SECTION II : LA NECESSITE DE LA MISE EN OEUVRE DES
DISPOSITIONS APPROPRIEES EN VUE D'UNE
MEILLEURE PROTECTION DES PATIENTS.
Depuis son accession à l'indépendance,
le Cameroun est tourné vers la modernisation de ses institutions. Les
exemples les plus récents sont d'une part, l'adoption par la loi No
2005/007 du 27 Juillet 2005 portant Code de procédure pénale, et
d'autre part de la loi du 29 Décembre 2006 portant Organisation
judiciaire. Le domaine médical ne devrait pas être en reste quand
on connaît les évolutions spectaculaires dont il est l'objet. La
mise en oeuvre de la responsabilité du médecin connaît des
écueils aux différentes phases de la procédure. Il
s'avère donc nécessaire d'apporter des innovations tant du point
de vue de la procédure de mise en oeuvre de la responsabilité de
ce dernier (paragraphe I), que quant aux autres aspects qui concourent à
la protection des patients (paragraphe II).
179 YOHO Fils (R), op.cit. P.26.
180 Art. 216, C.P.P.
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Paragraphe I : Les défis relatifs à
la procédure de mise en oeuvre de la responsabilité du
médecin.
Le médecin est un professionnel qui dans
l'exercice de son art fait recours à des techniques et à des
outils complexes. Un auteur a pu écrire qu'un médecin <<
assoupi en 1930, et tiré de sa léthargie en 1960, ne
reconnaît plus rien : les méningites aigues, la méningite
tuberculeuse, les tuberculeuses aigues, les infections générales,
l'endocardite maligne, les bronchopneumonies évoluent vers la
guérison. La maladie d'Addison peut être équilibrée,
l'anémie pernicieuse n'est plus pernicieuse ; les chirurgiens ouvrent
les coeurs et les cerveaux, les hématologistes sauvent les
nouveaux-nés en changeant tout leur sang, les psychiatres devenus
chimistes, corrigent les graves désordres de l'esprit. Les sondes, les
rayons et les microscopes explorent les viscères, les tissus et les
cellules et leurs molécules mêmes
»181.
La constatation de l'infraction causée par le
médecin n'est pas évidente lorsqu'on est profane en la
matière. C'est la raison pour laquelle, étant donné que
les autorités en charge de constater les infractions et d'en
appréhender les auteurs disposent de moyens limités. On pourrait
dès lors envisager leur spécialisation dans la constatation des
infractions en matière médicale (A) ; cette spécialisation
passerait aussi par le recours à l'expertise dès la phase de
l'enquête préliminaire (B).
A- La spécialisation des agents et officiers de
police judiciaire dans la constatation des infractions en matière
médicale.
L'évolution de la société
s'accompagne de l'évolution du phénomène de la
criminalité. Pendant plusieurs siècles, les formes
utilisées par les criminels étaient assez rébarbatives
(pillages, razzias). De nos jours, elles sont plus complexes, plus
sophistiquées à l'exemple du piratage informatique, et sont le
fruit de l'évolution de la science et de la technique. La
médecine n'est pas restée en marge de cette évolution. Des
maladies jadis incurables (peste, syndrome du charbon), on est arrivé
à la réussite des opérations chirurgicales encore
inenvisageables il n'y a pas longtemps. << Le médecin
devient maître de la vie et de la mort : les survies artificielles dues
au progrès de la réanimation remettent en question la
définition même de la mort. Les progrès de la biologie
moléculaire et de la génétique illustrés par
la
181 J. BERNARD cité par AKIDA, op.cit.,
p.51.
découverte de l'A.D.N. font envisager la
possibilité d'une manipulation génétique, source de
grandes espérances, mais aussi de craintes sérieuses. Le
développement de l'immunologie fournit, par le typage des tissus, des
connaissances essentielles pour les transplantations de tissus et d'organes qui
à leur tour soulèvent de nouvelles questions d'ordre social et
éthique. La neurobiologie et la neurochirurgie, la psychiatrie et la
psychopharmacologie susceptibles de modifier le comportement humain,
fournissent un exemple encore plus manifeste du pouvoir qui est
désormais donné à l'homme
>>182.
Face à cet état de choses, les moyens
mis à la disposition des officiers de police judiciaire ont-ils
également augmenté ? Si l'on note l'existence des moyens face
à la lutte contre le grand banditisme, qu'en est-il des infractions
nettement plus subtiles, mais toutes aussi dévastatrices, car portant
atteinte à l'ordre social en général, à
l'intégrité physique et même morale du malade.
Le corps médical n'est pas uniquement
composé de bons professionnels, on y retrouve aussi des individus qui
exercent au mépris des règles fondamentales qui régissent
l'exercice de la profession183. C'est la raison pour laquelle, les
officiers de police judiciaire devraient être spécialisés
dans la constatation de l'infraction en matière médicale en
étant imprégnés des principes et des textes qui
régissent l'exercice de la profession des médecins, de leur Code
de déontologie.
Cette spécialisation des agents et officiers de
police judiciaire pourrait concourir à ramener la phase d'expertise au
niveau de l'enquête préliminaire.
B- Le recours à l'expertise dès la phase de
l'enquête préliminaire.
En occident et dans les pays développés,
les structures de police disposent de leurs propres laboratoires dans lesquels
elles peuvent effectuer différents types d'analyses. Au Cameroun, il
existe un laboratoire de police scientifique et technique situé à
Yaoundé. Cette structure est la seule du genre dans le pays et souffre
d'un manque criard de personnel et de matériel. La spécialisation
des officiers de police judiciaire serait bénéfique si elle
était suivie de la mise sur pied à travers le pays de
laboratoires et de personnels dépendant de la police et dans lesquels
les analyses techniques pourraient être menées si l'infraction
porte atteinte à la vie ou à l'intégrité physique
du patient. La mise sur pied d'une police scientifique
182 M. REVEILLARD, « rapport de synthèse de
Colloque de droit européen sur la responsabilité civile des
médecins >>, cité par AKIDA, op.cit, p.52.
183 Affaire NDEUMENI NOUBEVAN Charles Dechateau,
supra.
contribuerait à ramener l'expertise à la
phase de l'enquête préliminaire, et garantirait des dossiers bien
ficelés à transmettre au juge d'instruction.
L'élucidation des questions techniques
dès la phase d'enquête, qui passerait par la mise à la
disposition dans les structures de police de matériel adéquat
serait une garantie non négligeable de protection des droits du malade,
et un moyen objectif de discernement quant à la continuation ou à
l'arrêt de la procédure.
S'il parait clair que la mise en oeuvre des
dispositions appropriées en vue d'une meilleure protection des patients
passe par les innovations quant à la procédure de mise en oeuvre
de la responsabilité du médecin, il faudrait tout aussi envisager
d'autres innovations.
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