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Les relations financières entre l'état et les collectivités territoriales


par Sandrine Cesbron
Université de Bordeaux  - M2 Droit des collectivités territoriales  2020
  

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A. Une différenciation dérogatoire à valeur constitutionnelle accordée par l'Etat

Au sein de son rapport public pour l'année 1993, le Conseil d'Etat a écrit que « la décentralisation n'est pas un simple habillage, un prêt-à-porter, elle exige des habits neufs, du sur-mesure (...). » Ce sur-mesure peut potentiellement être entendu comme la prise en compte des intérêts particuliers de chacune des collectivités territoriales à travers le droit à l'expérimentation-dérogation.

Un droit à l'expérimentation-dérogation a été ouvert aux collectivités territoriales par l'article 72 alinéa 4 de la Constitution, qui dispose que « dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences. »

Néanmoins, il faut noter que ce dispositif reste un dispositif dérogatoire conditionné et limité dans le temps. A terme, si l'expérimentation rencontre un succès, elle a vocation à être appliquée à tout le territoire.

Ainsi, un projet de loi constitutionnelle en cours prévoit, comme le précise Alain-Joseph POULET, de « faciliter l'expérimentation normative »117. Le projet de loi "3D", pour décentralisation, différenciation et déconcentration, a pour ambition de transformer les relations entre l'État et les collectivités territoriales, en portant plus d'attention aux attentes des collectivités territoriales, et à leurs projets, avant de leur imposer quelque décision unilatérale.

Un tel dispositif dérogatoire pourrait permettre aux collectivités territoriales de déroger aux dispositions législatives ou réglementaires d'une loi de finances. Allant encore plus loin, la Cour des comptes propose depuis 2013, l'élaboration d'une loi de financement des collectivités territoriales, sur le modèle de la loi de financement de la sécurité sociale118. Evidemment, il ne s'agirait pas de rédiger une loi par collectivité, mais cela permettrait une amélioration de la gouvernance des

117 Alain-Joseph POULET, Directeur des Etudes, « Différenciation territoriale : la singularité des territoires dans l'unité nationale », De la gouvernance territoriale et de la différenciation, 22 mai 2018

118 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON, députés, « Mission « flash » sur l'autonomie financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018, p. 34

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finances publiques locales, et prendrait en considération les différences financières exprimées par les collectivités territoriales.

Cette idée renforce l'autre modification portée par le projet de loi « 3D » qui est une différenciation-adaptation, portée au niveau national, et adaptée à chaque collectivité, dans sa singularité. La volonté affichée de l'Etat est de permettre à certaines collectivités territoriales d'exercer des compétences dont ne disposerait pas l'ensemble des collectivités de la même catégorie. Cependant, et face aux limites posées par la Constitution, pour le moment, ce projet ne peut qu'être pensé et établi par l'Etat (B).

B. Une différenciation générale des compétences pensée par l'Etat

Le 23 septembre 2019, la Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline GOURAULT annonçait que la différenciation « c'est reconnaître la diversité des territoires et penser qu'une politique publique ne s'applique pas exactement de la même manière sur l'ensemble du territoire119».

La différenciation des normes permettrait aux collectivités de déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.

A priori, il existe une différenciation des compétences reposant sur la nature des collectivités territoriales. En effet, les collectivités territoriales à statut particulier, de même que les collectivités d'Outre-mer, disposent de compétences qui ne sont pas accordées aux collectivités de droit commun. Ainsi, les départements et régions d'Outre-mer bénéficient d'une telle dérogation à l'article 73 de la Constitution, depuis la révision constitutionnelle de 2003.

Effectivement, cet article dispose que les lois et règlements « peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».

La question porte surtout sur la possibilité d'accorder des compétences différentes à des collectivités territoriales de droit commun et de même catégorie.

Le Conseil d'Etat a apporté une réponse avec un avis du 7 décembre 2017120 dans lequel il commence par opérer une distinction entre le régime des collectivités territoriales de droit commun, et celui des collectivités territoriales à statut particulier, afin de rappeler que la Constitution dote ces dernières de caractéristiques et contraintes particulières. Une fois cela rappelé, il considère que les différentes règles constitutionnelles n'imposent pas un cadre légal uniforme et figé aux compétences des collectivités territoriales de droit commun.

D'ailleurs, la coopération intercommunale se traduit pour lui « par des compétences différenciées entre communes », qui ont été admises dès 2010 par le Conseil constitutionnel121. Ainsi, certaines communes disposent de compétences que d'autres ont abandonné au profit d'un EPCI.

Pour le Conseil d'Etat, dans le douzième point de l'avis précité, « l'application de règles différentes à l'exercice des compétences de collectivités de la même catégorie est largement admise, sans qu'il

119 Décentralisation : le gouvernement ouvre la voie à la différenciation des territoires, Public Sénat, Publié le : 23/09/2019 à 20:19 - Mis à jour le : 27/09/2019 à 16:06

120 Conseil d'Etat, Assemblée, Avis sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d'une même catégorie et des règles relatives à l'exercice de ces compétences, n° 393651, 7 décembre 2017

121 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-618 DC du 09 décembre 2010

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soit pour autant porté atteinte au principe d'égalité ». Cet exercice de compétences différents s'explique par des différences démographiques, ou financières.

Comme le souligne le Conseil d'Etat, de telles nuances permettraient davantage de responsabilisation et de libertés aux collectivités territoriales qui verraient leurs marges de manoeuvre croitre, notamment pour innover et s'adapter.

Pour l'heure, elles sont contraintes au respect du principe d'égalité qui n'autorise ce dispositif que pour des raisons d'intérêt général ou des écarts de situations. Par ailleurs, l'article 72 de la Constitution implique que les collectivités territoriales de droit commun aient un même statut et disposent des mêmes compétences.

Cependant, l'Etat semble de plus en plus enclin à accorder, outre une différenciation de compétences des collectivités territoriales, une différenciation des normes qui leur sont applicables. Il faudra pourtant attendre de potentielles révisions constitutionnelles pour voir si cette piste permettra une réelle transformation des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Actuellement, ce qui est surtout préconisé est une coopération financière entre ces deux acteurs.

Pour que les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales soient métamorphosées, il faut avant tout que les singularités des secondes soient reconnues par le premier. Dès lors, elles pourront plus aisément décider de monter des projets conjointement, mettant ainsi leurs finances en commun.

En parallèle, le rôle de l'Etat à l'égard des collectivités territoriales doit être redéfini. Afin de leur accorder plus d'autonomie, il doit éviter de tout contrôler, et plutôt se donner un rôle de coordinateur ou d'incitateur. Il doit ainsi prouver sa confiance aux collectivités territoriales, et cela ne pourra passer que par l'instauration d'un dialogue entre les deux.

En effet, une telle communication permettra à chacun de mieux comprendre l'autre, et d'agir en ce sens, selon une volonté de coopération.

Chapitre 2 : Une coopération financière entre l'Etat et les collectivités territoriales préconisée

La coopération peut être définie comme l'action de participer avec une ou plusieurs personnes à une oeuvre ou une action commune. Elle trouve sa source dans les idées du sociologue et économiste Robert OWEN, et ses arguments en faveur du mouvement coopératif, relayés par les journaux dans les années 1840.

Selon l'Alliance coopérative internationale, « une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d'une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement. »

Par exemple, pour les prises de décision, le principe est celui des voix équivalentes au nombre de personnes. Ainsi, les salariés et les cadres sont égaux en droit : aucune voix n'est prépondérante.

Cette idée a été reprise par le législateur, au sein d'une loi du 10 septembre 1947122, consolidée par une version du 17 avril 2020, dans laquelle il est écrit que l'on « parle de travail coopératif quand deux ou plusieurs personnes travaillent conjointement dans un même objectif, chacun ayant à sa charge une part bien définie du travail à réaliser ».

Appliquée à l'Etat et aux collectivités territoriales, ce schéma devra avant tout reposer sur une coopération financière. En effet, depuis toujours, ces deux acteurs travaillent de concert, mais ce n'est pas toujours évident au regard de leurs finances, chacun supportant des charges dues par l'autre. En ce sens, il faut entendre la coopération financière comme la mise en commun de finances pour la réalisation d'un même objectif, chacun ayant à sa charge une part bien définie de dépenses à honorer.

Or, s'ils souhaitent tous les deux agir pour un objectif différent, leur relation, fondée jusque lors sur de la coopération, devra nécessairement devenir une collaboration financière.

Au-delà de cette collaboration financière (Section 1), les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales doivent mener à une redéfinition de leurs rôles respectifs (Section 2), notamment par l'instauration d'un dialogue et l'autonomisation des collectivités territoriales.

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122 Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération

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Section 1 : Une nécessaire collaboration en matière financière entre l'Etat et les collectivités territoriales passant par un renforcement de leur coopération

Dans les faits, l'Etat et les collectivités territoriales coopèrent puisqu'ils mettent en oeuvre les politiques publiques ensemble. En 1996, le Professeur Pierre DILLENBOURG a proposé une distinction entre la coopération et la collaboration. Selon lui, la coopération se définit par une répartition et une autonomie des tâches, mais aussi des acteurs, tandis que la collaboration implique un entrelacement des missions, et une demande mutuelle d'implication des acteurs, ainsi que leur coordination. Elle repose également sur leur communication123.

Chacune des deux solutions apparait idéale pour fonder les nouvelles relations financières de l'Etat et des collectivités territoriales. En réalité, il semble que l'Etat et les collectivités territoriales coopèrent déjà puisqu'ils tentent d'agir chacun, indépendamment de l'autre.

Comme aucun texte ne parait encadrer ces relations, il convient pour eux de passer d'une coopération de fait à une collaboration de droit. Toutefois, et malgré leur volonté partenariale affichée, il faudra d'abord encadrer cette coopération financière (I), mais aussi la renforcer (II).

I. Une coopération financière voulue par l'Etat et les collectivités
territoriales nécessairement limitée

La coopération financière entre l'Etat et les collectivités trouve ses sources dans les faits et les coutumes berçant leurs relations financières. Si ceux-ci affirment de plus en plus leur volonté de voir perdurer une coopération financière nationale (A), elle est souvent limitée par la coopération internationale de l'Etat (B), et ses différents engagements.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault