WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les relations financières entre l'état et les collectivités territoriales


par Sandrine Cesbron
Université de Bordeaux  - M2 Droit des collectivités territoriales  2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. L'ineffectivité de l'autonomie financière face à son absence de garantie constitutionnelle

Selon la Cour des comptes, la désillusion de la consécration constitutionnelle de l'autonomie financière tient à « la jurisprudence très stricte - du point de vue des collectivités - du Conseil constitutionnel dans l'appréciation de la constitutionnalité des mécanismes de compensation financière des transferts de compétences »38.

Effectivement, le juge constitutionnel tend à rejoindre la position du juge administratif qui avait limité ce principe aux seules dépenses obligatoires dès le 28 mai 1997, au sein d'un arrêt dit « Commune de la Courneuve »39.

Ainsi, et comme le remarque fort justement la Cour des comptes, « le transfert de compétences ouvre droit à l'attribution de ressources équivalentes à celles précédemment consacrées à l'exercice de la compétence transférée », tandis que leur création ou extension « n'ouvre droit qu'à un accompagnement financier »40. Souvent, les élus peuvent avoir le sentiment que l'Etat ne se décharge que des compétences dont il ne maitrise plus le coût, ou qui lui sont trop lourdes.

Dès lors, les collectivités territoriales doivent faire face à des accroissements importants de charges financières, sans qu'aucun principe ne puisse les en protéger.

Par exemple, lorsque l'aide sociale a été transférée au département, celui-ci a vu ses charges augmenter considérablement, sans que le Conseil constitutionnel n'exige une quelconque compensation intégrale. Plus qu'une simple limitation aux dépenses obligatoires, le principe de compensation ne prend pas en compte l'évolution du coût des actions dans le temps. Ainsi, comme l'expliquait Stéphane TROUSSEL en 2016, le transfert des allocations de solidarité de l'Etat aux départements a été perçu comme un véritable « piège financier »41 puisque la compensation à l'euro près a été fortement dégradée, à cause d'une augmentation continue du nombre de bénéficiaires. Or, pour la Cour des comptes, « la revalorisation du RSA devrait entraîner une hausse de 132 M€ des dépenses sociales des départements en 2019 contre plus de 246 M€ en 2018. »42

Par ailleurs, les règles constitutionnelles relatives à l'autonomie financière, comme la part de ressources propres, s'appliquent à des catégories de collectivités territoriales. Autrement dit, elles s'appliquent à une « moyenne ». En ce sens, il est envisageable qu'une collectivité en particulier ait un ratio de ressources propres inférieur à celui de 2003. Cela ne posera pas de problème tant que ce ne sera pas le cas de sa « catégorie ».

38 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON, députés, « Mission « flash » sur l'autonomie financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018, p. 16

39 Conseil d'Etat, 9e et 8e sous-sections réunies, 28 mai 1997, n° 163508

40 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON, députés, « Mission « flash » sur l'autonomie financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018

41 Stéphane TROUSSEL, Président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, « Le transfert du RSA aux départements a été un piège financier », Petites affiches (n°132), 2016, p. 3

42 Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2019, p. 30

De plus, l'Etat peut exercer une influence sur les ressources des collectivités territoriales, par le biais des dégrèvements, c'est-à-dire des réductions fiscales accordées à des contribuables. Il l'a d'ailleurs fait récemment, pour la taxe d'habitation, sans que le Conseil constitutionnel n'y trouve à redire. En effet, au sein de sa décision, celui-ci a conclu qu'en « dépit de l'ampleur du dégrèvement, la taxe d'habitation continue de constituer une ressource propre des communes »43.

Pour la Cour des comptes, c'est avec cette décision que l'on mesure le caractère futile de la notion d'autonomie financière, qui ne semble plus qu'être une coquille vide. Elle ne peut pas protéger les collectivités territoriales d'une privation de leurs ressources par l'Etat. Plus encore, elles sont dépendantes de lui, et il a le pouvoir d'influer leurs ressources.

Si les collectivités territoriales disposent d'une autonomie financière, celle-ci n'est qu'un mythe en ce qu'elle est enjolivée par les élus locaux, qui espèrent ainsi disposer de plus amples marges de manoeuvre financière. Pourtant, lorsqu'ils doivent faire face aux décisions du juge constitutionnel, ou à celles de l'Etat, ils ont conscience de la portée dérisoire de ce principe.

De fait, l'Etat continue d'alimenter l'illusion d'un quelconque équilibre financier, ce qui n'a pour effet que d'alimenter le conflit entretenu avec les collectivités territoriales.

Effectivement, les réponses ambiguës et floues apportées à leurs réclamations n'ont pu que les placer dans une condition de défiance face à l'Etat, qui se veut finalement toujours tutélaire. Il est à la tête de décisions ayant des conséquences sur l'action publique locale, et peut le faire de façon arbitraire. Portée par leur volonté d'indépendance, ou plutôt d'autonomie, les collectivités ne disposent que de très faibles possibilités de revendications financières.

20

43 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017

21

Chapitre 2 : Un conflit alimenté par l'illusion de relations financières équilibrées entre l'État et les collectivités territoriales

Le conflit caractérisant les relations financières entre l'Etat et les collectivités est le fait du mythe de l'autonomie financière. Cependant, s'il persiste dans le temps, c'est aussi parce que, contrairement à une utopie qui désirerait que ce constat soit faux, l'Etat exerce une tutelle sur les collectivités territoriales.

Son interventionnisme est d'autant plus présent à l'heure de sa volonté assumée de réduire les dépenses de la France, afin de se soumettre aux exigences européennes, notamment celles développées dans le pacte de stabilité et de croissance.

Celui-ci est l'instrument européen qui permet de coordonner les politiques budgétaires nationales et d'éviter les déficits budgétaires excessifs. Il pose le principe d'équilibre budgétaire, en prévoyant un volet préventif passant par la surveillance multilatérale, et un volet répressif passant par la procédure des déficits excessifs. Ainsi, sauf circonstance exceptionnelle et temporaire, le déficit public d'un Etat membre ne doit pas dépasser 3% du PIB national. Par ailleurs, la dette ne doit pas dépasser 60% du PIB.

Au niveau local, ces exigences se traduisent par le respect de l'équilibre budgétaire, puisque les collectivités territoriales ne peuvent voter de lois de finances. Aussi, l'article L1612-4 du CGCT prévoit que chacune des deux sections soit votée en équilibre, et que chaque recette ou dépense soit inscrite au budget selon le principe de sincérité. Comme l'a exigé le Conseil d'Etat dès 1994, cet équilibre doit être réel au moment de l'adoption du budget44.

Il est une condition de la légalité d'une délibération budgétaire. Ainsi, après son vote, le budget local doit être transmis au préfet pour qu'il y exerce son contrôle de légalité, et un contrôle budgétaire, en lien avec la chambre régionale des comptes, qu'il peut saisir pour avis.

Outre ces contraintes budgétaires, les collectivités sont aussi soumises à la règle budgétaire contraignante dite « règle d'or » selon laquelle l'emprunt ne peut servir l'équilibre budgétaire puisqu'il ne peut couvrir que des dépenses d'investissement, et non de fonctionnement.

Enfin, le législateur peut aussi assujettir les collectivités à des obligations et à des charges tant qu'elles « répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d'intérêt général, qu'elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu'elles n'entravent pas leur libre administration et qu'elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée »45.

Cependant, cette dernière restriction est portée par le Parlement, et non par l'Etat entendu au sens du gouvernement. Néanmoins, les autres exemples permettent d'introduire la réalité de la tutelle de l'Etat sur les collectivités territoriales (Section 1), dont les actions sont muselées par les différentes stratégies et contraintes qu'il impose (Section 2).

44 Conseil d'Etat, Braun - Ortega - Buisson, 27 mai 1994

45 Conseil constitutionnel, Décision n° 2018-727, QPC, Commune de Ploudiry, 13 juillet 2018

22

Section 1 : L'utopie balayée d'une absence de tutelle de l'État sur les collectivités territoriales

L'absence de tutelle de l'Etat sur les finances locales est une illusion nécessaire pour exercer son rôle d'Etat « normateur » (I), et lorsqu'il intervient en tant que régulateur (II).

I. Une tutelle nécessaire de l'Etat « normateur »

Le Parlement édicte les lois. Néanmoins, les politiques publiques sont souvent décidées au niveau national. Comme elles ne peuvent être pilotées au niveau central, leur mise en oeuvre doit intervenir au niveau décentralisé. Cependant, toutes ces règles ont un coût pour les collectivités, que l'Etat se doit de compenser : on parle de poids des normes (A). De même, lorsqu'il décide de réformes fiscales, cela a une influence conséquente sur les budgets des collectivités territoriales. Là encore, et afin de leur permettre de respecter les règles auxquelles elles sont soumises, l'Etat se doit d'intervenir (B).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein