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Les relations financières entre l'état et les collectivités territoriales


par Sandrine Cesbron
Université de Bordeaux  - M2 Droit des collectivités territoriales  2020
  

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A. Le contrôle de l'emprunt des collectivités territoriales par l'Etat

Aux termes des articles L.2337-3, L.3336-1, L.4333-1 et L.5211-36 du CGCT, les communes, les départements, les régions et les EPCI peuvent recourir à l'emprunt, sur décision de l'assemblée délibérante. Ainsi, l'article 32 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires63 dispose qu'ils peuvent être libellés en euros ou en devises étrangères à condition de se prémunir contre les risques de change, par un contrat d'échange de devises contre euros. Enfin, leur taux d'intérêt peut être fixe ou variable, mais dans ce cas, la formule d'indexation de ces taux doit répondre à des critères de simplicité et de prévisibilité.

Comme l'a souligné le juge du Conseil d'Etat dans un arrêt du 12 février 200364, le contrat d'emprunt est un contrat de droit privé, qui ne peut pas faire l'objet d'un contrôle de légalité, et ne nécessite pas de transmission au préfet pour être exécutoire.

63 Loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires

64 Conseil d'Etat, 6e et 4e sous-sections réunies, 12 février 2003, « Ministère de l'Economie, des Finances, et de l'Industrie », n° 234917

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Dès lors, le représentant de l'Etat ne peut pas s'opposer à un contrat d'emprunt qui lui semblerait préjudiciable à la collectivité. Néanmoins, comme il peut demander la transmission de tout document annexe nécessaire à l'appréciation de la légalité des actes pris par les autorités locales, il lui est possible de contrôler la délibération autorisant l'emprunt, et de demander le projet de contrat de prêt65.

Par ailleurs, l'emprunt des collectivités territoriales est limité par la loi puisqu'il ne doit servir qu'à financer des investissements.

L'article L1612-4 du CGCT dispose qu'il ne peut en aucun cas combler un déficit de la section de fonctionnement, ou une insuffisance des ressources des collectivités territoriales. En ce sens, l'emprunt ne peut pas amortir le coût de la dette, ni servir aux financements des dépenses de fonctionnement : on parle de règle d'or. Ce contrôle est permis grâce au principe d'équilibre budgétaire.

Comme le souligne le journaliste Pierre CHEMINADE, cette règle d'or a été « renforcée » par le Projet de loi de Finances pour 2018 qui, en son article 24 encadre « le ratio d'endettement »66, c'est-à-dire le rapport entre l'encours de dette et la capacité d'autofinancement, qui est désormais décliné par catégorie de collectivités.

La capacité d'autofinancement correspond à la différence entre les recettes réelles de fonctionnement et les dépenses réelles de fonctionnement. En réalité, le ratio d'endettement vise la capacité de désendettement des collectivités territoriales, en fixant les années aux termes desquelles la collectivité doit sortir de la dette. Par exemple, pour les communes de plus de 10 000 habitants, cela doit avoir lieu dans une période comprise entre onze et treize ans.

En cas de dépassement de ce plafond, l'ordonnateur de la collectivité devra présenter un rapport sur ses perspectives financières qui devra établir une trajectoire précisant le retour en dessous des seuils, et les ratios attendus pour chaque année. A défaut, le préfet devra saisir la chambre régionale des comptes pour avis ou recommandation. Si ces derniers ne sont pas atteints, alors, en application de l'article L1612-10 du CGCT, le préfet pourra suspendre l'exécution du budget de la collectivité.

Pour le gouvernement, ce contrôle permet de « s'assurer de la soutenabilité financière du recours à l'emprunt par les collectivités ». En revanche, pour certains élus, comme Philippe LAURENT, « un peu comme les banques qui contrôlent la solvabilité de leurs clients, [le gouvernement] entend mettre sous surveillance la capacité de désendettement »67 de certaines collectivités. De plus, ce dispositif ne semble pas tenir compte de la spécificité des territoires.

Cette gestion de l'emprunt des collectivités territoriales par l'Etat n'est pas la seule preuve de la tutelle qu'il exerce sur les collectivités. En effet, celui-ci intervient également afin de régulariser leurs emprunts, notamment les emprunts dits toxiques, ou à risques (B).

65 Conseil d'Etat, 13 janvier 1988, « Mutuelle générale des personnels des collectivités locales et de leurs établissements », n°68166

66 Pierre CHEMINADE, « Projet de loi de finances pour 2018 : Comment l'Etat veut contraindre les collectivités à se désendetter », La Gazette des communes, 27 septembre 2017

67 Thomas BEUREY, « Contrôle de l'endettement des collectivités : ce que prévoit le gouvernement », Localtis - La Banque des territoires, 9 octobre 2017

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B. La régulation des emprunts des collectivités territoriales par l'Etat

Les collectivités territoriales ont contracté beaucoup de prêts combinant, au sein d'un même contrat, un prêt bancaire et un ou plusieurs dérivés aux intérêts évolutifs : on parle d'emprunts structurés. Comme le définit le Ministère du budget, « un produit dérivé est un instrument financier, utilisé pour se couvrir contre des risques financiers (risques de taux d'intérêt, risque de change, etc.). Sa valeur fluctue en fonction de l'évolution du taux ou du prix d'un produit appelé sous-jacent. »68

Dans son rapport annuel pour 2009, la Cour des comptes note que : « ces emprunts sont facilement reconnaissables puisque la clause qui définit le taux d'intérêt applicable comprend alors nécessairement un ou plusieurs « si ». Ils offrent à l'emprunteur, dans les premières années du contrat, un taux inférieur au marché. »

Ainsi, ce type d'emprunt couvre plusieurs périodes de taux, dont la première est marquée par un taux faible bonifié, inférieur au cours du marché, voire nul. C'est cette phase qui les rend attractifs et explique pourquoi les collectivités se sont tournées vers eux. Or, les étapes suivantes comportent des risques conséquents, et certaines collectivités se sont retrouvées dans l'impossibilité de rembourser leurs dettes face à des taux d'intérêt croissants.

En 2009, après la crise des subprimes, l'Etat français a adopté une Charte de bonne conduite, mettant en place la classification dite « Gissler ». Cette dernière permet de ranger les produits proposés aux collectivités territoriales selon les risques financiers qu'ils impliquent en fonction de la complexité de l'indice servant au calcul des intérêts de l'emprunt, et du calcul des intérêts.

Cette Charte a été complétée par la circulaire du 25 juin 201069, regroupant tous les produits déconseillés, et mettant fin à la commercialisation des produits structurés à risques.

Cette dernière rappelle que le comptable public peut alerter une collectivité d'un risque d'endettement qu'elle n'aurait pas perçu, et ce, même si son conseil n'est pas sollicité.

Outre l'information qu'il a souhaité apporter aux élus, l'Etat a mis en place une aide aux collectivités et établissements publics les plus fortement affectés par ces emprunts, calculée en référence à l'indemnité de remboursement anticipé.

Exercée dès 2014, cette intervention étatique a permis de soutenir les collectivités territoriales les plus fragilisées, en allégeant le coût de leur dette. Ainsi, l'Etat les aide à travers son fonds de soutien aux emprunts toxiques, créé par l'article 92 de la loi de finances pour 201470.

De plus, en vertu de l'article 92 du décret du 29 avril 201471, le comité national d'orientation et de suivi du fonds doit émettre des recommandations sur les modalités d'intervention du fonds, de son calcul et de son versement. Or, ce comité est composé de représentants de l'Etat, de parlementaires et de représentants des collectivités territoriales.

68 Ministère du budget, des comptes publics, et de la réforme de l'Etat, « Les produits financiers offerts aux collectivités locales et à leurs établissements publics », instruction N° 10-019-M0 du 3 août 2010

69 Circulaire interministérielle n° NOR IOCB1015077C du 25 juin 2010 relative aux produits financiers offerts aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics

70 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014

71 Décret n° 2014-444 du 29 avril 2014 relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales et à certains établissements publics ayant souscrit des contrats de prêts ou des contrats financiers structurés à risques

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Là encore, il est aisé de constater l'influence de l'Etat et de ses représentants sur les finances des collectivités territoriales. En effet, si les modalités d'attribution d'une telle aide sont objectives, il n'en reste pas moins que la décision revient à l'Etat.

Enfin, il est légitime de penser que l'Etat s'est senti forcé d'intervenir pour aider ces collectivités exposées à un risque résultant des emprunts qu'elles ont pu contracter.

Par ailleurs, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 202272 a introduit un objectif de désendettement des collectivités territoriales qui, pour la Cour des comptes,

« apparait incertain, et non explicitement intégré

dans leurs stratégies financières »73.

C'est sûrement face à cette inaction des collectivités territoriales que l'Etat a décidé de renforcer ses mesures, et d'influer à la fois les ressources issues de leurs emprunts et leurs dépenses d'investissement, ainsi que leurs dépenses de fonctionnement. Pour cela, il a introduit un mécanisme de contractualisation financière par le biais de la loi précitée (II).

II. Une liberté de dépenses entravée par la contractualisation

Les collectivités territoriales ont, comme l'Etat, deux types de dépenses. Les dépenses de fonctionnement sont toutes les dépenses nécessaires au fonctionnement des services de la collectivité, et qui sont récurrentes. Par exemple, il peut s'agir des charges de personnel, de gestion courante, ou d'achats de fournitures. Les dépenses d'investissement sont des acquisitions d'immeubles, des constructions ou des aménagements de bâtiments. En somme, les dépenses d'investissement concernent les biens répondant aux critères de durabilité et de consistance.

Il semble évident que lorsque les collectivités territoriales se voient demander une réduction de leurs dépenses, elles vont se tourner vers leurs dépenses d'investissement. En effet, si ces dépenses ne sont pas récurrentes c'est que, d'une certaine façon, elles peuvent s'en passer.

Or, porté par la volonté de renforcer son objectif d'évolution de la dépense publique locale (B), l'Etat a décidé de limiter les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, en passant par la contractualisation financière (A).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway