Paragraphe I : La constatation de l'infraction et la
mise en oeuvre des
poursuites pénales.
La date du 27 Juillet 2005 restera mémorable
dans l'histoire des institutions du Cameroun comme celle de la promulgation du
tout premier Code de procédure pénale. En effet, le
législateur camerounais a en vertu de la loi No 2005/007,
voté la loi portant Code de procédure pénale. Loi de
procédure, elle est venue harmoniser la procédure applicable dans
les parties francophone et anglophone du territoire national en abrogeant les
dispositions du Code d'Instruction Criminelle (CIC)162 et du
<< Criminal Procedure Ordinance »163.
Le Code de procédure pénale est
présenté comme un instrument ultramoderne mis sur pied pour
assurer la célérité de la procédure pénale
tout en garantissant une meilleure protection des droits du justiciable. C'est
ainsi que de la constatation de l'infraction (A) à la mise en oeuvre des
poursuites pénales (B), la procédure à suivre doit
obéir à un formalisme bien particulier, bien que parsemé
d'obstacles.
A- La constatation de l'infraction pénale en
matière médicale.
Le Code de procédure pénale
édicte le formalisme requis dans la constatation des infractions
pénales. S'il est vrai que les principes par lui énoncés
sont généraux pour toutes les infractions, force est de constater
que, en matière médicale les obstacles tant de fait que de droit
constituent une entorse à la manifestation de la
vérité.
Contenue dans le Livre II du Code de procédure
pénale, intitulé << DE LA CONSTATATION ET DE
LA POURSUITE DES INFRACTIONS »164, il ressort que
l'infraction pénale est soit directe (flagrant délit), soit
secondaire à une plainte ou à une
dénonciation.
162 Ordonnance du 14 Février 1838 portant Code
d'Instruction Criminelle.
163 Cap. 43 of the Laws of Nigeria 1958.
164 Art. 59 et suiv.
La recherche des éléments constitutifs
de l'infraction peut se faire ainsi, soit dans le cadre d'une enquête
préliminaire au cours de laquelle les actes pratiques, dans le cadre de
cette enquête ne s'imposent pas à l'intéressé, en
dehors de la garde à vue ; soit dans le cadre de l'enquête de
crime ou de flagrant délit.
Comment s'effectue dès lors cette phase dans le
domaine médical ?
<< L'acte du médecin est un
acte salvateur, autorisé par la loi et consenti par le
malade >>165. Hormis les cas oh il est surpris en
train d'exercer illégalement la médecine, il n'est pas
évident pour le profane de dire à quel moment le médecin
contrevient aux exigences de sa profession et partant, de le prendre en
flagrant délit. Ceci s'explique par le fait que le médecin est
couvert par l'article 286 du Code pénal. Ce dernier peut donc invoquer
cette disposition pour justifier son intervention.
Le médecin doit prodiguer des soins attentifs
et consciencieux, conformes aux données acquises de la science.
L'expression << données acquises de la
science >> doit tenir compte de plusieurs facteurs. En
effet, elle s'apprécie différemment en fonction de
l'environnement dans lequel on se trouve. Au Cameroun par exemple, les
médecins des campagnes ne disposent pas de mêmes moyens techniques
que leurs confrères des grands centres urbains. Ils exercent dans des
conditions spéciales dont il faut tenir compte : l'isolement, la
distance à parcourir, l'équipement réduit, les conditions
sociales de la clientèle qui rendent la tâche incontestablement
plus délicate. Ils ne peuvent pas dès lors être soumis aux
mêmes exigences que leurs confrères des grands centres
urbains.
Par exemple, le médecin qui en campagne
procède à un accouchement hors de son centre hospitalier, parce
que cela est courant à cause de l'éloignement des centres
hospitaliers, pourra t-il se voir reprocher d'avoir méconnu les
données acquises de la science ? Au vu de l'environnement pauvre et
précaire dans lequel il exerce, le médecin de campagne ne dispose
pas toujours de tous les médicaments, de tous les instruments
adéquats, du courant électrique, de l'eau
stérilisée, du linge, des chaussures, des masques lui permettant
d'entreprendre une intervention chirurgicale en toute
sérénité. Pourra t-on dès lors parler d'exercice
illégal de la médecine dans la mesure oh les soins
prodigués par le médecin ne le sont pas dans un cadre
approprié? Nous répondrons par la négative car, le
médecin, en vertu de son devoir d'humanité se doit de tout mettre
en oeuvre pour apporter un soulagement à son patient.
En outre, lorsqu'un patient porte plainte à un
médecin, il revient à l'officier de police
judicaire dans le cadre de l'enquête
préliminaire de réunir les indices qui contribueront à
la
78
165 AKIDA (M), op.cit. p.382.
manifestation de la vérité. Il revient
donc à ces officiers de police judiciaires d'entendre à la fois
la partie qui accuse et le médecin qui est soupçonné
d'avoir commis une faute. De quels moyens dispose l'officier de police
judiciaire au Cameroun pour vérifier les déclarations du
médecin lorsqu'on sait que la nomenclature médicale est
hermétique et pas toujours accessible à l'enquêteur ? S'il
est évident que l'interrogatoire est le moyen le plus usité pour
la collecte des indices, il serait loisible de faire aussi état de la
perquisition.
L'article 107 du Code de procédure
pénale dispose que << les perquisitions dans un
cabinet de médecin ... ou au bureau de toute autre personne tenue au
secret professionnel, sont faites en présence du magistrat
compétent et, le cas échéant, de l'intéressé
et du représentant de son organisation professionnelle s'il en existe
une ».
De ce qui précède, il ressort que la
constatation de l'infraction commise par le médecin n'est pas
aisée. Cela a pour conséquence qu'il est très rare que le
médecin soit poursuivi pour des coups mortels. C'est surtout lorsqu'il y
a mort d'homme que l'on cherche généralement à retenir la
responsabilité de ce dernier. Pour les premières infractions (les
coups mortels), il paraît presque impossible d'établir le lien de
causalité entre le coup et la conséquence surtout si le drame
intervient dans un intervalle de temps assez long de sa commission. L'officier
de police est donc limité dans la constatation des infractions relatives
au médecin de par les moyens limités dont il dispose et surtout
des aspects techniques qui interviennent dans la détermination de la
faute du médecin.
Ces difficultés sont elles aussi
rencontrées dans la mise en oeuvre des poursuites pénales
?
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