WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les relations financières entre l'état et les collectivités territoriales


par Sandrine Cesbron
Université de Bordeaux  - M2 Droit des collectivités territoriales  2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A. La limitation des dépenses de fonctionnement par la contractualisation

Selon Nicolas KADA, « les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales se caractérisent [...] par leur mise en scène, toujours à l'avantage de l'Etat. »74 Pour lui, le meilleur exemple appuyant cet argument est celui de la contractualisation financière.

La contractualisation est un mécanisme financier introduit par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoit un objectif d'évolution des dépenses réelles de

72 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

73 Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2019, page 12

74 Nicolas KADA, Professeur agrégé de droit public, codirecteur du CRJ (université Grenoble-Alpes) et du GRALE (GIS université Paris-I, « Etat et collectivités territoriales : (petite) cuisine et (grandes) dépendances », AIDA 2019, p. 2423

33

fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre correspondant à un taux de croissance de 1,2% par an.

Pour ce faire, l'article 29 de la loi75 prévoit que des contrats soient passés entre l'Etat et 322 collectivités territoriales, dont il entend « consolider la capacité d'autofinancement » en organisant leur « contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public ».

Si certaines collectivités refusent de se soumettre à de tels contrats, le préfet pourra tout de même leur imposer unilatéralement un plafond de dépenses de fonctionnement. En ce sens, et comme le précise Jean-Éric SCHOETTL, le terme même de contractualisation apparait « hypocrite »76.

Dans tous les cas, si ce plafond n'est pas respecté, les collectivités concernées se verront appliquer une sanction sous forme de reprise financière. Ainsi, Jean-Marc PASTOR estime que « l'absence de signature peut traduire simplement un refus de principe de s'engager dans une démarche contraignante avec l'État, alors que, compte tenu des sanctions prévues en cas de dépassement, les collectivités concernées s'attacheront à respecter l'objectif de dépenses qui leur est assigné »77.

Il est alors aisé de comprendre que les collectivités territoriales sont placées « sous le sceau de [la] dépendance »78 de l'Etat, et qu'elles n'ont d'autres choix que de se soumettre aux réformes qu'il impose « selon sa propre recette »79.

Et pourtant, pour le Conseil constitutionnel, ce dispositif n'est pas contraire à la Constitution. En effet, dans une décision en date du 18 janvier 201880, et en se fondant notamment sur l'objectif d'équilibre des comptes, il considère que « le législateur n'a pas porté à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte d'une gravité telle que seraient méconnus les articles 72 et 72-

2 de la Constitution. »

Dès lors, il faut entendre qu'un tel dispositif porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, mais pas suffisamment pour que le Conseil ne le censure.

Par ailleurs, en 2018, la Cour des comptes « soulignait qu'une reprise de l'inflation pourrait compromettre la pertinence de l'objectif de plafonnement de la dépense locale. En effet, la loi de programmation pour 2018-2022 s'est appuyée sur une hypothèse de hausse modérée des prix, les dépenses de fonctionnement ne baissant en termes réels qu'à partir de 2020 »81. Il faut entendre que la crise sanitaire liée au développement du Covid-19 va probablement influer la bonne exécution de ces contrats. Effectivement, si le gouvernement a d'ores-et-déjà annoncé que les reprises financières n'auraient pas lieu de s'appliquer durant la période de crise, seule une inflation peut être envisagée

75 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

76 Jean-Éric SCHOETTL, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, « Questions sur l'autonomie financière des collectivités territoriales : revendication politique ou principe constitutionnel ? », Petites affiches (n°144), 2018, p.

3

77 Jean-Marc PASTOR, « La Cour des comptes pointe les incertitudes autour de la contractualisation sur les dépenses locales Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques », Dalloz Actualité, 29 juin 2018

78 Nicolas KADA, Professeur agrégé de droit public, codirecteur du CRJ (université Grenoble-Alpes) et du GRALE (GIS université Paris-I, « Etat et collectivités territoriales : (petite) cuisine et (grandes) dépendances », AJDA 2019, p. 2423

79 Nicolas KADA, Professeur agrégé de droit public, codirecteur du CRJ (université Grenoble-Alpes) et du GRALE (GIS université Paris-I, « Etat et collectivités territoriales : (petite) cuisine et (grandes) dépendances », AIDA 2019, p. 2423

80 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-760 DC, 18 janvier 2018

81 Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2019, p. 48

à sa sortie. Ainsi, l'avenir montrera comment les sanctions financières seront infligées ou non aux collectivités territoriales.

En plus de limiter directement leurs dépenses de fonctionnement, le mécanisme de contractualisation financière exerce une incidence indirecte sur les dépenses d'investissement des collectivités territoriales. En effet, puisque l'objectif est une réduction de la dépense publique locale, les collectivités territoriales ne vont pas profiter d'une limitation de leurs dépenses de fonctionnement pour augmenter celles d'investissement.

Ainsi, l'objectif d'évolution de la dépense publique locale apparait renforcé par la contractualisation (B).

B. Le renforcement de l'objectif d'évolution de la dépense publique locale par la contractualisation

Le budget d'une collectivité territoriale est composé de deux sections : le fonctionnement et l'investissement. Ces notions s'insèrent dans celle d'objectif d'évolution de la dépense publique locale, qui est une sorte de bilan général du budget d'une collectivité territoriale.

Créé par l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2014-2019, il est déterminé après consultation du Comité des finances locales, qui en assure le suivi. Il est exprimé en pourcentage d'évolution annuelle à périmètre constant.

Selon ce même article, la dépense publique locale est la somme des dépenses réelles en comptabilité générale des sections de fonctionnement et d'investissement, nettes des amortissements d'emprunts. La comptabilité générale, elle, permet au comptable d'enregistrer, de classer, et de synthétiser les données financières afin de les analyser et de renseigner les collectivités.

Néanmoins, il faut noter que l'objectif d'évolution de la dépense publique locale n'a pas de valeur contraignante et reste purement indicatif. Ainsi, il ne saurait être imposé à une collectivité pour l'empêcher de dépenser.

Dès lors, la dépense de fonctionnement peut être plus dynamique que la dépense globale, comme le prouve le tableau ci-dessous, issu de l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 201982.

34

82 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

35

Ainsi, ce n'est qu'en 2017 que le taux d'évolution de la dépense de fonctionnement s'est retrouvé inférieur à celui de l'objectif d'évolution de la dépense publique locale. Comme cela ne pouvait pas être opposé aux collectivités territoriales, l'Etat a créé un mécanisme contraignant relatif à la réduction de l'évolution de la dépense de fonctionnement des collectivités territoriales, à savoir la contractualisation.

En effet, il ne pouvait pas imposer de contrainte directe sur la section d'investissement, car il s'agirait là d'une contrainte sur l'économie. Sans le mécanisme de contractualisation financière, c'est sûrement ce vers quoi elles se seraient tournées. Les collectivités territoriales auraient alors décidé, au profit des dépenses de fonctionnement, de réduire leurs dépenses d'investissement.

Pour certains, « la LPFP pour les années 2018 à 2022 a renouvelé les relations financières entre l'État et les collectivités, ces relations ne se caractérisant plus par des baisses unilatérales des dotations mais par une approche partenariale reposant sur une responsabilisation et un mécanisme de contractualisation. »83

Voilà le coeur de l'enjeu. Les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales ne peuvent plus reposer sur un lien de dépendance, notamment parce que les secondes reçoivent de plus en plus de compétences, au rythme du train de la décentralisation. Or, elles sont également enserrées dans les griffes de l'Etat, qui est présent partout, et maitrise toutes les décisions financières des collectivités territoriales, de près ou de loin.

Cette situation implique à la fois une situation de dépendance et de défiance. Pour la Cour des comptes, ces relations financières doivent changer. Il faut revitaliser l'autonomie financière des collectivités territoriales. L'Etat doit se faire moins interventionniste, et les laisser gérer leur budget de façon effective.

Quoi qu'il en soit, la métamorphose de ces relations est plus que bienvenue par les différents acteurs des finances publiques locales.

83 Franck WASERMAN, « Contractualisation financière et libre administration des collectivités territoriales », Constitutions, 2018, p. 271

36

Titre 2 - Une métamorphose bienvenue des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales

Selon le Larousse, une métamorphose est une « modification complète du caractère, de l'état de quelqu'un, de l'aspect ou de la forme de quelque chose »84.

Dès lors, les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, qui sont pour l'heure caractérisées par un lien de dépendance et de soumission, devraient se mouvoir vers un état d'indépendance et de coopération.

Au sein de plusieurs rapports, la Cour des comptes a émis une vingtaine de recommandations en ce sens. Ainsi, elle préconise d'approfondir le dialogue, notamment en définissant conjointement une trajectoire financière pour les collectivités territoriales. Dès lors, elle a aussi proposé la création d'une instance dédiée à l'objectif d'évolution de la dépense locale.

Par ailleurs, le dialogue devrait également permettre une évolution positive pour les collectivités territoriales en ce qui concerne le coût des normes de l'Etat sur leurs budgets.

Ainsi, il faudra avant tout repenser les relations financières des collectivités territoriales (Chapitre 1), afin de privilégier une coopération avec l'Etat (Chapitre 2).

37

84 Grand Larousse Illustré, édition 2020, 2112 pages

38

Chapitre 1 : La nécessaire restructuration des relations financières des collectivités territoriales

L'article premier de la Constitution dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Le principe d'indivisibilité doit être entendu comme une indivisibilité de la souveraineté d'abord, qui empêche l'attribution d'un pouvoir normatif autonome aux autorités décentralisées. Ensuite, il décrit une unicité du territoire, impliquant une uniformité du droit applicable.

Pourtant, il existe des dérogations à ce principe, qui passent notamment par une asymétrie normative. Ainsi, les collectivités d'Outre-mer, ou à statut particulier, se voient reconnaitre de plus en plus de droits que les collectivités territoriales de droit commun n'ont pas.

Puisque certaines doivent assumer des charges qui ne relèvent pas d'autres, alors même qu'elles sont soumises, dans l'ensemble, aux mêmes principes budgétaires, cette situation créé des déséquilibres financiers entre les collectivités territoriales. Il convient de les abolir dans un souci de respect des principes constitutionnels afférant aux relations entre collectivités territoriales (Section 1), comme le principe d'interdiction de tutelle budgétaire entre deux collectivités.

En parallèle, l'Etat doit également réduire, voire abolir, le lien de subordination qu'il impose aux collectivités territoriales, et tenter de les percevoir comme ses égales, des acteurs financiers avec qui il peut coopérer afin d'impulser des actions, et non à qui il impose ses choix et visions de politiques publiques (Section 2). Partant, leurs relations ne pourront s'en trouver que plus saines, puisque portées par la coopération.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle