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La responsabilité pénale du médecin traitant dans le système pénal camerounais

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par René Serges Maran ASSOUMOU René Serges Maran
Université de Douala- Cameroun - DEA 2006
  

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B- Les causes d'exonération relatives aux actes échappant à la volonté du médecin.

Malgré l'évolution vertigineuse dont la médecine fait l'objet, le corps humain continue d'entretenir des mystères pour l'homme de l'art. L'aléa reste présent dans l'acte médical. Pour cette raison, le praticien ne peut pas toujours garantir de l'efficacité du traitement du patient (1). Bien que professionnel, le médecin est un être humain qui peut, sous l'effet de forces indépendantes de sa volonté être amené à poser des actes non voulus. Il en est ainsi lorsqu'il est sous l'effet de la contrainte ou de la démence (2). Tout cela ne doit pas nous faire perdre de vue qu'un auxiliaire médical ou le patient peut être à l'origine du préjudice (3).

1- La réaction défavorable du patient au traitement à lui administré.

L'action thérapeutique commence par le diagnostic. Diagnostiquer, c'est le fait pour un médecin de reconnaître et d'identifier les maladies d'après leurs symptômes.

Le diagnostic médical est entouré de certaines particularités. Il ne fait pas seulement appel à la science, mais aussi à l'expérience et à l'intelligence49. Néanmoins, tous les médecins ne possèdent pas à la fois ces qualités et sont donc exposés à commettre des erreurs. C'est dans cette optique que MONNEROT-DUMAINE a soutenu que << le diagnostic ne fait pas appel seulement aux connaissances et à la correction des examens cliniques et biologiques, il dépend aussi de l'esprit critique, d'une certaine forme d'intelligence. On peut être instruit et se tromper de diagnostic parce qu'on manque d'intelligence... »50.

Ensuite, le médecin choisit le traitement convenant à l'état du malade et le met en application. Dans le choix de la mise en oeuvre du traitement, la prescription d'une thérapeutique n'est pas toujours une conséquence automatique du diagnostic ; c'est un choix entre les risques car, le médecin pèse entre le risque et l'efficacité de l'action thérapeutique. Il choisit le traitement convenant à chaque malade. En effet, << le médecin doit personnaliser le traitement pour l'adapter à l'état de chaque malade en tenant compte de l'âge, du sexe, de l'état d'altération plus ou moins importante des organes ou des tissus »51.

Il serait toutefois loisible de souligner que la connaissance de l'état du malade est naturellement imparfaite, car il faut tenir compte des aléas, des imprévus et des réactions inattendues du patient. Bien qu'avec l'évolution de la médecine, la marge d'imprévisibilité dans la réaction du patient se trouve progressivement réduite, les secrets du corps humain ne

49 AKIDA (M), op.cit., p.110.

50 Ibid.

51 Crim. 16 Avril 1921 DP 1921.1.184.

sont pas encore tous découverts. En outre, l'organisme du patient surprend de temps à autre le médecin par des réactions imprévisibles et inconnues. On parle de << prédispositions >> du malade. Le terme << prédispositions >> désigne tout état pathologique, toute particularité physique ou mentale anormale, propre à aggraver le préjudice résultant d'un accident.

La jurisprudence française tient compte de ces prédispositions imprévisibles pour affirmer soit l'absence de la faute, soit surtout l'absence du lien de causalité entre la conduite du médecin et le dommage subi par le malade. C'est dans cette logique que la Cour de Cassation affirme qu' << aucune faute ne saurait être relevée contre un médecin spécialiste qui a procédé à l'examen d'un patient en se servant d'un appareil classique en parfait état, employé sans maladresse ni brutalité et alors que le fait dont les suites ont été mortelles a consisté dans une érosion causée par une contraction musculaire qui ne pouvait être prévue par lui >>52. En effet, le praticien avait été appelé pour pratiquer l'oesophagoscopie sur un malade, et qu'au cours de cet examen il se produisit une érosion de la paroi du pharynx à la suite de laquelle se déclarèrent une pleurésie purulente et une médiasténite ayant entraîné la mort.

L'imprévisibilité des réactions du malade rompt dans ce cas tout lien de cause à effet entre l'action médicale et le décès du patient.

Si le patient, en l'absence de toute faute du médecin réagit négativement à un traitement auquel il a été soumis, la responsabilité du médecin ne peut être engagée car, après tout, ce dernier n'est soumis qu'à une obligation de moyens et non de résultat. La réaction défavorable du patient au traitement ainsi examiné, qu'en est-il du médecin sous le coup de la démence ou de la contrainte ?

2 - Le médecin sous le coup de la démence ou de la contrainte.

<< L'intelligence est une qualité fondamentale de l'être humain. Elle lui confère le monopole de la responsabilité puisqu'elle lui donne la possibilité de discerner le bien et le mal >>53. Une personne dont les qualités intellectuelles sont insuffisantes ou inexistantes ne comprend pas clairement la portée de son acte qui ne peut lui être imputée. Aussi, avant de déclarer un individu coupable d'une infraction, il faut auparavant s'assurer qu'il dispose de toutes ses facultés mentales. Le dément n'est pas imputable puisque son affection mentale exclut chez lui la faculté de comprendre ce qu'il fait.

52 Cass. Req. 31 Octobre 1933.D.H.1933, p.537; G.P. 1933.2., p. 988.

53 NDOKO (N.C.), op.cit., p.32.

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Le Professeur NDOKO retient deux acceptions de la notion de démence : d'un point de vue psychiatrique et d'un point de vue juridique. << En psychiatrie, le terme démence désigne uniquement, la déchéance progressive et irréversible de la vie psychiatrique due à la sénilité ou à la paralysie générale syphilitique... pour le juriste, c'est toute maladie de l'esprit, toute aliénation mentale « exclusive du discernement » et de la liberté de décision >>54.

En effet, il est très rare qu'un médecin puisse exercer dans des conditions où toutes ses facultés mentales ne pourraient être mises à contribution. L'Ordre des médecins est l'institution qui veille sur la qualité des professionnels qui le constituent. Toutefois cela ne constitue pas une garantie car, le médecin est un être humain et comme tel, peut être atteint par une maladie de l'esprit. La démence est prévue par l'article 78 du Code pénal camerounais. Sa détermination est soumise à des conditions strictes, elle doit être médicalement constatée (il s'agit du recours à l'expertise psychiatrique), et doit être contemporaine à l'action. La << sanction >> résultant généralement à l'issue d'une démence établie est l'internement dans un centre psychiatrique de l'accusé.

Quant à ce qui concerne la contrainte, contrairement au Code pénal français qui vise tout

type de contrainte, au Cameroun, << seule la contrainte matérielle irrésistible conformément à

l'article 77 du Code pénal est une cause de non imputabilité, la contrainte morale ne l'est

pas >>55. Néanmoins, parmi les conditions de menace exonératoire, nous pouvons dire que :

- les menaces constitutives de contrainte morale doivent être des menaces de mort ou de blessures graves au sens de l'article 277 du Code pénal, c'est à dire, faire craindre << la privation permanente de l'usage de tout ou partie d'un membre, un organe, ou d'un sens >>. en somme, le péril qui menace l'agent doit être considérable.

- La menace doit être imminente, c'est à dire être présente ou devant se produire

immédiatement.

- La menace doit être << non autrement évitable56 >>.

- Il faut l'absence d'une faute antérieure, c'est à dire que la menace doit surprendre

le prévenu. Tel ne serait pas le cas si ce dernier s'est volontairement exposé au risque de telles menaces tel que l'énonce l'alinéa 2 de l'article 81 du Code pénal. Dans ce cas, il y aura seulement réduction de la peine par l'effet d'une excuse légale atténuante.

54 Idem, p. 33.

55 Idem, p. 47 et suiv.

56 Idem, p.54.

Qu'en est-il lorsqu'un auxiliaire médical ou le patient est à l'origine de la faute ?

3- La faute de l'auxiliaire médical ou du patient.

Dans certains cas, le médecin peut confier l'exécution de certains actes médicaux à un auxiliaire médical. Si à la suite d'une imprudence ou d'une négligence commise par ce dernier, le patient subit un préjudice ou décède, la question de la responsabilité sera soulevée : qui doit répondre du résultat délictueux : le médecin seul, l'auxiliaire seul, ou les deux respectivement ? Bien que la jurisprudence française ait parfois condamné le médecin malgré la faute de l'auxiliaire57, dans d'autres cas, les tribunaux considèrent que l'auxiliaire est le seul responsable du dommage subi par le malade.

<< Nul n'est punissable qu'à raison de son fait personnel » affirme la Cour de cassation58. La responsabilité pénale est une responsabilité personnelle. Par conséquent, si les faits révèlent que le médecin n'a pas commis une faute dans le traitement et que le décès du malade est le résultat d'une faute commise par une infirmière, le médecin impliqué dans la poursuite doit être relaxé et la responsabilité pénale de l'auxiliaire doit en revanche être retenue.

C'est ainsi qu'en a décidé le tribunal correctionnel d'Abbeville59. Il s'agissait d'un
malade atteint d'une syphilis héréditaire. Le médecin lui avait prescrit une série d'injections
de sulfarsénol. En raison de l'éloignement du lieu d'habitation du malade, le médecin avait
confié l'exécution du traitement à une infirmière diplômée et lui avait remis un prospectus
relatif au mode d'emploi du sulfarsénol. Il lui avait demandé de se conformer, pour l'ordre et
l'intervalle des injections, aux indications qu'il avait soulignées d'un trait de plume.
L'infirmière ne s'est conformée ni aux indications du médecin ni à celles du prospectus et le
jeune malade est décédé après la 9ème piqûre. Le décès a été attribué à une méningite suraigüe.
Le médecin et l'infirmière furent poursuivis pour homicide par imprudence. On
reprocha au médecin de confier à une infirmière le soin de pratiquer des injections

57 Cette question a été à l'origine d'une controverse entre la doctrine et la jurisprudence en France. Certains actes ordinaires tels que la stérilisation des instruments pendant l'opération, ou le réchauffement du malade après l'opération par bouillotes, peuvent être confiés à une infirmière. La doctrine estime que les soins post-opératoires courants tels que le réchauffement de l'opéré, fait partie des soins hospitaliers et relèvent à ce titre, de la responsabilité de l'établissement de santé et non pas de celle du chirurgien.

La jurisprudence avait cependant refusé ce point de vue et avait admis << la responsabilité pénale du fait d'autrui » à l'encontre du chirurgien, chef de l'équipe médicale (crim. 21 février 1946, B. crim. No 68, p. 98). Lire AKIDA (M), op.cit., p. 366 et suiv.

58 Voir crim. 3 Mars 1933, Bull. crim. No 49, p. 145; crim. 16 Décembre 1948, Bull. crim. No 291, p. 1011.

59 Le 24 Octobre 1935, G.P. 1936.1. p. 76

extrêmement dangereuses. On reprocha à l'infirmière une double faute : modifier de son propre chef les prescriptions cependant précises qui lui avaient été données et négliger d'informer le médecin de la réaction douloureuse causée par la première piqûre sur l'organisme du malade.

Le tribunal relaxa le médecin pour condamner l'infirmière pour homicide par imprudence. Il estima que le médecin n'avait commis aucune faute en relation de cause à effet avec le décès : il avait ordonné un traitement correct, adéquat et prudent. Ensuite, il pouvait s'en remettre à l'infirmière compétente, avertie, expérimentée, qui s'était chargée de l'exécution du traitement. Enfin, le fait dont les suites avaient été mortelles consistait en une mauvaise exécution de son ordonnance qui ne pouvait être prévue par lui. Le tribunal a donc estimé que la faute de l'infirmière constituait pour le médecin un cas de force majeure l'exonérant de toute responsabilité.

En outre, la victime, par son imprudence ou sa négligence, peut contribuer à la réalisation du dommage qu'elle a subi. Mais dans ce cas généralement, il se trouve que les responsabilités sont le plus souvent partagées entre le médecin et le patient et/ou les personnes responsables du malade. En effet, en cas de dommage, il est très souvent reproché au médecin d'avoir failli à son devoir d'information (ne s'être pas assuré de la vacuité de l'estomac avant de procéder à une opération chirurgicale, prescrire au malade un produit auquel il est allergique), car << le médecin ne doit ... pas attendre que le malade lui fournisse spontanément tous les renseignements utiles, mais il doit l'interroger sur tout ce qui est utile pour éclairer son état >>60. Tout comme << le médecin ne doit pas attendre que les parents ou plus généralement les responsables du patient lui fournissent spontanément les renseignements utiles ou remplissent à sa place le devoir de surveillance du malade >>61. De ce fait, pour que la faute du médecin soit exonérée, la Cour de cassation a estimé que << la faute de la victime n'exonère le prévenu de la responsabilité de l'accident que si elle a été la cause unique et exclusive, ou qu'elle a été la cause unique, imprévisible et inévitable de l'accident >>62.

Cerner les contours de la responsabilité pénale du médecin n'est pas évident car, c'est un corps de métier fait d'ambivalence, de confusions et de contradictions. Le médecin traitant est permanemment pris entre les risques qu'il doit prendre pour apporter soulagement à son patient et le respect de la loi. Le législateur, soucieux de la sauvegarde des intérêts de la société, tout comme l'Ordre National des Médecins du Cameroun, garante de la préservation

60 AKIDA (M), op.cit., p. 376

61 Idem, p.377

62 Crim. 18 Juillet 1929.S.1932.1.159 ; Paris, 1er Mars 1974, J.C.P.1975.II.17922, note A.C.

des valeurs dans l'exercice de l'art médical ont mis en oeuvre un corps de règles (Code pénal et Code de déontologie) qui ont pour but la préservation des droits du malade. L'exemple a été donné par le préambule de la Constitution, les dispositions du Code pénal et les dispositions du Code de déontologie.

La Cour de cassation en France joue également un rôle majeur dans le souci d'éclairer le mieux possible le champ de la responsabilité du médecin traitant. Tout cela conduit à l'accroissement des obligations du médecin, qui du fait qu'il doit sauver des vies a un devoir d'humanité ; d'où le renforcement de sa responsabilité pénale du point de vue de ses obligations professionnelles, mais également, au vu des informations que le patient met à sa disposition.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo