondement textuel et la défaillance du fondement rationnel ont été avancées. Pour ce qui est de la faiblesse du fondement textuel, R. MERLE estime que << chacun des aspects de la faute énumérée dans l'article 319 (du Code pénal Français) est susceptible de degrés : la

maladresse, une inattention peuvent être plus ou moins lourdes selon les circonstances ; or, sile législateur pénal n'a pas dit que seules seraient prises en considération les maladresses,

les inattentions d'une certaine gravité, il n'a pas dit non plus que n'importe quelle maladresse, ou n'importe quelle inattention suffirait à provoquer l'application de la peine >>22.

S'agissant de la défaillance du fondement rationnel, il serait loisible de rappeler que la grande règle qui domine le droit pénal est Nullum crimen nulla poena sine lege et son corollaire, l'interprétation restrictive des textes pénaux. Contrairement au droit civil qui est dominé par la formule << indemniser la victime à tout prix >>, les principes tels que la présomption d'innocence, le moindre doute profite à la victime, la nécessité d'apprécier la faute pénale in concreto, en tenant compte de la personnalité du prévenu et de ses possibilités réelles sont ceux qui soutendent le droit pénal que le principe de l'identité des fautes civile et pénale viendrait battre en brèche.

L'application de la thèse de l'unité aurait des conséquences inadmissibles dans le domaine pénal. D'une part, elle viendrait instaurer une autorité de fait du civil sur le criminel car, << dans le but louable d'indemniser la victime, le juge pénal sait que, s'il relaxe le prévenu, il privera la victime de toute indemnisation. Face à une alternative difficile, il se prononcera en faveur de la victime, en condamnant le prévenu à une courte peine d'emprisonnement assortie souvent d'un sursis ou d'une légère amende pour sauver les intérêts privés de la partie civile >>23. D'autre part, elle dénaturerait l'élément psychologique de l'infraction car en cherchant à indemniser la victime à tout prix, le juge appréciera la faute in abstracto, et non in concreto, méconnaissant ainsi l'un des principes cardinaux de droit pénal qui est celui de la personnalité de la peine.

22 R. MERLE cité par AKIDA, op.cit., p.21.

23 AKIDA, op.cit., p.24.

De ce qui précède, on peut conclure avec le Professeur CHAVANNE que « la théorie de l'unité des deux fautes est un facteur de trouble et de désordre dans l'administration de la justice >>24.

Pour mettre fin à ces troubles et à ce désordre, et permettre d'une part au juge pénal de garder son autonomie, et d'éviter d'autre part de sacrifier le prévenu au profit de la victime, et enfin de permettre au droit pénal de garder son aspect humanitaire et équitable, il s'avère nécessaire de séparer la faute civile et la faute pénale.

2- La thèse de la dualité des fautes civile et pénale.

Pour les partisans de la thèse dualiste (les pénalistes français25), les fautes civile et pénale ne sauraient être identiquement appréciées. Ils se prononcent en faveur de l'appréciation in concreto. Ils justifient cet état des choses par l'origine des deux fautes. La première est issue d'une relation contractuelle, tandis que la deuxième serait la résultante d'une infraction.

Ainsi, le but même de l'action répressive commande au juge pénal de ne pas se servir des mêmes instruments que ceux utilisés par le juge civil, c'est-à-dire apprécier la faute pénale in concreto. Selon ce critère, le juge doit tenir compte de tous les traits de la personnalité du prévenu. Un examen psychologique de sa personnalité est souhaitable si l'on veut qualifier convenablement la faute pénale. Pour que la peine atteigne son but, « l'infraction doit être examinée non pas en elle-même mais à travers son auteur, un être de chair et de sang, responsable >>26. La thèse de la dualité exige le jugement de l'auteur de l'infraction selon sa faute, source du mal, et non sur le résultat dommageable, simple conséquence de la faute.

En effet, il faut constater avec J. GRAVEN que « si on juge l'homme selon le résultat produit, nous ne sortons pas de l'optique erronée du droit ancien, du droit primitif oil le fait juge l'homme..., or, aujourd'hui, on cherche non pas à frapper ou venger quasi automatiquement parce qu'un résultat a été la conséquence d'un acte accompli ou omis, mais on vise à punir un homme en raison de la faute qu'il a commise dans les circonstances oil il se trouvait, étant donné ce qu'il pouvait et devait prévoir et éviter >>27. Le professeur CHAVANNE ajoute que « frapper l'auteur d'un résultat sans examiner son comportement...,

24 CHAVANNE cité par AKIDA, op.cit., p 27.

25 LABORDE-LACOSTE, G. VIDAL, J. MAGNOL, DONNEDIEU DE VABRES, CHAVANNE, PIROVANO, LEVASSEUR sont quelques uns des juristes qui ont activement participé à ce débat.

26 PIROVANO cité par AKIDA, op.cit., p. 31.

27 J. GRAVEN cité par AKIDA, op.cit., p. 33.

serait négliger l'un des fondements essentiels du droit pénal >>28. C'est dans la même optique qu'un attendu de la Cour d'Appel de Nîmes en France énonçait que : << au regard de la loi pénale, l'imprudence d'un acte ne doit pas s'apprécier d'après son résultat, mais uniquement au regard de l'obligation de diligence qui s'impose à tous. Action ou omission, l'imprudence suppose la prévisibilité raisonnable, compte tenu du comportement usuel des hommes >>29.

Ce débat a été tranché par une décision de la Cour de Cassation qui, dans son célèbre arrêt BROCHET et DESCHAMPS, a consacré le principe de l'identité des fautes civile et pénale30. La Cour déclare que : << les faits constituant la maladresse, l'imprudence, l'inattention, la négligence ou l'inobservation des règlements susceptibles de caractériser les délits d'homicide et de blessures involontaires, sont punissables, sans que la légèreté de la faute commise puisse avoir d'autre effet que celui d'atténuer la peine encourue >>.

Le Code de procédure pénale camerounais31 dispose quant à lui en son article 59 que << Toute infraction peut donner lieu à une action publique et, éventuellement, à une action civile>>. L'article 61 plus précis énonce que << l'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique devant la même juridiction lorsque les deux résultent des mêmes faits.

Elle peut aussi être exercée séparément de l'action publique. Dans ce cas, la juridiction

saisie de l'action civile surseoit à statuer jusqu'à la décision définitive de l'action publique >>.

Serait-ce un choix de la part du législateur camerounais pour la thèse de la dualité des fautes civile et pénale ? Nous répondrons par l'affirmative, car le législateur en matière répressive, édicte, garantit et respecte les principes directeurs du procès pénal.

La commission de la faute doit entraîner la survenance d'un préjudice. Toutefois, la faute et le préjudice elles seules ne suffisent pas à établir la responsabilité du médecin, encore fautil établir le lien de causalité.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore