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Les relations financières entre l'état et les collectivités territoriales


par Sandrine Cesbron
Université de Bordeaux  - M2 Droit des collectivités territoriales  2020
  

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A. La tutelle de l'Etat exprimée à travers son pouvoir réglementaire

Le pouvoir normatif c'est-à-dire le pouvoir d'édicter des normes, est composé du pouvoir législatif, qui appartient au Parlement, et du pouvoir réglementaire, qui appartient au gouvernement.

En effet, l'article 21 de la Constitution dispose que le Premier Ministre exerce le pouvoir réglementaire. Celui-ci lui permet de prendre des actes exécutoires aux dispositions générales et impersonnelles. Il faut noter que l'article 72 alinéa 3 de la Constitution reconnait également un pouvoir réglementaire aux collectivités territoriales. Néanmoins, si celui du Premier Ministre est autonome et originel, celui des collectivités territoriales est secondaire et résiduel.

Effectivement, le Conseil d'Etat l'avait souligné dès 1996, dans son arrêt dit « Département de la Loire »46, en estimant que le Premier ministre pouvait intervenir pour fixer les modalités de distribution des aides sociales, rendant par là le pouvoir local subordonné au sien. Le Conseil Constitutionnel, lui l'a exprimé dès 2002, au sein de sa décision portant sur la loi relative à la Corse, en considérant que « le pouvoir réglementaire dont dispose une collectivité territoriale dans le respect des lois et des règlements ne peut s'exercer en dehors du cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi »47.

Dès lors, l'Etat, entendu au sens du gouvernement, peut prendre des mesures ayant des conséquences sur les collectivités territoriales. Pour mesurer l'effet de ces normes, le Conseil national d'évaluation des normes a été créé par la loi du 17 octobre 201348. Instance issue du Comité des

46 Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 01 avril 1996, 141958

47 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002 sur la loi relative à la Corse (considérants 12 et 13)

48 Loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 portant création d'un Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics

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finances locales, il est chargé d'émettre un avis sur les conséquences financières des mesures réglementaires de l'Etat créant ou modifiant des normes obligatoires auxquelles sont soumis les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale.

En parallèle, la Cour des comptes réalise également des analyses d'impact des décisions de l'Etat sur les budgets des collectivités territoriales, comme le montre le tableau ci-après :

Ce tableau permet de faire le constat simple d'une diminution de l'impact financier des décisions de l'Etat sur les budgets des collectivités territoriales entre 2014 et 2019. Ainsi, il doit avoir été divisé par dix en cinq ans.

Or, en 2015, dans son rapport public annuel consacré aux finances locales, la Cour des comptes a considéré que l'évaluation de l'impact des normes sur les collectivités locales devait être améliorée.

Sur le fondement de ces recommandations, le Premier ministre a adopté une circulaire le 26 juillet 201749, connue pour avoir introduit ce que l'on nomme la « règle du deux pour un ».

Cette dernière « permet à ce que toute nouvelle norme réglementaire soit compensée par la suppression ou, en cas d'impossibilité avérée, par la simplification d'au moins deux normes existantes »50.

Cette circulaire semble avoir eu l'effet escompté puisque comme le souligne la Cour des comptes « L'impact sur le budget des collectivités locales des décisions de l'État (« normes ») est plus faible en 2018 que les années précédentes. »51

Par exemple, la Cour a pu constater « un effet quasi nul des décisions de l'Etat sur la masse salariale des collectivités en 2018 »52, à la suite d'un report des contrats de plan Etat-région, et d'un gel du point d'indice.

Si la tendance semble être à la baisse du coût des décisions de l'Etat sur les budgets des collectivités territoriales, favorisant ainsi la maitrise de leurs dépenses par les collectivités, il faut admettre que les conséquences des décisions nationales varient selon les catégories de collectivités territoriales et dépendent des modalités de leurs mises en oeuvre.

49 Circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact

50 Circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact

51 Cour des comptes, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2018, page 13

52 Cour des comptes, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2019, p. 29

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Dès lors, la stratégie locale est confisquée par la stratégie nationale. Cette tutelle, ou plutôt cette incidence de l'Etat sur les budgets locaux est renforcée par l'expression de son pouvoir fiscal. En effet, comparé à celui de l'Etat, le pouvoir fiscal des collectivités territoriales est, au même titre que leur pouvoir normatif, résiduel et secondaire (B).

B. La tutelle de l'Etat exprimée à travers son pouvoir fiscal

La fiscalité locale comprend une part d'impôts directs, et une part d'impôts indirects. La première est versée par le contribuable, qui endosse également le rôle de redevable, tandis que la seconde est versée par deux acteurs différents : le contribuable, et le redevable.

La fiscalité locale représente une part déterminante des ressources des collectivités territoriales. En 2019, les recettes fiscales des collectivités territoriales représentaient 151,6 milliards d'euros, contre 34,5 de compensations financières (dotations).

Or, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 200953, les collectivités territoriales ne disposent pas d'autonomie fiscale : ce sont les lois de finances qui déterminent les règles qui sont applicables aux finances locales.

Néanmoins, les collectivités disposent de certaines marges de manoeuvre puisque la loi du 10 janvier 198054 les autorise à voter le taux des quatre taxes directes. Toutefois, au gré des réformes du panier fiscal des collectivités territoriales, celles-ci constatent une perte progressive de leur faculté. Ainsi, cette dernière est aujourd'hui restreinte aux seules communes, EPCI, et départements. De cette façon, l'Etat met en place une sorte de mutualisation des services.

Actuellement, ce sont les directions des services fiscaux qui fixent les bases d'imposition des quatre taxes directes, et l'Etat qui décide de la variabilité des prix, à travers les revalorisations annuelles fixées par lois de finances.

En parallèle, la fiscalité des collectivités territoriales est très encadrée, notamment par la mise en place d'impositions partagées. Cela donne des résultats ambigus avec des assiettes fixées localement, sur lesquelles s'applique un taux national. C'est le cas de la redevance des mines, qui est partagée entre la commune et le département. Cette répartition bipartite souffre d'une distinction supplémentaire puisque pour les communes, il faut encore partager le produit reçu selon que le territoire reçoit l'exploitation, ou l'extraction des minerais. Enfin, une partie est versée à un fonds national de répartition.

Néanmoins, et comme le démontre la Cour des comptes, « les produits de la fiscalité transférée par l'État aux collectivités locales ont augmenté de 2,1 Md€ en 2017, soit de 6,2 % après 3,9 % en 2016. »55 Cela peut s'expliquer par une volonté de compensation de la baisse de ses transferts financiers, couplée à celle d'accorder plus de semblant d'autonomie aux collectivités.

En effet, le diagramme ci-dessous montre que les concours financiers ont eu tendance à diminuer entre 2010 et 2018, tandis que les dégrèvements ont connu une évolution annuelle supérieure au montant de la diminution des concours financiers. Probablement pour compenser les conséquences de ces diverses décisions, l'Etat a augmenté la part de fiscalité transférée dont bénéficient les collectivités territoriales.

53 Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010

54 Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale.

55 PLF 2019, Jaune budgétaire

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Pourtant, cette évolution prouve que les collectivités territoriales restent des majeures sous contrôle de l'administration. Il faut distinguer le contrôle de la tutelle. Ainsi, la tutelle de l'Etat sur les collectivités territoriales pourrait être définie comme le régime juridique visant à protéger leurs patrimoines lorsqu'elles ne disposent plus de la capacité de le faire. En ce sens, il s'agirait d'agir en leur nom et pour leur compte. Le contrôle, lui, permet à l'Etat d'intervenir, après que les collectivités ont agi comme bon leur semblait.

Toutefois, le tableau permet d'introduire l'idée selon laquelle l'Etat peut influer les comportements des collectivités territoriales et ce, à travers deux types d'action. D'abord, il peut supprimer ou réformer les impôts locaux. Ensuite, il peut procéder à des dégrèvements, c'est-à-dire à des réductions totales ou partielles d'impôts. Ces décisions ont forcément des conséquences sur les budgets des collectivités locales, et notamment leur partie « recette ».

Par exemple, en juillet 2009, l'Assemblée nationale écrivait que la réforme de la fiscalité locale des entreprises entrainerait, pour les collectivités locales, « une perte considérable de produit fiscal, supérieure à 27 milliards d'euros »56.

Un autre exemple est celui de la taxe d'habitation. En effet, l'Etat a décidé d'une suppression progressive de cette taxe, perçue par les communes, pour 80% des contribuables en 2020. La suppression sera totale pour 2023. Or, elle ne sera remplacée par aucun impôt. Pour les communes, les conséquences pourraient se faire ressentir fortement, mais elles devraient disposer de la part départementale de la taxe foncière. Le risque de déséquilibre budgétaire est alors supporté par le département qui, lui, disposera d'une part de la taxe sur la valeur ajoutée.

Comme le montre ce raisonnement, souvent, pour compenser de tels dégrèvements, l'Etat tente d'atténuer la perte subie par les collectivités, par le biais d'autres recettes fiscales. La décision

56 Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement relatif aux relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, par la Commission des finances, de l'économie générale, et du contrôle budgétaire, et présenté par MM. Jean-Pierre BALLIGAND et Marc LAFFINEUR, 21 juillet 2009

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d'attribution de ces ressources ne tient qu'à lui. Parfois, et selon le principe de compensation, il n'a d'autre choix que celui d'augmenter la part de ses dotations à destination des collectivités territoriales (II).

II. La tutelle indirecte de l'Etat passant par ses dotations

Les recettes des collectivités territoriales sont constituées d'une part de ressources fiscales, mais aussi de concours financiers de l'Etat. En effet, depuis 1996, il existe une « enveloppe normée » qui regroupe les différents concours de l'Etat, dont le principal est la dotation globale de fonctionnement, aussi appelée DGF.

Généralement, les dotations de l'Etat s'inscrivent dans une logique de compensation visant à stabiliser les budgets locaux. Par exemple, elles peuvent être créées pour donner suite à la suppression d'un impôt local.

Certaines permettent d'influer l'action des collectivités territoriales en faveur de politiques déterminées : ce sont des dotations forfaitaires (A). D'autres ont vocation à réduire les inégalités de ressources des collectivités : on parle de dotations de péréquation (B).

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand