B- Le déroulement du procès pénal
mettant en cause le médecin.
Le médecin qui exerce dans les limites du
territoire d'un Etat est tenu de se soumettre aux lois et règlements en
vigueur. Au Cameroun, la loi pénale s'impose à tous. Aussi,
lorsqu'il sera soupçonné d'avoir enfreint la loi dans l'exercice
de ses fonctions, la détermination de la juridiction dépendra de
la qualification de l'infraction qu'il aura commise. S'il est poursuivi pour un
délit commis dans l'exercice de son art, c'est en principe le
Tribunal
82
171 Art. 256, al. 1, C.P.P.
172 Art. 256, al. 3, C.P.P.
173 Art. 262, al. 1b, C.P.P.
84
de Première Instance (TPI) qui sera
compétent. Le Tribunal de Grande Instance (TGI) le sera s'il s'agit d'un
crime commis par le praticien.
Toutefois, le procès du médecin
connaît des particularités qui lui sont propres. Ces
particularités relèvent de l'administration de la preuve. S'il
paraît évident que l'expertise est une particularité du
procès du médecin car incontournable (2), force est de rappeler
que la charge de la preuve y revêt un caractère exceptionnel
(1).
1- Le caractère exceptionnel de la charge de la
preuve.
En vertu du principe de l'unité des fautes
civile et pénale consacré par l'arrêt BROCHET et DESCHAMPS
du 18 Décembre 1912174, le médecin sur la base des
principes du droit civil peut voir sa responsabilité engagée sur
le plan pénal175. Le principe voudrait que,
conformément aux dispositions de l'article 307 du Code de
Procédure pénale, que << la charge de la
preuve incombe à la partie qui a mis en mouvement l'action publique
».
Toutefois en matière médicale,
l'arrêt HEDREUL a renversé la charge de la preuve, ce qui est une
exception procédurale en matière pénale. Si cette exigence
est bénéfique pour la partie civile ou pour le ministère
public, elle l'est moins pour le médecin qui pour sa défense
pourrait être tenté de violer le secret professionnel.
En outre, cette exigence vient battre en brèche
la présomption d'innocence pourtant consacrée et qui est une
garantie des droits de la défense176, et est d'ordre public.
En effet, apporter la preuve de son innocence à la suite d'une
accusation sans que la partie adverse n'apporte la sienne et se limite aux
seules accusations est une situation difficile pour le praticien.
Le médecin qui se trouve dès lors
poursuivi par son patient est tenu de justifier l'acte qu'il a posé.
L'un des dangers que pourrait présenter la jurisprudence HEDREUL, c'est
une augmentation de poursuites abusives diligentées contre le
médecin, transformant de ce fait l'obligation de moyens à
laquelle il est soumis en une obligation de résultat. Cela pourrait
être une cause de rupture de la relation de confiance entre le
médecin et son patient. Face à cette situation, les
médecins pourraient être amenés à <<
repenser leur éthique professionnelle, à songer
à agir pour se couvrir contre les actions judiciaires, avant d'agir de
la façon la plus efficace pour le malade et la moins coûteuse pour
la société. Les hospitalisations abusives, les
174 Supra.
175 Voir arrêt HEDREUL supra.
176 Art. 8, C.P.P.
examens inutiles et coûteux se multiplieront, entre
deux solutions, le médecin ...choisira la moins dangereuse pour
lui-même, non la meilleure pour le malade
>>177. C'est la raison pour laquelle l'expertise se
révèle indispensable pour établir les
responsabilités.
2- L'expertise, une particularité du
procès pénal.
Le procès qui met en cause le médecin
peut comporter une pluralité d'éléments techniques
difficiles à cerner pour le profane. C'est la raison d'être du
recours à l'expertise. L'expertise peut être définie comme
<< la procédure de recours à un technicien
consistant à demander à un spécialiste, dans le cas oil le
recours à des constatations ou à une consultation ne permettrait
pas d'obtenir les renseignements nécessaires, d'éclairer le
tribunal sur certains aspects du procès nécessitant l'avis d'un
homme de l'art >>.178
Ainsi, dans le souci de la manifestation de la
vérité, le juge d'instruction, toute juridiction de jugement
peuvent ordonner une expertise à la demande du ministère public
soit d'office, soit à la demande des parties. Les modalités de
l'expertise sont contenues dans la Section V intitulée << DE
L'EXPERTISE >> du Chapitre 2, du Titre IV du Livre II du Code de
Procédure pénale. De ces modalités, il ressort que
l'expert est sollicité lorsqu'une question d'ordre technique se pose. La
médecine est un art qui regorge d'une multiplicité d'aspects
techniques. Et lorsqu'un médecin est accusé, le juge ou les
parties ne disposent pas toujours de moyens propres, de connaissances
adéquates pour comprendre les choix du praticien lorsque ce dernier
exerce. De ce fait, les éclaircissements de l'expert s'avèrent
indispensables pour éclairer des faits qui peuvent paraître
incompréhensibles pour le profane.
L'expert dispose de ce fait d'un délai qui lui
est imparti pour effectuer son expertise à l'issue de laquelle il
adresse un rapport en autant d'exemplaires qu'il y a de parties. L'expert
apprécie l'acte posé par le médecin du point de vue
théorique (quant aux textes régissant l'exercice de la profession
de médecin), et du point de vue pratique en s'assurant que le praticien
a administré consciencieusement les soins, conformément aux
données acquises de la science. Il doit dès lors se limiter
à répondre uniquement à la question qui lui a
été posée sans chercher à influencer par son
rapport le cours du procès.
L'expertise peut consister à la pratique d'une
autopsie, des investigations chimiques et
physiques sur les animaux. Elle est menée par un
médecin légiste qui << aura à partir
de
177 AKIDA (M), op.cit., p.394.
178 Cf. lexique de termes juridiques, op.cit., p.
253.
l'autopsie et des différentes investigations
menées, la lourde responsabilité d'établir la
réalité ou la fausseté de certains atteintes telles
:
-les atteintes à la Santé Publique,
-les atteintes à l'intégrité
corporelle >>179.
Bien que le rapport de l'expert apporte un
éclairage sur les questions techniques survenues lors du procès
du médecin, il n'est pas exclu qu'il comporte des insuffisances. En
pratique, ce rapport est déterminant pour la suite du procès ;
d'où la prévision par le législateur des mesures d'
<< expertise complémentaire >> ou
de << contre expertise >>180
afin de ne pas être tenu par l'unique version de l'expert commis en cas
de doute sur son rapport.
Tout comme ces mesures d'expertise
complémentaire et de contre expertise sont venues renforcer la
fiabilité de cette institution, la mise en oeuvre d'autres dispositions
s'avère nécessaire pour garantir l'efficacité de la
justice pénale en matière médicale.
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