CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE.
De l'analyse menée sur la mise en oeuvre de la
responsabilité pénale du médecin traitant, il ressort que
c'est un domaine au Cameroun qui est caractérisé non seulement
par les difficultés dont il fait l'objet, mais également par une
pluralité d'aspects techniques, ce qui complexifie la
procédure.
En effet, les obstacles qui surviennent peuvent
être de deux ordres. Soit ils sont propres à l'environnement
camerounais, soit ils sont relatifs aux difficultés liées
à l'établissement de la preuve. Les réalités
culturelles et socio-économiques, ainsi que les obstacles d'ordre
juridique sont autant de freins qui dans une mesure atténuent
l'initiative des patients à établir la responsabilité de
leur médecin traitant. D'un autre côté,
l'établissement hospitalier est garant de la protection des informations
mises à sa disposition par les patients. Tl les consigne dans des
dossiers médicaux. Sa connaissance ne peut être transmise aux
tiers que dans des conditions strictement limitées, qui ne
préjudicient pas au patient. Cette protection rend difficile
l'établissement de la preuve. Pour pallier cet obstacle, la Cour de
Cassation a, dans l'arrêt dit HEDREUL, rendu en 1997 renversé la
charge de la preuve en matière médicale.
En outre, s'agissant de la complexité de la
procédure, elle est due à la spécificité des
étapes qui interviennent dans la mise en oeuvre de la
responsabilité pénale du médecin traitant. En effet,
l'intervention des aspects techniques aux divers stades de la procédure
fait qu'il n'est pas aisé pour le profane d'établir qu'un
médecin a, dans l'exercice de ses fonctions commis une faute. C'est la
raison pour laquelle le législateur a institué l'expertise, dont
le but est de répondre aux questions d'ordre technique qui sont
soulevées tout au long de la procédure.
Mais, face au caractère embryonnaire de la
responsabilité pénale du médecin au Cameroun, il est
nécessaire de mettre en place des dispositions visant à assurer
une meilleure protection des patients. Ces innovations devraient être
engagées d'abord au niveau de la procédure de mise en oeuvre de
la responsabilité pénale, ensuite au niveau de la formation des
médecins et de la pratique de la médecine au Cameroun, et enfin
dans la mise en place d'un cadre propice de protection des droits du
patient.
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CONCLUSION GENERALE.
En définitive, de la réflexion portant
sur la responsabilité pénale du médecin traitant dans le
système pénal camerounais, un constat se dégage : le temps
est révolu où Montaigne pouvait écrire que «
les médecins ont le gros avantage que leurs échecs
sont sous terre et que leurs succès se promènent au
soleil ». Au Cameroun, le médecin, dans l'exercice de
sa profession doit respecter la loi auquel cas, il s'expose à des
poursuites judiciaires.
L'appréciation de la responsabilité
pénale du médecin traitant exige qu'on puisse au préalable
cerner son étendue. Le médecin est un professionnel dont la
mission est de procurer la guérison à ses patients. De ce fait,
la loi lui permet de transgresser certaines règles, si son acte vise un
but thérapeutique. C'est ce qui rend incertains les contours de la
responsabilité pénale de ce dernier. En effet, si la commission
d'une faute est l'élément indispensable pour engager la
responsabilité du praticien, il faut néanmoins que cette faute
ait causé un préjudice, et qu'elle soit établie par
l'existence d'un lien de causalité : l'arrêt MERCIER a posé
les fondements de la relation médecin-patient comme issue d'un lien
contractuel. Toutefois, certains actes constitutifs de faute posés par
le médecin l'exonèrent de sa responsabilité. Ces actes
peuvent être commis de façon volontaire par le praticien, ou
échapper à sa liberté d'appréciation. En vertu de
la protection faite par la loi à l'homme de l'art, il peut voir sa
responsabilité renforcée eu égard à son statut
juridique. Il doit de ce fait se soumettre à ses obligations
éthiques et déontologiques dont la violation de certaines d'entre
elles connaît une répression sur le plan pénal. Il en est
ainsi du secret médical qui est en même temps un engagement
déontologique et une infraction au sens de l'article 310 du Code
pénal.
Le risque est inhérent dans la pratique de la
médecine. C'est la raison pour laquelle un acte positif posé par
le praticien peut avoir des conséquences dramatiques, tout comme son
abstention à agir. C'est ainsi que dans l'exercice de son art, le
professionnel peut porter atteinte à l'intégrité physique
et morale du patient, ainsi que se heurter à des principes
éthiques et déontologiques. Tous ces éléments
lorsqu'ils sont établis, rendent le médecin
responsable.
Toutefois, il n'est pas aisé de mettre en
oeuvre la responsabilité pénale du médecin. En vertu de la
pluralité des aspects techniques qui la caractérise, c'est une
procédure qui se heurte à plusieurs types d'obstacles qui sont
soit précontentieux, soit, ils surviennent tout au long de la
procédure.
En ce qui concerne les difficultés
précontentieuses, elles sont de plusieurs types. D'une
part, elles sont propres à l'environnement
camerounais. A côté des réalités culturelles
qui
occupent une place importante dans le quotidien des
populations, il y a également le phénomène de
pauvreté qui ne permet pas la protection efficace des droits des
justiciables. La promulgation d'une loi sur l'assistance judiciaire permettra
certainement aux justiciables indigents de se faire rendre justice.
L'institution qu'est l'assistance judiciaire mériterait toutefois
d'être vulgarisée afin de toucher ceux à qui elle est
destinée, à savoir les pauvres.
D'autre part, le point épineux dans la
procédure de mise en oeuvre de la responsabilité pénale du
médecin a de tout temps été celui de la preuve. Comment un
profane peut-il porter des accusations contre un professionnel qui
connaît mieux que quiconque le fonctionnement du corps humain et qui
connaît les secrets de la vie et de la mort ? Ce d'autant que l'outil
crucial dans l'apport de la preuve n'est pas toujours à la portée
des tiers : le dossier médical. On retiendra que l'arrêt HEDREUL
de 1997, rendu par la Cour de Cassation a facilité la tâche au
patient et à ses ayants droit en renversant la charge de la preuve en
matière médicale. Dorénavant, c'est au médecin
qu'il incombe d'apporter la preuve qu'il a agi en bon
professionnel.
En ce qui concerne la procédure de mise en
oeuvre de ladite responsabilité, elle est très complexe car, elle
fait intervenir des étapes spécifiques. Ces étapes se
justifient par la nécessité d'éclaircir des questions
d'ordre technique qui peuvent ombrager la procédure. Le statut de
professionnel du médecin ne permet pas toujours au juge
d'apprécier l'opportunité de l'acte posé par le praticien.
C'est la raison pour laquelle l'expertise est une mesure importante en ce sens
qu'elle permet de répondre aux questions d'ordre technique qui
pourraient intervenir tout au long de la procédure, et contribue ainsi
à la manifestation de la vérité.
C'est la raison pour laquelle, il faudrait envisager
la mise en place des dispositions appropriées en vue d'une meilleure
protection des patients. Cela passe d'une part, par des innovations quant
à la procédure de mise en oeuvre de la responsabilité
pénale du médecin. Il s'agit notamment de la
spécialisation des agents et officiers de police judiciaire dans la
constatation des infractions en matière médicale, et du recours
à l'expertise dès la phase de l'enquête
préliminaire. D'autre part, il faudrait améliorer la formation
des médecins, ainsi que les conditions de la pratique de la
médecine au Cameroun. La mise sur pied d'un cadre propice en vue de la
protection des patients s'avère nécessaire. Pour y parvenir, il
serait impérieux d'adopter un Code de la santé publique, et
surtout, d'assainir les comportements et la réglementation dans nos
hôpitaux. La protection de la vie et surtout, une bonne prise en charge
des patients sont à ce prix.
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De ce fait, si le médecin est le principal mis
en cause à l'issue de la survenance d'un préjudice
résultant de l'acte médical, cette faute ne peut t-elle provenir
d'un acteur étranger à l'acte médical, à l'exemple
du fabricant de médicament ?
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