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Les petites constitutions en Afrique: essai de réflexion à  partir des exemples de la Côte d'Ivoire, de la RDC, de la Tunisie et du Togo.

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par Kakessiwa Kokou KOMLAN
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public 2015
  

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A. Les arguments fondés sur la légalité

S'interroger sur la juridicité d'une disposition, impose à s'interroger au préalable sur son caractère légal.

Olivier DUHAMEL et Yves MENY notaient dans leur Dictionnaire constitutionnel que la légalité, c'est « la conformité à la loi telle qu'elle est établie par les organes habilités »57. Notion de droit administratif58, la légalité a été étendue au champ constitutionnel et désigne la conformité à l'ordre constitutionnel positif dans ses deux aspects formel (procédural) et matériel (substantiel) : on parle alors de légalité constitutionnelle ou constitutionnalité59.

C'est donc ce principe de légalité qui explique la vérité positiviste, selon laquelle le droit constitutionnel présuppose toujours une Constitution en vigueur. En effet soucieux de s'en tenir à la stricte description du droit positif60, l'école positiviste61, fonde l'appréhension de tout autre droit sur la légalité constitutionnelle. D'après donc Hans KELSEN, la disponibilité du droit n'a plus comme source des contenus supra-positifs, comme c'était le cas du droit sacré, mais, « le droit positif cultive son autonomie, en

57 DUHAMEL (O.) et MENY (Y.), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 565.

58 En droit Administratif, la légalité se définit comme la soumission de l'Administration au droit. L'Administration impose son pouvoir à travers les actes unilatéraux comme les lois, les décrets, les arrêtés, etc. qui sont des actes de puissance publique par excellence, dans ce sens qu'ils mettent en oeuvre le pouvoir d'Etat. La légalité exige donc qu'une norme établie par l'Administration, doive toujours être conforme à celles qui lui sont supérieures.

59 FAVOREU (L.), cahier du Conseil Constitutionnel, no 3, Novembre 1997.

60 Le droit positif est l'ensemble des règles de droit en vigueur dans un pays à un moment donné. Il est opposé au droit naturel et se réduit à une seule dimension, occupant désormais la place de « moyen de gouvernance ». Voir MATEVA (M.), Légitimité et légalité : considérations (sur la Loi et la justice) à l'image de deux grands procès politiques, Thèse de Doctorat en sciences économiques et sociales, Université de Neuchâtel, 2006, p. 10.

61 « L'école positiviste » désigne ici le positivisme juridique qui est une doctrine selon laquelle le droit n'a pour source unique que la volonté du législateur politique.

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puisant sa validité dans ses propres ressources, suivant une hiérarchie de normes où la Constitution est au sommet »62.

Or, la première caractéristique d'une petite constitution est de se situer le plus souvent en rupture par rapport à l'ordre constitutionnel en vigueur. En effet la plupart des petites constitutions permet la violation des conditions de production du droit constitutionnel établies par le système juridique en vigueur. Elles ne sont donc pas formées sous l'empire du droit existant dans l'Etat63. Elles procèdent le plus souvent des phénomènes révolutionnaires. En conséquence, il n'est pas possible de se référer à une norme constitutionnelle pour les analyser. Comme le note le Maître d'école de Strasbourg Raymond CARRE DE MALBERG : « les mouvements révolutionnaires et les coups d'Etat offrent ceci de commun que les uns et les autres constituent des actes de violence et s'opèrent, par conséquent, en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur. A la suite d'un bouleversement politique résultant de tels événements, il n'y a plus, ni principes juridiques, ni règles constitutionnelles : on ne se trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la force »64.

Le positivisme juridique invite donc le constitutionnaliste à exclure de son champ d'analyse le pouvoir constituant d' « ordre extra-juridique »65, puisqu'il ne peut porter son regard, au-delà de la Constitution où il ne subsiste plus que du fait66.

C'est donc ainsi que le positivisme classique dénie tout caractère juridique aux petites constitutions procédant d'un phénomène révolutionnaire : un « pure fait qui n'est susceptible d'être classé dans aucune catégorie juridique »67, écrivait CARRE DE MALBERG lui-même. « Il n'y a point de place dans la science du droit public pour un

62 KELSEN (H.), Théorie générale du droit et de l'Etat, (trad. de Béatrice LAROCHE et Valérie FAURE), Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 1997, p. 178.

63 CARRE DE MALBERG (R.), Contribution à la théorie générale de l'Etat, op.cit., p. 491.

64 Idem, p. 496.

65 Révolution et coups d'Etat « sont des procédés constituants d'ordre extra-juridique », ibid., p. 497. A contrario, le pouvoir constituant d'ordre juridique, c'est-à-dire l'acte politique qui modifie la Constitution conformément à la procédure de révision qu'elle prévoit, peut être étudié par le juriste. On constate ainsi que la future distinction doctrinale entre « pouvoir constituant originaire » et « pouvoir constituant dérivé » est présente en substance sous la plume du Maître strasbourgeois.

66 CARRE DE MALBERG (R.), Contribution à la théorie générale de l'Etat, op.cit. p. 500.

67 Idem, p. 491.

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chapitre consacré à une théorie juridique des coups d'Etat ou des révolutions et de leurs effets »68 poursuit-il.

La théorie positiviste, semble donc empêcher l'attribution du caractère juridique aux petites constitutions, sur le fondement de la légalité. Cependant cette dernière constitue l'un des arguments, au côté de celui fondé sur la légitimité.

B. Les arguments fondés sur la légitimité

Hans KELSEN disait que « le fait brut que quelqu'un commande quelque chose n'est jamais une raison suffisante de considérer le commandement en question comme une norme valable, c'est-à-dire obligatoire pour son adressataire »69. Autrement dit, un acte de volonté ne peut jamais par lui-même poser une prescription objectivement obligatoire, c'est à dire produire du droit positif. Il faut nécessairement qu'il soit accepté, c'est à dire légitime. Ainsi l'ordre constitutionnel doit-il être légitime.

La légitimité est donc liée à l'acceptation volontaire de l'ordre normatif établi, par les membres d'une société politiquement organisée. C'est sans doute la qualité qui s'attache à l'ordre constitutionnel dont l'idéologie et les sources d'inspiration font l'objet d'une adhésion, du moins très majoritaire de la part du corps social.

La notion de légitimité a cependant été conceptualisée par certains grands maîtres de la sociologie théorique et de la théorie de l'Etat, dont Max WEBER représente incontestablement la figure de proue. Selon donc la conception weberienne, la légitimité d'un ordre représente le fondement de la relation sociale de domination et la garantie interne de sa validité70. Ainsi pour que cet ordre subsiste, WEBER estime que le corps social doit manifester une certaine disposition à être dominé. La manifestation de cette

68 Ibid., p. 497.

69 KELSEN (H.), La théorie pure du droit, 2ème éd., trad. EISENMANN (C.), Paris, Dalloz, 1962 (1960), p. 257.

70 Selon WEBER, la validité de cette légitimité peut principalement revêtir: un caractère rationnel reposant sur la croyance en la légalité des règlements arrêtés et du droit de donner des directives qu'ont ceux qui sont appelés à exercer la domination par ces moyens (domination légale); ou un caractère traditionnel reposant sur la croyance quotidienne en la sainteté de traditions valables de tout temps et en la compétence de ceux qui sont appelés à exercer l'autorité par ces moyens (domination traditionnelle); ou encore un caractère charismatique reposant sur la soumission extraordinaire au caractère sacré, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire d'une personne (domination charismatique). Voir WEBER (M.), Economie et société, tome1, Paris, Plon, 1971, p. 222.

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volonté d'être dominé constitue donc le « pacte social » dont l'ordre établi n'est que la traduction.

En effet la Constitution est la traduction du « pacte social par lequel les individus abandonnent l'état de nature pour fonder la société politique »71. Les clauses de ce pacte devaient donc être l'expression du consentement de toutes les parties à la convention. Ainsi, la Constitution est-elle l'expression de la volonté du souverain qui se trouve être le corps social, qui l'approuve généralement par la voie référendaire. Par conséquent, 'il ne peut y avoir de Constitution que celle qui fait participer le peuple à sa procédure d'adoption.

Cependant, l'on doit relever que la procédure d'adoption des petites constitutions ne répond pas, dans la plupart des cas, à ce formalisme qui veut que la Constitution soit adoptée par le peuple. Le plus souvent, les petites constitutions sont négociées et adoptées par des composantes et entités qui ne sont pas formellement mandatées par le peuple, mais par des forces politiques. Donc, ici, le peuple n'est pas le souverain constituant des lors qu'il « n'a exprimé aucune volonté normative », pour paraphraser Olivier CAYLA72

Or, le pouvoir constituant, un pouvoir générateur d'un nouvel ordre constitutionnel au sein de l'Etat, doit être un pouvoir inconditionné et illimité73. Il doit être, a priori, omnipotent en ce qu'il ne peut, selon l'éminent constitutionnaliste VEDEL, « être lui-même soumis à aucune limitation juridique »74. C'est un pouvoir que le peuple exerce en intervenant soit en amont, pour élaborer le projet constitutionnel, directement ou indirectement par le biais des représentants qu'il a désignés75, soit en aval pour approuver la Constitution.

71 MBODJ (E-H.) « La constitution de transition et la résolution des conflits en Afrique : l'exemple de la République démocratique du Congo », RDP 2010, no 2, p. 441.

72 CAYLA (O.), « Le Conseil constitutionnel et la constitutionnalisation de la science du droit», in Le Conseil constitutionnel a quarante ans, Paris, LGDJ, 1998, p. 106.

73 MBODJ (E-H.) « La constitution de transition et la résolution des conflits en Afrique : l'exemple de la République démocratique du Congo », op.cit. p. 448.

74 VEDEL (G.), Manuel élémentaire de droit constitutionnel, 1984 pp. 114-115.

75 DUVERGER faisait remarquer qu' « en pratique le mode normal d'établissement des Constitutions, c'est donc l'élection d'une assemblée spéciale dite assemblée constituante » Il considère en effet qu'une Assemblée constituante qui établirait une Constitution niant la souveraineté nationale et proclamant la légitimité monarchique détruirait la source même de son pouvoir et rendrait nulle, pour ainsi, sa Constitution. Il en est de même du monarque qui octroierait à son peuple une charte reniant la légitimité monarchique et proclamant la souveraineté nationale. DUVERGER (M.), Droit constitutionnel et

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C'est ainsi que la doctrine positiviste arrive à la conclusion, qu'il ne peut avoir de Constitution que celle acceptée par la nation. Les petites constitutions ne remplissant pas les caractéristiques primaires d'une Constitution « normale », compte tenu de la mise à l'écart du peuple lors de leur processus d'élaboration et d'adoption, les positivistes dénient donc toute possibilité de leur conférer un caractère juridique.

Cependant, certains auteurs n'adhérant pas à la théorie positiviste et s'intéressant à la légitimité du phénomène révolutionnaire, ont émis des pistes pouvant conduire à affirmer la juridicité de ces actes en tant que catégorie juridique hétérodoxe.

§ 2. L'AFFIRMATION D'UNE CATEGORIE JURIDIQUE HETERODOXE

Selon une partie de la doctrine, les petites constitutions pourraient être des normes juridiques particulière (A), dont la force juridique doit être précisée (B).

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