Paragraphe II : Les autres innovations
envisageables.
Etre comptable du bien-être des êtres
humains, de leur santé et de leur vie est une énorme
responsabilité pour celui qui y est assigné, en l'occurrence le
médecin. De ce fait, des innovations significatives devraient être
opérées au cours de la formation de médecins et dans la
pratique de la médecine au Cameroun (A), tout comme le
législateur gagnerait à créer un cadre propice à la
protection des patients (B).
A- Les innovations propres à la formation des
médecins et à la pratique de la médecine au Cameroun.
La médecine ou l'art de guérir est
enseignée au Cameroun tant dans les institutions universitaires
publiques (Facultés de médecines et de sciences
biomédicales) que privées. Nombreux sont également les
pays étrangers dans lesquels nos médecins vont se former. Bien
qu'il s'avère impérieux d'améliorer les conditions de
travail de nos praticiens (2), il est déplorable de savoir que dans la
formation locale, << le droit humain »184 soit
insuffisamment enseigné (1).
1- L'enseignement du « droit humain
» dans les facultés de médecine.
Dans sa politique de formation des médecins,
l'Etat doit former plus et mieux les
praticiens. Le nombre des médecins étant
très réduit, on compte au Cameroun un médecin
184 ELONG NGONO (S), << Droits des malades, devoirs
des médecins », op.cit.
pour 10 000 habitants. De ce fait, le nombre de
médecins doit être accru. Bien que les facultés de
médecine aient été créées dans plusieurs
universités d'Etat, le constat qui se dégage et qu'il faudra
attendre plusieurs années pour avoir des médecins
opérationnels, et plus d'années encore pour que la moyenne soit
conforme aux exigences de l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS).
En outre, un accent particulier devrait être mis
sur la formation des médecins qui s'avère lacunaire. Lorsqu'il
est opérationnel, le médecin doit assurer la continuation de sa
formation universitaire, doit sans cesse se recycler. En effet, <<
l'enseignement de la médecine légale n'est pas
suffisamment dispensé dans nos facultés et écoles de
médecine >>185.
Dans le quotidien national Cameroon Tribune du 20
Novembre 2007, M. MUNA, président du Conseil de l'Ordre national des
médecins du Cameroun a formulé des blâmes à
l'encontre de plusieurs de ses confrères. Ces sanctions avaient pour
cause : la survenance des résultats fatalement imprévus au cours
d'une intervention chirurgicale et, la délivrance de certificats
médicaux complaisants. Les auteurs de ces méfaits
connaissaient-ils les dispositions légales qui encadraient leurs
agissements ? Comment peut-on savoir délivrer un certificat
médical alors qu'on ne l'a pas appris et qu'on n'en connaît pas
les dispositions légales ? Bien sûr, l'article 75 du Code
pénal Camerounais dispose que nul n'est censé ignorer la
loi.
De ce qui précède, il ressort qu'au
Cameroun, les médecins ne sont pas suffisamment formés quant en
ce qui concerne le domaine de leur responsabilité, et notamment les
dispositions légales qu'ils devraient respecter dans l'exercice de leur
profession. Un accent devrait dès lors être mis sur ces
différents aspects au courant de leur formation. Mais ne perdons pas de
vue que l'efficacité de la médecine passe aussi par
l'amélioration des conditions de travail des
médecins.
2- L'amélioration des conditions de travail des
médecins.
La médecine telle que pratiquée par
HIPPOCRATE et telle que présentée dans son très
célèbre serment s'apparente à un sacerdoce. La vie des
patients et leur bien-être devrait primer sur l'appât du gain ; le
médecin ne devrait pas se livrer à ce que la jurisprudence
française qualifie de << médecine en
série >>186.
185 ELONG NGONO, << Devoirs de médecins
>>, op.cit.
186 Tribunal correctionnel de Marseille, 24
Février 1977, G.P. 1978.1.79, note P.J. DOLL.
Parce que << le médecin n'a
que des devoirs vis-à-vis du malade >>187,
il faudrait que la société pour laquelle il travaille
améliore ses conditions de travail en le protégeant contre les
actes de ceux qui peuvent nuire à ses devoirs. De ce fait, le
médecin Camerounais devrait être exempté d'un certain
nombre de servitudes, en l'occurrence, les barrages routiers sur son
itinéraire professionnel, les pénalités de stationnement
en cours d'activités, ou encore des contraintes de péage en
mission sanitaire.
Si les garanties de l'efficacité de la
médecine au Cameroun passent par les innovations dans la formation des
médecins et dans l'amélioration de leurs conditions de travail,
la mise en place d'un cadre propice en vue de la protection des patients
s'avère opportune.
B- La mise en place d'un cadre propice en vue de la
protection des patients.
Le patient qui se rend dans un centre hospitalier a
pour souci premier la quête de la guérison, du soulagement. Il se
confie dès lors entièrement au corps médical dont
l'accueil, selon qu'il est professionnel ou pas est déterminant pour la
suite du traitement de celui-ci. Ils sont nombreux les médecins qui au
Cameroun ne connaissent pas les textes qui régissent leur profession.
C'est la raison pour laquelle la création d'un corps de règles
à l'exemple d'un Code de la Santé publique semble être plus
qu'impératif (1), bien que pour l'heure, le problème qui se pose
avec acuité est celui de l'assainissement des comportements dans nos
hôpitaux (2).
1- La mise sur pied d'un Code de la Santé
Publique.
Le caractère épars des textes relatifs
à la santé publique dans un pays qui connaît une inflation
législative ne contribue pas à encourager les usagers et
même les professionnels à les connaître. La mise sur pied
d'un Code de la Santé Publique qui contiendrait tous les textes
régissant l'organisation, le fonctionnement du corps médical
s'avère nécessaire. Un tel instrument serait d'une grande
utilité pour le citoyen qui pourrait s'en imprégner, et surtout
pour les médecins car il constituerait un code de conduite plus
complet.
Si la mise en place d'un Code de la Santé
Publique s'avère indispensable, une politique d'assainissement et de
réglementation des pouvoirs publics des comportements dans les
hôpitaux serait d'un très grand intérêt.
187 ELONG NGONO, << Devoirs de médecin
>>, op.cit.
2- La nécessité d'assainir les
comportements et la réglementation dans les hôpitaux.
L'accès aux soins dans les
établissements hospitaliers est soumis à une pluralité
d'exigences pour le patient. Il faut s'acquitter de ses frais de consultations
ou les honoraires des médecins lorsqu'ils exercent en clientèle
privée. A côté de ces exigences se sont greffés dans
la pratique hospitalière camerounaise des comportements aussi
déplorables les uns que les autres. Il s'agit en l'occurrence du
phénomène de corruption qui a cours dans ces structures
(monnayage divers pour rencontrer le praticien, abandon des malades indigents,
vol de médicaments, recommandations chez des pharmaciens pour l'achat
des médicaments, vente des médicaments par les
infirmières). C'est la raison pour laquelle pour une meilleure
qualité de soins, il serait important de procéder à
l'organisation des contrôles à propos de la qualité des
soins dans les hôpitaux. Ces contrôles pourraient être faits
par des agents du Ministère de la Santé Publique ou par voie de
sondage sur les usagers, et dont les résultats seraient rendus
publics.
Bien que salutaire, cette mesure gagnerait à
être appréciée par les usagers eux-mêmes par la
création au sein des établissements hospitaliers, à
l'exemple des cellules anticorruption érigées dans les
différents ministères, des cellules de protection des droits des
patients qui auraient pour rôle de recenser les plaintes des patients
suite aux mauvais traitements dont ils auraient pu être victimes, et
s'assurer que ces derniers rentrent dans leurs droits.
En définitive, parce qu'il comporte une
pluralité d'aspects techniques, la procédure de mise en oeuvre de
la responsabilité pénale du médecin est complexe. Elle est
similaire que toutes les procédures en matière pénale en
tant qu'elle va de la constatation de l'infraction au prononcé du
jugement en passant par la phase d'information. Il faut rappeler que face
à la complexité de l'établissement des faits, il est
souvent fait recours à l'expertise. L'expertise a pour but d'apporter
des éclaircissements face à une question technique qui survient
au courant de la procédure. Toutefois, il s'avère
nécessaire de mettre en oeuvre un cadre approprié en vue de la
protection du patient. Cela passe par les innovations dans le domaine la
procédure de mise en oeuvre de la responsabilité pénale du
médecin. Il s'agit notamment de la spécialisation des officiers
de police judiciaire dans la constatation des infractions en matière
médicale, et du recours à l'expertise à la phase de
l'enquête préliminaire. Quant aux autres innovations
envisageables, elles devraient s'appesantir sur la formation continue des
médecins,
notamment, dans son aspect pratique ; d'où la
nécessité de mettre en place un cadre propice de protection des
droits des patients dans nos centres hospitaliers.
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