Paragraphe I : La multiplicité des infractions
de commission.
Les infractions susceptibles d'être commises par
le médecin dans l'exercice de son art sont multiples. En plus de
l'élément matériel qui se caractérise par le
préjudice (corporel ou psychologique) subi par la victime, il faut
associer l'élément intentionnel qui est la volonté
manifeste de nuire. Des infractions pouvant être commises par le
médecin sont de deux types principaux, à savoir : les atteintes
à la vie (A), et les coups, blessures et voies de fait (B).
A- Les atteintes à la vie.
Le meurtre93 est constitué par un
acte positif et volontaire. Le mobile est indifférent et n'efface jamais
la volonté homicide ; et le consentement de la victime est,
lui-même, indifférent. Au premier abord, on imagine mal un
médecin dans l'exercice de ses fonctions, commettre volontairement un
homicide, ce qui est la définition légale du meurtre. Et
pourtant, au moins, une situation peut faire hésiter, et elle est
actuellement l'objet d'un débat passionné : l'euthanasie (1). Il
en est de même de l'infanticide qui peut, si la réunion de
certaines conditions est effective, retenir la responsabilité
pénale du médecin traitant (2).
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92Idem, p.90.
93 Art. 275, C.P.
1- L'euthanasie.
Le sens d'origine, et sans aucun doute le sens exact
du terme euthanasie est celui de mort calme et exempte de souffrance, survenant
grâce à l'emploi des substances calmantes et stupéfiantes.
Actuellement, ce terme est employé dans un sens dérivé, et
l'on entend généralement l'euthanasie comme «
la mort procurée au malade dans le but d'abréger ses
souffrances »94.
Le débat sur l'instauration de l'euthanasie
dans la législation de divers pays a connu des fortunes diverses. Nombre
de pays occidentaux l'ont adopté, tandis que d'autres s'y sont
refusés. En effet, l'intérêt thérapeutique est
diversement apprécié.
Pour les partisans de cette pratique, on devrait
abréger les souffrances du patient lorsque celles-ci deviennent
insoutenables afin de leur permettre de mourir dans la
dignité95.
Pour ceux qui sont contre la pratique de l'euthanasie,
les arguments avancés sont de plusieurs ordres (déontologique,
social, religieux). A la lumière de ces différents courants, le
respect de la vie constitue en toute circonstance le devoir premier du
médecin, et que, compte tenu de l'évolution de la science, des
thérapeutiques peuvent venir améliorer l'état du patient
qui, maintenu dans un état végétatif ou non peut
être sauvé.
Au Cameroun, le problème de l'euthanasie a
certes alimenté les débats, mais le législateur n'a pas
pris position. Il en résulte que toute atteinte portée contre la
vie reste réprimée par les articles 275 et 276 du Code
pénal lorsqu'elle est volontaire, et 289 lorsqu'elle est involontaire.
Il serait toutefois loisible de relever que les cas cliniques n'ont pas encore
eu à attirer l'attention du législateur en la matière. En
outre, en Afrique en général et au Cameroun en particulier, la
vie de l'homme est hautement symbolique et ne saurait
délibérément être supprimée. Dieu est le seul
pourvoyeur de la vie.
Le débat sur l'euthanasie reste entier et
diffère selon les législations. Au Cameroun, il n'est ni plus ni
moins qu'une atteinte à la vie du patient et est réprimé
selon la loi. Qu'en est-il de l'infanticide ?
94 PENNEAU (J), op.cit.,
p.91.
95 Idem.
2- L'infanticide.
L'infanticide est défini comme le meurtre ou
l'assassinat d'un enfant dans le mois de la naissance par sa mère ou
avec sa complicité conformément à l'article 340 du Code
pénal. On entend par enfant nouveau-né, «
l'enfant entre le moment de la naissance et la déclaration
à l'état civil ou pendant le temps imparti pour effectuer cette
déclaration »96 . Il est évident que
l'infanticide peut être une variété de l'euthanasie
appliquée au nouveau-né lorsque celui-ci présente des
malformations ou une pathologie incompatible avec une vie
considérée selon les canons sociaux usuels comme normale. Dans le
cadre de cette étude, il sera question de lever un pan de voile sur la
comparaison entre l'interdiction de l'infanticide et l'autorisation de
l'interruption dite thérapeutique de grossesse qui théoriquement
peut avoir lieu à tout stade de la grossesse. Il est clair que lorsque
la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la
mère, un intérêt médical justifie l'interruption de
la grossesse, et que cette interruption peut être qualifiée de
thérapeutique.
Toutefois, on peut être surpris de l'emploi de
ce qualificatif lorsqu'aux yeux du législateur, l'interruption de la
grossesse est justifiée par l'existence d'une forte probabilité
que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une
particulière gravité reconnue comme incurable au moment du
diagnostic. Certains parlent d'eugénisme. Le terme est sans doute fort,
mais on s'interroge vraiment sur ce qui, dans cette intervention justifie le
terme thérapeutique, alors qu'il s'agit purement et simplement de
supprimer un être anormal. Et un esprit simple s'interrogea sur la
différence pratique (car d'un point de vue juridique, cette
différence existe, bien entendu entre une interruption de grossesse pour
une telle cause, théoriquement possible à un moment oil l'enfant
est viable puisqu'elle peut avoir lieu à toute époque de la
grossesse et un infanticide). Et aussi sur les modalités pratiques (qui
la distingueraient de l'infanticide, en raison, précisément, de
la viabilité de l'enfant). Il y'a là une incohérence dans
la loi. Peut-on la faire disparaître ? D'oil la nécessité
impérative pour le législateur de trancher car, en laissant le
libre choix aux parents de qualifier l'interruption volontaire de grossesse de
thérapeutique, c'est leur donner le libre choix du droit de vie ou de
mort sur leur progéniture. Cette attitude est moralement, et socialement
condamnable.
L'examen des atteintes à la vie permet
d'appréhender un volet de la multiplicité des infractions de
commission susceptibles d'être commises par le médecin. Cette
étude serait incomplète si nous omettions les coups, violences et
voies de fait.
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96 PENNEAU, op.cit., p.
92.
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