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Les relations financières entre l'état et les collectivités territoriales


par Sandrine Cesbron
Université de Bordeaux  - M2 Droit des collectivités territoriales  2020
  

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A. Une volonté de coopérer assumée par l'Etat et les collectivités territoriales

Comme le remarque le Professeur PONTIER, au cours du XXe siècle, « nous sommes passés d'une relation de supérieur à inférieur à une relation qui, si elle n'est pas d'égal à égal - et elle ne peut sans doute pas l'être dans un Etat unitaire dont les collectivités territoriales sont une composante - est cependant moins inégalitaire qu'elle ne le fut. »124

Dès lors, il est légitime d'affirmer que l'Etat et les collectivités territoriales partagent une volonté de partenariat, c'est-à-dire qu'ils veulent agir de concert pour obtenir un résultat qui fournira un intérêt aux deux parties. En ce sens, les deux contribueraient, par leur coopération, à la satisfaction de l'intérêt général.

Cette volonté a plusieurs explications. Pour l'Etat, elle est sûrement due au fait que son lien avec les citoyens se fait de plus en plus faible : il doit essuyer de nombreuses défiances de la part des habitants qui réclament plus de démocratie locale. Par ailleurs, au regard de la décentralisation, il a

123 Pierre DILLENBOURG, The evolution of research on collaborative learning, E. Spada & P. Reinman (Eds.), Learning in Humans and Machine : Towards an interdisciplinary learning science, Oxford : Elsevier, pp. 189-211

124 Jean-Marie PONTIER, « Le partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales », AIDA, 2014, p. 1694

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besoin des collectivités territoriales, qui se sont vu attribuer nombre de compétences qui ne dépendent plus de l'Etat.

Ainsi, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, du 4 février 1995125, dispose, en son premier article, que la politique d'aménagement constitue un objectif d'intérêt général, « renforce la coopération entre l'État, les collectivités territoriales », et est conduite par l'Etat et par les collectivités territoriales dans le respect des principes de la décentralisation.

De même, la circulaire de 2009, à la suite du Grenelle de l'environnement, exige que « la démarche des services de l'Etat vis-à-vis des collectivités territoriales » soit « résolument partenariale »126. Il peut alors s'agir d'un rôle d'impulsion ou de mise à disposition d'outils.

Enfin, depuis l'Ancien Régime, et comme le souligne encore le Professeur précité, « l'Etat a pris l'habitude de solliciter, avec plus ou moins de pression à l'appui, les collectivités territoriales pour le financement d'un certain nombre d'équipements et d'opérations. » Or, aujourd'hui, les collectivités disposent du principe de libre administration des collectivités territoriales, donc l'Etat ne peut plus les contraindre. Il se doit de coopérer avec elles.

Pour les collectivités territoriales, la raison semble plus simple : elles disposent à présent de moyens financiers et humains pour intervenir et mettre en oeuvre des politiques publiques. Cependant, le besoin exprimé par l'Etat à leur encontre est réciproque. Effectivement, seul l'Etat dispose de la souveraineté nécessaire pour intervenir, ne serait-ce qu'au niveau international. Par ailleurs, il est toujours celui vers qui se tournent les citoyens en période de crise.

Par exemple, lors de la crise sanitaire du Covid-19, les citoyens attendaient des mesures prises au niveau national et non local.

Parallèlement, les collectivités territoriales ont besoin de l'action de l'Etat. En effet, certains postes de dépenses évoluent, et leur maitrise apparait difficile pour les collectivités territoriales. C'est notamment le cas de la dépense relative à la masse salariale, qui est une dépense réelle de fonctionnement, et qui, si elle varie, peut fortement restreindre les marges de manoeuvre des collectivités territoriales.

Selon la Cour des comptes, il faut surtout une « réflexion plus large sur le partage des ressources et des charges entre l'État et les collectivité territoriales »127.

En ce sens, les cofinancements paraissent être une solution adéquate puisqu'ils permettraient à l'Etat et aux collectivités territoriales de financer ensemble des projets dont ils retireraient tous les deux un intérêt.

Ainsi, ils le font dans le cadre des conventions de coopération de soutien au cinéma et à l'audiovisuel par les collectivités territoriales, l'Etat et le CNC. Ces conventions encadrent les financements respectifs de ces acteurs selon trois domaines d'intervention, à savoir la création et la production, l'éducation artistique, et l'aide aux salles de cinéma. En 2014, les collectivités territoriales ont investi près de 58 milliards d'euros, dont 15,2 milliards ont été investis par le CNC.

125 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire

126 Circulaire du 23/03/09 relative à la territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (non publiée)

127 Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2019, p. 12

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Une piste de travail partenarial à améliorer repose sûrement sur les cofinancements dès que l'Etat sollicite les collectivités territoriales « pour le développement de projets, d'actions de politiques publiques ou de financements ».

Pour la Cour des comptes, les collectivités territoriales doivent pleinement « assumer leurs compétences ce qui implique qu'elles optimisent leurs systèmes de gestion et se dotent d'outils de pilotage et de contrôle interne efficients ».

De tels projets partenariaux ne peuvent que se fonder sur des textes encadrant ces relations. En effet, dans une optique de coopération, chacun des acteurs est indépendant. Afin d'éviter les chevauchements d'actions et de dépenses, la collaboration sera à privilégier et à intégrer à des conventions partenariales.

Quoi qu'il en soit, que l'Etat et les collectivités territoriales choisissent une démarche partenariale fondée sur la coopération, ou sur la collaboration, ils devront forcément satisfaire aux exigences attendues de l'Etat par ses engagements internationaux (B). En effet, au-delà d'une coopération nationale, il existe aussi une coopération internationale.

B. Une limitation de la coopération nationale entre l'Etat et les collectivités territoriales par la coopération internationale

Si les collectivités territoriales et l'Etat peuvent coopérer financièrement pour mettre en oeuvre leurs politiques publiques, il n'en reste pas moins que cette démarche partenariale est encadrée, voire limitée.

A titre d'exemple, il y a d'abord les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui instaurent une interdiction des « aides d'Etat » à destination des collectivités territoriales. En effet, c'est à la Commission européenne de juger de la licéité d'une aide et ce, ponctuellement et de façon casuistique.

»128.

Selon le CGET, une aide d'Etat est une « aide octroyée à une entreprise (privée ou publique, exerçant une activité économique : sociétés privées, collectivités, établissements publics ou d'associations, par exemple) par l'État au moyen de ressources publiques, qui fausse ou menace de fausser la concurrence et les échanges entre États membres

Sa mise en oeuvre nécessite, comme le souligne l'article L1511-1 du CGCT, une collaboration entre l'Etat et les collectivités territoriales. Ainsi, les collectivités territoriales doivent établir un rapport relatif aux projets d'aides ou de régimes d'aides mis en oeuvre sur leurs territoires au cours de l'an-née civile, et le transmettre à l'Etat qui, lui, est chargé de le notifier à la Commission européenne.

Parallèlement, la Commission ou la Cour de justice de l'Union européenne peuvent enjoindre à une collectivité de récupérer l'aide versée à une entreprise : il s'agit d'une décision de récupération. Si l'exécution de cette décision est incomplète ou tardive, la collectivité territoriale devra, et par une dépense obligatoire de fonctionnement, supporter les conséquences financières de la condamnation dont aura fait l'Etat.

De la même façon, les textes tendent à responsabiliser les collectivités territoriales en ce qu'ils les

128 https://www.cget.gouv.fr/thematiques/economie-emploi-innovation/aides-d-etat

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poussent à supporter la charge des corrections et sanctions financières infligées à l'Etat par les instances européennes, dès lors que les premières assurent une fonction d'autorité de gestion des programmes européens, ou d'autorité nationale dans le cadre des programmes de coopération nationale.

Cet exemple permet de souligner deux choses. D'une part, la collaboration entre l'Etat et les collectivités territoriales peut engendrer des charges pour l'un ou l'autre de ces acteurs, qui se doit de « supporter » l'autre, et notamment lorsque ses agissements ou manquements ont pu lui causer un dommage financier. D'autre part, l'Etat reste « compétent pour tout »129, ou du moins, c'est le cas au niveau international et européen.

Ainsi, comme le souligne justement Alain LAMBERT, l'Etat et les collectivités sont « co-responsables des engagements de la France en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires ».

C'est pourquoi dans le domaine de la santé, « les normes sont essentiellement définies par les autorités centrales, même si les collectivités territoriales deviennent d'importants fournisseurs dans de nombreux pays. »130 L'Etat français doit répondre aux normes qui sont également fixées aux niveaux européen et international, et retranscrire les différentes règles afférentes. Par exemple, il a dû se conformer à la directive sur les produits du tabac131 (2014/40/UE) entrée en vigueur le 19 mai 2014, et applicable dans les États membres de l'UE depuis le 20 mai 2016. Or, celle-ci interdit la vente de certains arômes de tabac à rouler, ce qui peut avoir des conséquences sur les chiffres d'affaires des buralistes, qui sont soumis à une taxe spéciale au niveau national, mais aussi sur les recettes fiscales des collectivités territoriales et de l'Etat, notamment avec la TVA.

De la même façon, l'action extérieure des collectivités territoriales est limitée aux relations qu'entretient l'Etat avec les autres Etats souverains, et notamment aux règles énoncées au sein des Traités bilatéraux ou multilatéraux ratifiés par la France. Néanmoins, depuis 2006, la coopération transnationale en faveur de la coopération entre collectivités locales européennes a tendance à se développer, notamment par la création de groupements européens de coopération territoriale.

Quoi qu'il en soit, ces exemples permettent de mettre en lumière la nécessité de renforcer la coopération financière entre l'Etat et les collectivités territoriales, dès la création des politiques publiques, et tout au long de leur mise en oeuvre (II).

II. Un renforcement nécessaire de la coopération financière entre l'Etat et

les collectivités territoriales

Pour renforcer la coopération financière entre l'Etat et les collectivités territoriales, il faut d'abord déterminer la responsabilité de chacun. Ainsi, il apparait légitime qu'ils soient coresponsables des actions qu'ils imaginent et exécutent ensemble, afin de réaliser un objectif commun. Pour cela, il est urgent que les collectivités territoriales soient dotées d'un pouvoir de gestion effectif (A). Dès lors, des réformes en ce sens permettront plus d'autonomie et de dialogue, ce qui aura pour finalité d'accorder aux politiques publiques plus de cohérence (B).

129 Groupe de travail président par Alan LAMBERT, « Les relations entre l'État et les collectivités locales », décembre 2007

130 OCDE, « Relations financières entre l'État et les collectivités territoriales », 2003, p. 173-193.

131 Directive n°2014/40/UE sur les produits du tabac, 20 mai 2016

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A. Un renforcement de la co-responsabilisation passant par un accroissement de l'effectivité du pouvoir de gestion des collectivités territoriales

Selon le groupe de travail ayant été présidé par Alain LAMBERT, « il est des politiques publiques qui exigent une action forte de l'Etat au plan local, pour impulser ou coordonner. »132

Par exemple, en matière de lutte contre la délinquance, certaines circonscriptions ont vu des bureaux de politique de ville s'implanter pour assurer la gestion de cette politique, mais aussi le paiement de certains fonds interministériels en lien avec celle-ci. Ainsi, à Bobigny, le bureau agit de concert avec le sous-préfet d'arrondissement. Cette politique rejoint celles relatives au logement, à l'éducation, ou à l'action sociale, et se fonde sur le partenariat en proposant un cadre contractuel entre l'Etat, la collectivité territoriale, et les acteurs concernés.

Cette impulsion à destination d'une collectivité territoriale donnée peut être coordonnée sur l'ensemble du territoire grâce à l'action de l'Etat qui peut imposer des normes, le prix et l'étendue des services, ou encore les conditions d'admission à ceux-ci.

Cependant, au vu des disparités exprimées par les collectivités territoriales, et de leur volonté de gestion propre, il apparait opportun de les doter de plus fortes marges de manoeuvre en matière de gestion financière.

La Cour des comptes elle-même le préconise puisqu'elle estime qu'elles « doivent pleinement assumer leurs compétences ce qui implique qu'elles optimisent leurs systèmes de gestion et se dotent d'outils de pilotage et de contrôle interne efficients »133.

En ce sens, elles doivent renforcer leurs outils de prévision budgétaire et d'organisation humaine, mais aussi leurs modes de gestion et les périmètres de leurs politiques. Enfin, elles doivent mettre en place des instruments d'innovation.

Les collectivités territoriales ont déjà entrepris des actions tournées vers cet objectif puisqu'elles gèrent différemment leurs services publics, notamment en passant par la mutualisation, institutionnelle ou décisionnelle, mais utilisent aussi de nouvelles politiques d'achat. Par exemple, le Code de la Commande publique, entré en vigueur au 1er avril 2019, permet d'intégrer des clauses sociales et environnementales au sein des marchés publics. De la même façon, le critère du prix peut toujours être celui qui l'emporte sur les autres.

Par ailleurs, si elles sont soumises à de plus en plus de contraintes budgétaires, elles tentent de répercuter leurs conséquences « sur des secteurs moins critiques » tels que les associations.

En 2007, le groupe de travail précité considérait que de fait, « les collectivités territoriales exploitent largement la clause générale pour des interventions extra légales et sur les compétences dont la loi a confié la responsabilité à d'autres niveaux. »134 Or, les départements et les régions ne disposent

132 Groupe de travail présidé par Alan LAMBERT, « Les relations entre l'État et les collectivités locales », décembre 2007

133 Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics

134 Groupe de travail présidé par Alan LAMBERT, « Les relations entre l'État et les collectivités locales », décembre 2007

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plus d'une telle clause depuis la loi NOTRe135. Faut-il en conclure qu'ils n'ont pas la capacité de renforcer leur autonomie de gestion ? Pas forcément.

En effet, depuis la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales ne se caractérisent plus par des baisses unilatérales de dotations, « mais par une approche partenariale reposant sur une responsabilisation et le mécanisme de contractualisation »136.

Dès lors, il faut entendre le mécanisme de contractualisation comme celui qui renforcera le pouvoir de gestion des collectivités territoriales : elles sont libres de souscrire au contrat proposé par l'Etat, de s'y soumettre ou non. Même si elles encourent des sanctions pécuniaires en cas de non-respect des principes posés par les contrats par rapport à leurs dépenses de fonctionnement, elles ont toujours le choix. Elles peuvent décider de recevoir cette sanction. N'est-ce pas là le propre de la responsabilité contractuelle ?

En effet, l'article 1101 du Code civil dispose qu'un contrat est une « convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Ainsi, s'engager à faire quelque chose à travers un contrat est un gage de liberté de gestion, et d'autonomie, et il est loisible de considérer que le poids de l'Etat a effectivement reculé puisqu'il ne décide plus d'imposer ses choix aux collectivités territoriales de manière unilatérale.

En parallèle, la contractualisation doit permettre une meilleure communication entre l'Etat et les collectivités territoriales, afin de donner plus de cohérence aux politiques publiques, notamment dans leur mise en oeuvre (B).

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore