B- La survenance d'un préjudice et la
nécessité d'un lien de causalité.
Pour être répréhensible, l'acte du
professionnel doit avoir causé un préjudice au patient. En
l'absence de préjudice, l'action entreprise par le patient serait
dépourvue de tout intérêt. A l'exception des cas où
le médecin porte volontairement atteinte à
l'intégrité physique ou à la vie de ses patients
(infanticide, avortement, coups et blessures, etc....), les atteintes
involontaires exigent l'existence d'une relation de cause à effet entre
la faute relevée à
28 CHAVANNE cité par
AKIDA, op.cit., p. 33.
29 Nîmes (ch. Corr.) 28
Mai 1966 J.C.P. 1967.II.11324, obs. P. CHAUVEAU, R.S.C. 1969, p.337, obs. G.
LEVASSEUR.
30 Cour de cassation, civ. 18
Décembre 1912, Bull no 231.
31 Loi No 2005-007
du 27 Juillet 2005 portant Code de procédure pénale.
l'encontre du médecin et du préjudice
constaté. L'élément le plus difficile à
établir, s'agissant de la responsabilité pénale du
médecin, est le lien de causalité entre la faute relevée
et le résultat obtenu. << Le lien de causalité
doit être certain ; une simple probabilité ne suffit pas.
Autrement dit, le résultat doit être la conséquence directe
de l'acte posé par le praticien
>>32.
En effet, l'article 289 du Code pénal
énonce que : << Est puni (...) celui qui, par
maladresse, négligence, imprudence ou inobservation des
règlements cause la mort ou des blessures, maladies ou incapacité
de travail... >>. Cela suppose que la déclaration de
culpabilité établit la preuve d'un lien de causalité entre
la faute et le dommage.
En matière médicale, la causalité
peut s'appliquer soit en vertu du comportement passif du médecin (1),
soit en vertu de l'omission de certaines précautions concomitantes
à l'action thérapeutique (2).
1- Le lien de causalité et le comportement
passif du médecin.
Le médecin à la lumière de
l'arrêt MERCIER est lié à son patient en vertu d'une
relation contractuelle33. Il est tenu de ce fait à une
obligation de moyens. Toute inobservation de ses obligations par maladresse,
négligence, imprudence, ou inobservation des règlements est
constitutive de faute car dans l'exercice de sa profession, le médecin
se doit de prodiguer des soins attentifs et consciencieux, conformes aux
données acquises de la science.
C'est dans cette optique que le médecin qui
fait un diagnostic sans s'entourer de toutes les précautions verra sa
responsabilité retenue. Il en est ainsi lorsque le praticien n'effectue
pas les examens radiologiques34 et biologiques35
nécessaires pour déterminer la cause véritable de la
maladie et que le traitement recommandé s'avère
inapproprié.
En outre, la négligence de s'assurer de la
vacuité de l'estomac du malade avant de procéder à une
opération chirurgicale est condamnable. C'est ainsi que la Cour de
Paris36 a confirmé la condamnation pénale pour
blessures par imprudence prononcée contre le chirurgien et
l'anesthésiste qui avaient négligé de s'assurer que le
patient est à jeun avant l'opération. Il s'agissait d'un enfant
traité dans une clinique d'un pied bot latéral au moyen de
contentions plâtrées successives pratiquées sous
anesthésie générale. Après six opérations
pratiquées sans incident avec anesthésie au fluothane,
l'équipe médicale avait pratiqué la
32 C'est l'avis de la
jurisprudence en France. Voir à ce propos PENNEAU (J), op.cit. ,
p.103.
33 Arrêt MERCIER,
supra.
34 Rouen, 21 Avril
1923.S.1924.2.17, note E.H. PERREAU.
35 Pau, 8 Décembre
1953, J.C.P. 1961.II.11914, obs. R. SAVATIER.
36 Paris, 10 Décembre
1970, G.P. 1971.1.74.
septième sous anesthésie plus profonde
par une piqûre de pentothal. Aussitôt l'enfant régurgitait
un liquide épais qui, envahissant les voies respiratoires, provoquait
une asphyxie. Des moyens de réanimation furent mis aussitôt en
oeuvre ; l'enfant survécut, mais fut réduit à un
état végétatif à peu près total.
La faute de l'équipe chirurgicale et le lien de
causalité ont été affirmés par les experts d'une
manière très nette. Ils ont estimé que «
l'enfant devait être soumis à une anesthésie
générale, les praticiens avaient le devoir de le faire entrer
à la clinique la veille de l'intervention pour avoir la certitude qu'il
serait à jeun au moment de sa réalisation et qu'en ne prenant pas
cette précaution indispensable, les prévenus avaient commis une
faute en rapport direct avec l'accident ».
En outre, la faute prouvée d'un médecin
ne sera pas poursuivie si elle n'a pas été la cause du
décès du patient. C'est ainsi que dans un arrêt de la Cour
de cassation, les abstentions fautives d'un gynécologue accoucheur,
survenues alors que l'enfant à naître avait perdu toute chance de
survie, sont sans lien de causalité avec le décès, ce qui
a justifié la relaxe du médecin37. La faute du
médecin doit être une condition sine qua non du
décès pour être pénalement punissable.
S'il est établi que le lien de causalité
peut résulter du comportement passif du médecin, l'examen de
l'omission de certaines précautions concomitantes à l'action
thérapeutique s'avère nécessaire.
2- Le lien de causalité et l'omission de
certaines précautions concomitantes à l'action
thérapeutique.
Les soins que le médecin prodigue à son
patient doivent s'effectuer avec d'énormes
précautions ceci dans le but de garantir non
seulement leur efficacité, mais également d'assurer une meilleure
protection au patient. Dans l'exercice de son art, le praticien fait recours
à des produits très dangereux et à un outillage complexe.
Une mauvaise manipulation du médecin peut avoir des conséquences
dramatiques. Ces effets peuvent être directement imputables au praticien
en vertu de l'omission des précautions lors de l'acte médical.
C'est le cas lorsque le médecin omet d'administrer une injection
anti-tétanique avant de procéder à une intervention
chirurgicale38, de l'absence d'un anesthésiste
qualifié pendant l'opération39,
37 Crim., 5 Juillet
1997,96-84.524, inédit au Bulletin
38 Crim. 20 Juin 1968, Bull.
crim. No 201.
39 Paris 23 Avril 1968,
J.C.P. 1968.II15625).
ou encore de l'oubli de corps étrangers dans
l'organisme du malade (il s'agit de l'oubli des compresses, mèches de
gaze ou de bourrage, pinces, fragments d'aiguille)40.
S'il est de principe que la répression est la
résultante de la commission d'une faute, cette dernière peut
être exceptionnellement couverte pour des causes
exonératoires.
Paragraphe II : La diversité des causes
d'exonération de la responsabilité pénale du
médecin traitant.
L'exercice de la médecine pour le profane est
un univers de contradictions. C'est volontairement que le médecin
traitant porte atteinte à l'intégrité physique de son
patient ; mais c'est de façon exceptionnelle qu'il peut à ce
titre voir sa responsabilité engagée.
Le médecin a << un devoir
d'humanité ». C'est la raison pour laquelle la loi
encadre de façon stricte l'exercice de sa profession. En effet, le Code
pénal camerounais en son titre III, chapitre 1er
intitulé << DES ATTEINTES A L'INTEGRITE
CORPORELLE » réprime toute forme d'atteinte à
l'intégrité physique des personnes. Dans l'exercice de son art,
plusieurs actes du médecin portent atteinte à
l'intégrité physique du patient. Cela va de la simple injection
jusqu'au prélèvement des organes, en passant par des
opérations chirurgicales.
Le praticien lorsqu'il exerce est couvert par
l'article 286 du Code pénal intitulé <<
INTERVENTIONS MEDICALES » qui dispose que :
<< les articles 27741
à 28142 ne sont pas applicables aux
actes médicaux effectués par toute personne dûment
habilitée lorsqu'ils sont accomplis avec le consentement du patient ou
de celui qui en a la garde, toutefois, au cas oil le patient est hors
d'état de consentir, celui qui en a la garde ou son conjoint doit donner
son consentement sauf lorsqu'il est impossible de communiquer, sans risque pour
le patient, avec ceux-ci », son action se justifiant ici par
la recherche de la guérison du patient. Ainsi, toutes les fois que la
vie du patient est en jeu, l'intervention du médecin se trouve
justifiée. Les causes d'exonération du médecin sont de
plusieurs ordres. Elles peuvent être le fait d'une liberté
d'action consentie par le médecin (A). Toutefois, sous le fait d'actions
indépendantes de sa volonté, le médecin bien que fautif
peut se voir exonérer de sa faute (B).
40 Crim. 14 Juin 1957, D.
1957, p. 512.
41 Les blessures
graves.
42 Les blessures
légères.
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