SECTION II : LE STATUT JURIDIQUE DU
MEDECIN TRAITANT : UN FACTEUR DE RENFORCEMENT DE
SA RESPONSABILITE PENALE.
Le médecin dans l'exercice de son art est
soumis à un devoir d'humanité. Ce devoir se matérialise
par les obligations qu'il a de soigner et de sauver des vies, ces obligations
impliquent le respect de la vie du patient à tous les niveaux. En effet,
le médecin dans le cadre de l'exercice de son art est tenu au respect
des règles qui régissent sa profession. Lorsqu'il suit son
patient, il est tenu au respect de sa vie privée ; car, il prend
connaissance des informations qui lui sont personnelles. La
responsabilité du médecin peut être retenue au vu des
informations mises à sa disposition (Paragraphe II) ; ce qui n'est que
la résultante des obligations auxquelles ce dernier est tenu en vertu de
sa profession (Paragraphe I).
Paragraphe I: La responsabilité pénale
liée à la profession du médecin.
Le médecin qui exerce prête serment.
C'est HIPPOCRATE qui a posé les bases de ce serment. Il
révèle les principes de l'éthique et de la
déontologie médicales prononcés par tout médecin
avant de commencer à exercer. A sa lecture, nous pouvons recenser
l'essentiel des obligations inhérentes à l'exercice de la
profession de médecin. Il s'agit en substance de


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l'obligation de fidélité
vis-à-vis de son « maître
»63 en médecine, de l'obligation de
désintéressement. Il a en outre un devoir de conseil aux malades,
de non recours au poison. Il ne doit pas procurer la mort à son patient
même si c'est ce dernier qui en fait lui-même la demande, il ne
doit pas recourir à l'avortement...et la liste est loin d'être
exhaustive. Nous pouvons regrouper ces obligations en deux types : l'obligation
de soigner et l'obligation de sauver des vies. En vertu du rôle important
qu'il tient dans la société, la responsabilité du
médecin est juridiquement encadré (A). De cet encadrement
procède une multitude d'obligations (B).
A- L'encadrement juridique de la responsabilité
du médecin.
Le Code de déontologie médicale du
Cameroun pose les bases éthiques et déontologiques de la
profession médicale, et, le médecin qui y contrevient s'expose
à des sanctions disciplinaires. Le législateur, garant de la
protection des droits et libertés, dans le souci d'assurer l'harmonie
sociale a mis sur pied un système répressif. Ce système
vise à réprimer les agissements qui troublent l'ordre social. Les
médecins, dans l'exercice de leur art ne sont pas exempts de poursuites.
Aussi, certains des devoirs contenus dans le Code de déontologie
trouvent leurs incriminations dans le Code pénal. Le praticien qui viole
la loi dans le cadre de ses obligations professionnelles peut voir sa
responsabilité engagée sur le plan pénal. S'il parait
indéniable que la sauvegarde et le respect de la vie humaine sont des
priorités pour le médecin ceci en vertu du droit universel qu'est
le droit à la santé (2), ces sujétions passent
préalablement par l'exigence de probité qui est faite au
professionnel (1).
1- L'exigence légale de probité faite au
professionnel médical.
De par l'importance qu'il revêt dans la
société, et surtout, au vu du serment qu'il a prêté
en s'engageant à sauver des vies, l'honnêteté et
l'intégrité morale doivent caractériser le médecin.
L'appât du gain facile ne saurait justifier ses interventions,
l'éloignant ainsi de ses missions, auquel cas, il serait assimilé
à un charlatan.
C'est dans cette optique que le Code de
déontologie médicale du Cameroun en son article 18 dispose que
« sont interdites toutes les supercheries propres à
déconsidérer la profession, en particulier toutes les pratiques
de charlatanisme ». Cette exigence est
63 C'est le terme
consacré par HIPPOCRATE dans son très célèbre
serment et qui vise à désigner celui qui initie le médecin
à l'exercice son art.
renforcée par l'article 24 du même Code
qui dispose que << le médecin dans ses prescriptions
doit rester dans les limites imposées par les conditions du malade. Il
ne doit en conscience lui prescrire un traitement très onéreux
qu'en éclairant celui-ci ou sa famille sur les sacrifices que comporte
ce traitement et les avantages qu'ils peuvent en espérer. Le
médecin ne doit jamais donner à un malade des soins dans un but
de lucre >>.
Il en découle donc que le médecin qui
contrevient à ses obligations peut être sous le coup des
infractions telles l'escroquerie64. Au Cameroun, il n'est pas rare
de rencontrer des médecins adoptant des comportements curieux. En effet,
à l'issue d'une consultation, un médecin peut recommander
à son patient de se rendre dans une pharmacie nommément
désignée ou chez tout autre vendeur agréé (un
opticien par exemple). Cette démarche permet au praticien de percevoir
des pourcentages par rapport au nombre de << clients
gagnés >>. Ces attitudes sont de nature à
ternir l'image des professionnels de la santé, et les
établissements hospitaliers gagneraient à combattre ces
agissements.
Si l'exigence de probité permet de comprendre les
dispositions pénales qui encadrent la responsabilité du
médecin, la valeur de la vie humaine n'est pas à
négliger.
2- Le droit à la santé : un droit
humanitaire universellement reconnu.
Le droit à la santé est sans cesse en
évolution. En effet, une diversité d'instruments a
été
mise sur pied pour garantir ce droit fondamental tant au
plan international qu'au plan interne.
Au plan international, l'outil de
référence en la matière est la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme qui en son article 3 stipule que <<
tout homme a droit à la vie, à la liberté et
à la sûreté de sa personne >>. A
côté de la Déclaration, le droit de la santé est
également consacré dans les instruments régionaux. A titre
d'exemple, nous pouvons citer la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples, qui stipule en son article 4 que << la personne
humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et
à l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne
peut être privé de ce droit arbitrairement >>.
Et plus proche de nous, le Protocole à la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples relatif aux Droits des Femmes plus connu sous le nom de
<< Protocole de Maputo >> en son article
14.
Au plan interne, la Constitution qui est la norme
fondamentale pose les jalons du droit
de la santé dans son préambule. En le
parcourant, on peut y lire que : << toute personne a
droit
64 Une escroquerie commise
dans la pratique de l'art médical a été retenue par la
Cour de Cassation contre un membre de l'église de scientologie (Crim., 7
Avril 1999, inédit au bulletin, pourvoi No
98-80.40).
à la vie et à l'intégrité
physique et morale ... ». Ce volet est complété
par les lois et règlements de la République. Tout ceci montre
combien est immense la mission dévolue au médecin. De ce fait, le
Serment d'Hippocrate que prêtent les médecins lorsqu'ils
s'engagent à exercer fait état des qualités que
révèle l'art de soigner. Le praticien en vertu du devoir
d'humanité qui est le sien se doit de respecter et de protéger la
vie humaine. Il ne doit par conséquent pas s'adonner à la
pratique d'activités dangereuses65, en administrant du poison
à son patient ou en lui procurant la mort, même si c'est ce
dernier qui lui en fait la demande66. Les atteintes à la vie
sont réprimées par le Code pénal camerounais.67
Cette disposition du Serment d'Hippocrate pose de nos jours le problème
de l'euthanasie que nous verrons dans le cadre de nos développements
ultérieurs.
Pour mener à bien sa mission, le médecin
doit travailler dans des conditions idoines, propres à assurer sa
sécurité et celle du patient. De ce fait, ses conditions de
travail doivent être améliorées. Cela passe par une
meilleure redéfinition du rôle du médecin dans la
société.
Le champ de l'encadrement juridique de la
responsabilité du médecin circonscrit, présenter ses
obligations devient plus évident.
B- Les obligations du médecin traitant.
Le Code de déontologie des médecins du
Cameroun en ses titres 1 et 2 intitulés respectivement : «
DEVOIRS GENERAUX DU MEDECIN » et «
DEVOIRS DU MEDECIN ENVERS LE MALADE »
présente les obligations auxquelles sont soumis les praticiens tant en
vertu de leur profession (1) que vis-à-vis de leurs patients
(2).
1- Les devoirs généraux du
médecin.
Il ressort des dispositions du Code de
déontologie que le médecin doit en toute circonstance respecter
la vie du patient. Et pour ce faire, il est tenu de soigner sans tenir compte
de la condition du patient, de sa nationalité de sa réputation ou
des sentiments que celui-ci lui inspire. Il ne doit en aucun cas exercer sa
profession dans les conditions qui puissent compromettre la qualité de
ses soins et de ses actes. En outre, il ne peut abandonner
65 Art. 228, alinéa 2c
Code pénal.
66 Cf. Serment
d'HIPPOCRATE.
67 Voir infra.
ses malades, même en cas de danger public, sauf
ordre écrit de l'autorité compétente68, sauf
s'il s'est assuré que d'autres soins médicaux de nature à
écarter le danger sont prodigués au malade en danger
immédiat. Le médecin doit porter secours quel que soit sa
fonction ou sa spécialité. Enfin, le médecin ne doit pas
exercer dans un but de lucre. Il doit délivrer des certificats
médicaux dans la forme règlementaire et ne doit pas
délivrer un rapport ou un certificat de complaisance.
Le médecin, dès l'instant qu'il est
appelé à donner des soins et qu'il a accepté de remplir
cette mission, s'oblige vis-à-vis du malade à lui assurer
aussitôt tous les soins médicaux en son pouvoir et
désirables en la circonstance, personnellement ou avec l'aide de tiers
qualifiés69, à agir avec courtoisie et
efficacité envers le malade et à se montrer compatissant envers
lui.
Le médecin doit toujours élaborer son
diagnostic avec le plus grand soin sans compter le temps que lui coûte ce
travail70. Ainsi, après avoir formulé un diagnostic et
prescrit le traitement, le médecin doit s'efforcer d'en obtenir
l'exécution, particulièrement si la vie du malade est en
danger.
2- Les devoirs du médecin envers le
malade.
Dans ses prescriptions, le médecin doit rester
dans les limites imposées par la condition du malade. Il ne doit en
toute conscience, prescrire au malade un traitement très onéreux
qu'en éclairant celui-ci ou sa famille sur les sacrifices que comporte
ce traitement et les avantages qu'ils peuvent en espérer. Les
ordonnances dressées à l'issue du diagnostic sontelles
suffisamment expliquées par le médecin au malade ? Il est
très courant de rencontrer des patients se plaindre des ordonnances
volumineuses ou mal écrites. Ne serait-ce pas la résultante d'une
information insuffisante de la part du médecin ou de l'ignorance de la
condition du malade ?
C'est ainsi que dans une affaire rendue par la Cour
d'Angers71, un médecin avait délivré à
une patiente une ordonnance très mal écrite. Voulant prescrire
vingt cinq gouttes de << Laudanum Sydenham
>>, pour un médicament à absorber en deux fois, il avait
commis une négligence grave : il avait écrit 25 en chiffres
arabes (contrairement aux prescriptions règlementaires) et le mot
« gouttes >> en abrégé
<< gt >> comme signifiant
« grammes >> et fit
68 Art. 3, al 2 Code de
déont.
69 Art. 22 Code de
déont.
70 Art. 23 Code de
déont.
71 Angers, 11 Avril 1946,
J.C.P. 1946.II.3163.
administrer à la patiente 25 grammes du
médicament prescrit. Après avoir absorbé la moitié
du médicament, la patiente tomba aussitôt dans un coma et
décéda sans avoir repris connaissance. Les experts ont
estimé que la victime avait succombé à une intoxication
massive due à l'absorption d'une dose mortelle de <<
Laudanum ».
Le médecin a été poursuivi pour
homicide par imprudence et condamné par les premiers juges, condamnation
que la Cour d'Angers a confirmé car, la responsabilité du
médecin dans la rédaction de l'ordonnance constitue une faute
caractérisée qui << est à l'origine de
l'erreur de lecture du préparateur et la malfaçon qui a
déterminé la mort de la cliente ».
En outre, le médecin peut légitimement
dissimuler un pronostic grave au malade. Un pronostic fatal ne peut lui
être révélé qu'avec la plus grande circonspection.
Il doit généralement le révéler à sa famille
à moins que la malade ait préalablement cette
révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit
être faite72. Il est interdit au médecin toutes
pratiques ou manoeuvres d'avortement. Enfin, le médecin reste libre de
donner gratuitement ses soins quand sa conscience le lui demande.
La responsabilité pénale liée
à la profession de médecin ainsi examinée, l'examen de la
responsabilité relative aux informations mises à la disposition
de ce dernier s'avère nécessaire.
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