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Les relations financières entre l'état et les collectivités territoriales


par Sandrine Cesbron
Université de Bordeaux  - M2 Droit des collectivités territoriales  2020
  

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Section 2 : Une nécessaire transformation des rôles de l'Etat et des collectivités

territoriales en matière financière

La Cour des comptes l'a recommandé à plusieurs reprises : les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales doivent changer.

Pour cela, il faut avant tout écouter les revendications de chacun de ces acteurs. L'Etat, malgré les nombreux wagons rattachés au train de la décentralisation, rencontre des difficultés à transférer totalement ses compétences, et préfère au contraire de simples délégations.

Toutefois, et comme ça n'a pas été le choix réalisé, il doit réussir à instaurer un lien de confiance envers les collectivités territoriales, pour éviter toute tutelle budgétaire, et leur permettre de gérer leurs budgets et leurs finances comme elles l'entendent.

La création de ce lien ne peut pas être unilatérale : les collectivités territoriales doivent, elles aussi, gagner la confiance de l'Etat. Pour assurer leur bonne foi, et leur volonté de bien faire, il apparait indispensable de remplacer le contrôle omniprésent de l'Etat au sein des territoires décentralisés par une auto-évaluation des collectivités territoriales (I). Effectivement, cette solution semble essentielle pour les doter de plus d'autonomie, dans une démarche de performance.

A terme, et au regard des solutions adoptées au sein des autres pays membres de l'Union européenne, il conviendra d'évaluer l'opportunité de l'attribution d'une autonomie fiscale aux collectivités territoriales (II).

I. Le passage essentiel d'un contrôle de l'Etat à une auto-évaluation des collectivités territoriales

Le conflit caractérisant les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales est alimenté par la place prépondérante de l'Etat au sein des territoires décentralisés. Cela s'explique par la volonté du premier d'évaluer les secondes, afin d'optimiser leurs politiques publiques, ainsi que leurs dépenses, selon l'objectif de rationalisation des dépenses publiques.

A partir de 2006, une notion a éclos au sein de l'action publique nationale : la notion de performance. Celle-ci a permis à l'Etat de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Dès lors, il peut évaluer ses propres politiques publiques grâce à des indicateurs et des objectifs fixés en amont, et évalués en aval et a posteriori.

Le problème de cette notion est qu'elle n'a pas vocation à s'appliquer aux collectivités

territoriales, quand bien même elle fait partie intégrante du new public management. Or, une telle implication permettrait aux collectivités de s'approprier une logique d'évaluation, permettant d'ajuster leurs dépenses et leurs politiques publiques en fonction de leurs résultats. En ce sens, leurs actions légitimeraient leur émancipation, et l'instauration d'un dialogue avec l'Etat (B). En réalité, la notion de performance a connu une intégration subtile au sein des budgets locaux, et des politiques des collectivités territoriales (A).

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A. Une intégration subtile de la notion étatique de performance sur les budgets locaux

La loi organique sur les lois de finances (LOLF) est adoptée en 2001143 pour servir de norme de référence aux autres lois de finances. Elle permet deux évolutions majeures : la première porte sur la présentation des dépenses par destination (en missions et programmes), alors qu'elles étaient jusque-là présentées par type comptable ; la seconde porte sur la notion de performance, à laquelle elle donne un cadre textuel.

En réalité, cette dernière n'est suggérée qu'au sein de quelques articles de la loi précitée. Ainsi, l'article 48 évoque les indicateurs de performance, et l'article 53 les rapports annuels de performance.

Pourtant, cette notion est importante en ce qu'elle permet de répondre aux objectifs d'efficacité de la dépense publique, mais aussi de renforcement du contrôle parlementaire. En termes de gestion, son aspect économique permet la fixation d'objectifs déterminés, précis, vérifiables, et chiffrés, au sein d'un projet annuel de performance. Les rapports établis l'année suivante permettent de mesurer l'efficacité de ces objectifs, par le biais d'indicateurs de natures diverses.

Selon le professeur Philippe LORINO, « entendue comme jugement économique sur la légitimité sociale d'une activité, la performance qualifie le rapport existant entre les ressources consommées par cette activité (son « coût ») et l'importance des besoins sociaux auxquels elle permet de satisfaire (sa « valeur ») »144.

Ainsi, une politique publique performante est celle qui satisfait à la fois les besoins du citoyen, de l'usager, et du contribuable. Cette idée rejoint celle du professeur CATTEAU pour qui « la performance serait avant tout l'efficacité socio-économique d'une politique publique du point de vue du citoyen, la qualité du service rendu, du point de vue de l'usager et l'efficience de la gestion, la gestion à moindre coût, du point de vue du contribuable. »145

Or, il convient de préciser que la LOLF ne tient à s'appliquer qu'aux finances nationales, et ne donne un cadre qu'aux budgets de l'Etat. Dès lors, faut-il en conclure que la notion de performance ne tient pas à s'appliquer aux collectivités territoriales ? Qu'il n'existe pas de performance locale ?

Au regard des textes, rien n'est aussi sûr. Pourtant, certains, comme le professeur CATTEAU, plaident pour une « transposition de la LOLF » aux collectivités locales, afin de renforcer « leur autonomie »146.

Néanmoins, le problème majeur rencontré par les collectivités territoriales réside dans la présentation par nature de leurs budgets, et selon une nomenclature unifiée, qui ne permet pas de développer une présentation par programmes. Effectivement, les budgets locaux sont divisés en sections d'investissement, et de fonctionnement, au sein desquelles il existe des chapitres et des articles. Ils sont également enserrés par des nomenclatures budgétaires, aussi appelées instructions budgétaires et comptables, qui imposent différents types de comptabilités au secteur public local, selon la nature de la collectivité.

143 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances

144 Philippe LORINO, Méthodes et pratiques de la performance, Edition d'organisation, 3e édition, 2003

145 Damien CATTEAU, Performance et solidarité(s) : les principes de la LOLF (interview)

146 Damien CATTEAU, Performance et solidarité(s) : les principes de la LOLF (interview)

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Dès lors, les instruments budgétaires locaux sont des instruments de mesure de résultats, ou de sincérité, mais pas de mesure de la performance.

Toutefois, certaines collectivités territoriales, exprimant la volonté de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats, agissent par mimétisme sur le modèle de l'Etat. Ainsi, depuis la M14, c'est-à-dire l'instruction budgétaire et comptable applicable aux communes et aux établissements publics communaux et intercommunaux à caractère administratif, les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants doivent faire une présentation par fonction au sein des annexes de leurs budgets.

A l'inverse de l'Etat, le support de la performance se retrouve dans les annexes, et non dans les instruments budgétaires. En cela, la performance locale n'a pas de valeur juridique, et les instruments budgétaires locaux sont des instruments de régularité.

Au niveau local, il convient de parler de bonne gestion. Celle-ci répond à l'objectif des « Trois E » : économie, efficience, et efficacité. Elle dépend de la volonté des collectivités territoriales de s'adapter à la LOLF, selon une logique de gouvernance et de management public.

Par exemple, à Bordeaux, il existait une présentation par missions et programmes en 2009, alors que l'Etat n'en a rien demandé. Toutefois, cette présentation était introuvable en 2019 : elle dépend donc du bon vouloir des politiques en place.

Si la budgétisation orientée par la performance permettrait de clarifier les rôles respectifs de l'Etat et des collectivités locales dans leurs actions de coordination, il n'en reste pas moins que les gouvernements locaux restent à la marge des systèmes de contrôle et d'évaluation des politiques publiques.

Dans un souci d'économies, il est urgent de développer une culture de l'évaluation au sein des collectivités territoriales. Au-delà d'un contrôle plus simple de l'Etat sur leurs dépenses, celle-ci permettrait surtout aux collectivités territoriales de faire des prospections, et de mieux gérer leurs budgets, selon une démarche d'autonomie. L'évaluation devrait être bénéfique tant pour le secteur économique et financier, que pour le secteur organisationnel et managérial. Par ailleurs, elle légitimera la place des collectivités territoriales, comme correspondantes privilégiées de l'Etat (B).

B. Une légitimation du dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales par l'auto-évaluation

Pour le Sénat, « l'évaluation constitue une des conditions d'une décentralisation achevée »147, mais sa mise en oeuvre rencontre des difficultés, qu'il faut surpasser, en clarifiant la notion d'évaluation. Dès lors, sa définition est donnée par le décret du 18 novembre 1998 qui dispose que « l'évaluation d'une politique publique consiste à comparer ses résultats aux moyens qu'elle met en oeuvre, qu'ils soient juridiques, administratifs ou financiers, et aux objectifs initialement fixés. Elle se distingue du contrôle et du travail d'inspection en ce qu'elle doit aboutir à un jugement partagé sur l'efficacité de

147 Joël BOURDIN, Pierre ANDRÉ, Jean-Pierre PLANCADE, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, « Placer l'évaluation des politiques publiques au coeur de la réforme de l'Etat », Rapport d'information n° 392 (20032004), déposé le 30 juin 2004

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cette politique et non à la simple vérification du respect de normes administratives ou techniques. »148

En ce sens, il convient de distinguer l'évaluation nationale des politiques publiques, de l'évaluation locale. A priori, ces politiques sont astreintes à la culture de l'évaluation quand elles intègrent des programmes structurels européens et bénéficient de cofinancements. C'est ainsi que les contrats de plan Etat-région font l'objet d'évaluations.

D'ailleurs, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité149 autorise la création de missions d'information et d'évaluation au sein des assemblées délibérantes des communes de 50.000 habitants et plus, ainsi que dans les conseils généraux et régionaux. Ces missions sont chargées de recueillir des éléments d'information sur une question d'intérêt local ou de procéder à l'évaluation d'un service public local. Une solution idéale serait de leur donner le droit de piloter l'évaluation des politiques publiques locales.

Selon la loi sur les responsabilités locales, « une plus large décentralisation doit s'accompagner d'une bonne connaissance et d'une évaluation des politiques publiques locales dans le double souci de favoriser une utilisation optimale des deniers publics et d'améliorer le service rendu à la population. »150

Il convient donc de développer une évaluation des politiques publiques résultant des compétences décentralisées. Pour Michel BASSET, il faut « adapter les politiques aux ressources disponibles et 1...] veiller à l'efficience du service public, mais aussi 1...] développer des stratégies mieux ancrées dans les réalités, 1...] anticiper les changements par des approches prospectives, 1...] éclairer les décisions par des évaluations qui aident à réinterroger les objectifs et les modes d'intervention de l'action publique »151.

Dans cet optique, chaque année, la chambre régionale des comptes établit un rapport annuel d'activité qui porte sur la régularité des actes de gestion, l'économie des moyens mis en oeuvre, et l'évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés. Ces éléments, posés par l'article L211-8 du Code des juridictions administratives sont troublants car ils semblent reposer sur la logique de la LOLF, insérant les notions de « résultats », et « d'objectifs ».

Toutefois, ils s'en distinguent en ce que la chambre ne rend que des avis, et n'exerce pas de contrôle juridictionnel relatif à ces politiques publiques.

Pour que son utilité soit renforcée, l'évaluation des politiques publiques doit reposer sur un dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales. Celui-ci permettra d'interroger la pertinence de certains indicateurs lors de la mise en place de politiques publiques liées à des décisions de décentralisation. L'évaluation apparait alors comme un levier de mobilisation partenariale.

En termes de finances, elle trouve tout à fait à s'appliquer. Pour l'heure, elle repose surtout sur des prévisions, mais comme le démontre la Cour des comptes, le dispositif devrait être stabilisé par une évaluation ex-post. Ainsi, elle considère que « l'évaluation a posteriori de l'effet des revalorisations des minimas sociaux, et particulièrement du RSA, permettrait de fiabiliser les chiffrages des

148 Décret n°98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l'évaluation des politiques publiques

149 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité

150 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

151 Michel BASSET, président de la Société française de l'évaluation, consultant en stratégie publique et professeur associé à l'IEP de Lyon, « L'évaluation au service du pilotage des politiques publiques locales », 28 septembre 2017

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administrations centrales. »152 Une telle méthode faciliterait donc la fixation du montant de la compensation financière allouée aux départements.

Selon les recommandations de la Cour, l'évaluation doit également permettre de se concentrer sur la structuration de la gestion publique locale, avec les apports de l'intercommunalité et des démarches de mutualisation, qui permettent une mise en commun des moyens financiers.

En plus de clarifier les rôles de chacun, l'évaluation doit permettre d'apaiser les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales en se fondant sur les principes de confiance, d'innovation et de solidarité.

Pour certains auteurs, elle pourra, à terme, permettre aux collectivités territoriales d'acquérir une réelle indépendance vis-à-vis de l'Etat qui passera par une reconnaissance de leur autonomie fiscale. Les rapporteurs du Conseil constitutionnel eux-mêmes ont pu préconiser l'insertion de cette notion au sein de la Constitution, aux côtés de l'autonomie financière153. Une question se pose alors : l'évolution des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales tend elle vers une reconnaissance de l'autonomie fiscale des secondes ?

Pour apprécier l'opportunité d'une telle reconnaissance aux collectivités territoriales françaises, il convient d'analyser les conséquences d'un tel choix au sein des autres pays membres de l'Union européenne (II).

II. L'opportunité de l'attribution d'une autonomie fiscale aux collectivités

territoriales françaises : analyse comparative au niveau européen

En France, il n'existe pas d'autonomie fiscale, elle n'est que financière. Pourtant, certains pays européens ont fait le pari de doter leurs collectivités locales de la première. Il convient d'étudier l'apport de ce phénomène (A), pour savoir s'il est opportun de l'appliquer au système juridique et financier français (B).

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld