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La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit public congolais

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par Dieudonné Kaluba Dibwa
Université de Kinshasa - DEA de droit public 2005
  

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INTRODUCTION

L'Etat de droit comme tout Etat d'abord se caractérise par une normativité à laquelle il se soumet lui-même afin de garantir sa propre survie mais l'Etat de droit, en plus, se cristallise autour de la notion de respect des normes garantissant les libertés fondamentales des citoyens. Ce respect serait illusoire sans la garantie d'une sanction juridique de la violation de ces libertés. Aussi, le système juridique moderne est-il parfait par l'institution d'un juge constitutionnel sanctionnant en l'occurrence l'irrespect de la volonté constituante. L'étude de ce juge tout comme celle du juge administratif est plus qu'utile par ce temps d'attente d'installation de la Cour constitutionnelle et du Conseil d'Etat.

La saisine d'une juridiction ou d'un juge est l'acte par lequel une personne (physique ou morale) fait déclencher l'instruction d'une affaire. C'est également l'acte à travers lequel un litige est soumis à une juridiction aux fins que celle-ci y applique son activité jusqu'à son épuisement1(*) suivant des formalités variables2(*).

Au niveau de la Cour Suprême de Justice, la saisine du juge constitutionnel ou administratif ne se déroule pas comme devant d'autres juridictions. Il importe ainsi, de présenter la problématique du sujet, son intérêt et sa limitation avant d'indiquer la méthodologie suivie et l'ébauche du plan.

1. PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE

La Cour Suprême de Justice considère la saisine comme un moyen d'ordre public susceptible d'être soulevé même d'office entraînant pour excès de pouvoir, la cassation sans renvoi, telle l'absence totale de la saisine d'une juridiction par rapport à une infraction ou à une partie qui fut néanmoins condamnée3(*).

Il est essentiel de faire constater d'emblée que l'expression « moyen » pose problème dans la mesure où il désigne l'argument de fait ou de droit articulé en soutènement d'une action ou d'une défense en justice. Dire que la saisine est un moyen d'ordre public n'est vrai que dans la mesure où la Haute Cour entend par moyen la notion d'exception d'ordre public. Dès lors, il est plus orthodoxe de parler d'exception de non saisine, car la saisine en elle-même ne constitue qu'une étape de la procédure qui ne saurait aucunement être confondue avec les exceptions que les parties peuvent soulever à propos d'un ou plusieurs de ses aspects.

La saisine doit être ainsi considérée comme la principale clef qui ouvre la porte de la procédure quelque soit la matière qui est soumise à un juge ou à une autorité publique quelconque. En effet, un juge non saisi ne saurait rendre une décision juridiquement valide car sa non saisine constitue un empêchement pour ainsi dire dirimant sur le chemin de l'élaboration de la décision.

Le principe dispositif en matière de procédure empêche réellement le juge de trancher des questions qui ne lui sont pas soumises par les parties ; du reste, il ne peut le faire que dans la mesure de cette saisine et dans la mesure de ce que la loi permet4(*).

La jurisprudence de la haute Cour relève que la saisine doit se limiter uniquement à l'examen de l'action5(*) ; elle ne peut être outrepassée par le juge6(*), mais il est tout de même permis qu'elle soit étendue à une demande additionnelle formulée dans les conclusions des parties7(*). En termes plus concis, le juge ne peut statuer ni ultra ni infra petita.

La saisine est considérée par la jurisprudence comme un principe général de droit alors que ce dernier s'entend « des idées de base diffuses dans le droit, les notions et les solutions d'allure principielle en quoi se résume le droit d'un pays ou d'une époque ».8(*)

La définition consacrant « les principes juridiques qui sont reçus dans la législation de la plupart des peuples de haute civilisation » est récusée pour des raisons évidentes d'a priori et d'imprécision.9(*)

Aussi, la Haute Cour a-t-elle, dans un arrêt récent rejoignant sa jurisprudence constante sur la question de notre étude, arrêté que « viole l'article 1er de l'ordonnance du 14 mai 1886 consacrant notamment l'application des principes généraux de droit, dont celui prescrivant au juge de vider sa saisine, le juge d'appel qui a omis de donner suite aux réquisitions du ministère public, après avoir dit son appel recevable et fondé, étant donné que, en omettant de prononcer la condamnation du prévenu tel que l'avait requis le ministère public, le juge d'appel n'a pas définitivement statué sur celui-ci »10(*).

Il est donc expressément acquis que la saisine dans l'entendement de la Cour suprême de Justice est une notion cardinale de procédure qui implique entre autres effets de procédure qu'elle est d'ordre public11(*), que le juge est tenu de vider sa saisine12(*), sans aller au-delà 13(*)ou en deçà de celle-ci14(*).

Une abondante jurisprudence de la Haute Cour montre en effet que celle-ci a toujours été sévère en ce qui concerne la question de saisine des juges de fond.

Il s'ensuit que l'étendue de la saisine d'une juridiction est déterminée soit par l'exploit introductif d'instance soit par les demandes additionnelles et reconventionnelles contenues dans les conclusions des parties. C'est à propos que l'on affirme que le juge en matière civile, administrative ou constitutionnelle n'a pouvoir juridictionnel que dans la mesure de sa saisine dont l'étendue est limitée justement par la demande en justice et les défenses qui lui sont faites.

Au niveau de la Cour Suprême de Justice en effet, l'exploit introductif d'instance est, dans toutes les procédures, soit l'oeuvre des parties, par voie de requête, soit celle du Ministère Public par voie de réquisitoire15(*).

La requête peut être entendue comme une demande adressée à une autorité compétente ou à celle qui a le pouvoir de décision16(*).

Le réquisitoire quant à lui est, au niveau de la Cour suprême de Justice, une pièce de procédure écrite par laquelle, le Ministère Public saisit le juge. Par lui, le Ministère Public peut décider, à la fin de l'instruction, de la suite qu'il entend donner au dossier17(*). Devant les juridictions de jugement18(*), le réquisitoire est présenté oralement, mais il est écrit et constitue une pièce de procédure qui intervient en cours de procès après la saisine du juge qui est réalisée par la citation donnée au prévenu ou la citation directe donnée à la requête de la victime de l'infraction poursuivie19(*).

A la Cour suprême de Justice, la requête peut être introduite par les parties ou le Ministère Public ; mais à l'instar de tout acte introductif d'instance, elle est soumise au respect d'un certain nombre d'exigences de forme.

Il est utile de préciser que si d'ordinaire la procédure devant les juridictions inférieures n'est pas formaliste, au niveau de la Cour suprême de justice, elle est très formaliste.

En effet, le droit judicaire qui est en droit fil du droit belge d'avant la reforme de 1972 est un droit processuel non formaliste car fondé sur l'adage pas de nullité sans grief aujourd'hui consacré par la disposition de l'article 28 du code de procédure civile ainsi qu'il résulte du décret du 7 mars 1960 tel que modifié à ce jour.

La Haute Cour est sévère en ce qui concerne le non respect des formes prescrites pour l'accomplissement d'un acte de procédure, cela en vertu du rôle régulateur de la jurisprudence que le Constituant lui a confié. A ce propos, le Constituant congolais dispose qu' « en cas de renvoi, après cassation, les cours et tribunaux civils et militaires sont tenus de se conformer à l'arrêt de la Cour suprême de Justice sur le point de droit qui a été jugé »20(*).

Il est entendu que cette disposition unique de la Constitution ne saurait asseoir toute l'autorité morale des arrêts de la Haute Cour qui s'imposent aux juges inférieurs déjà comme source intellectuelle de leur raisonnement.

Ainsi en dehors de toute exception légale, aucune personne (physique ou morale) ne peut signer une requête adressée à la Haute Cour sous peine d'irrecevabilité de l'exploit qui est ainsi nul.

Aussi a-t-il été jugé qu'est irrecevable la requête introduite directement à la Haute Cour sans l'entremise d'un avocat21(*). Cette jurisprudence de la Haute Cour est demeurée constante car, de même, en cas de cassation en matière civile, la requête introductive d'instance doit être signée par un avocat porteur de procuration spéciale.22(*)

Une telle question d'importance jurisprudentielle évidente ne peut manquer d'intérêt dans une étude consacrée au droit public congolais, car, pour reprendre la pensée de Jean ROCHE et André POUILLE, la saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême lorsqu'elle aboutit, consiste à pouvoir obtenir de ces derniers l'annulation ou la non application d'un acte inconstitutionnel ou illégal, la réparation pécuniaire du préjudice subi et éventuellement, la condamnation pénale de l'agent public23(*).

* 1 CORNU (G), Vocabulaire juridique, Quadrige/ PUF, Paris, 2003, p.810

* 2 KATUALA KABA KASHALA, « Une nouvelle exception à la saisine de la Cour Suprême de Justice telle qu'organisée à l'article 2 du Code de sa procédure », in Revue juridique justice, science et paix, n° spécial, Juin 2004, Kinshasa, p.7

* 3 CS.J., 3 avril 1974, B.A.C.S.J., 1975, p.9 ou Revue Juridique du Zaïre, Kinshasa, 1976, p.64

* 4 RUBBENS (A.), Droit judiciaire zaïrois, Tome II, Kinshasa, PUZ, 1978, p.

* 5 CSJ., 6 août 1980, RP 310

* 6 CSJ., 22 janvier 1975, RC 95, B.A.C.S.J., 1976, p.9.

* 7 CSJ., 19 mars 1980, RC 74.

* 8 RENARD (C.) et HENSENNE (J.), Source du droit et méthodologie juridique, Liège, P.U.Lg, 1972, p.46.

* 9 MUSHIGO A GAZANGA GINGOMBE (R.), Les principes généraux du droit et leurs applications devant la Cour Suprême de Justice, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, p. 29.

* 10 CSJ, 8 mars 1997, R.P. 1502, Affaire Jean et Karine STALAKIS contre TUMBA MATAMBA et Société générale de marketing Sprl, in B.A.C.S.J., 2003, p.229. Pour des études plus détaillées sur la question, Voy. MUSHIGO A GAZANGA GINGOMBE (R.), op.cit., p.27.

* 11 CSJ, 24 mars 1971, Ministère public et M.Antoine contre M. Jean in Revue juridique du Zaïre, 1971, p.117 ; CSJ, 3 avril 1974, R.P. 142, in B.A.C.S.J., 1975, p.69. Selon cette jurisprudence, en effet, la question de saisine est un moyen d'ordre public à soulever d'office, entraînant pour excès de pouvoir, cassation sans renvoi.

* 12 CSJ, R.C.57, 15 mai 1974, in B.A.C.S.J., 1975, p.157 qui arrête que « le fait de ne pas statuer à l'égard d'une partie au procès est une violation du principe général du droit selon lequel le juge saisi d'un litige doit vider sa saisine à l'égard de toutes les parties au procès ».

* 13 CSJ, RC 201, 29 août 1979, in B.A.C.S.J., 1984, p.246 qui arrête que « statue ultra petita ou outrepasse sa saisine le juge d'appel qui statue sur une action en dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail alors qu'il est saisi de l'action en dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse ».

* 14 CSJ, R.P.232, 5 juillet 1983 in DIBUNDA KABUINJI MPUMBUAMBUJI, Répertoire général de la jurisprudence de la Cour Suprême de Justice, Kinshasa, éditions C.P.D.Z., 1990, p.218, n°24 qui arrête que «  statue infra petita et ne vide pas sa saisine le juge d'appel qui, saisi de l'appel du prévenu, a omis de faire citer à la cause la personne condamnée au premier degré en qualité de civilement responsable ».

* 15 Art.2 de l'Ordonnance - Loi n° 82-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour suprême de Justice, in Journal Officiel, n°7 du 1er avril 1982, p.11.

* 16 KATUALA KABA KASHALA, Op. Cit., p.8

* 17 GUINCHARD (S) et MONTAGNIER (G), Lexique de termes juridiques, 8ème éd. Dalloz, Paris, 1990, p.430

* 18 Il faut préciser que l'expression « juridictions de jugement » est impropre en droit congolais qui ignore les juridictions d'instruction. La dichotomie devient dès lors superficielle mais l'expression littéraire a son charme auquel nous succombons de temps en temps.

* 19 Article 57 du code de procédure pénale ainsi qu'il résulte du décret du 6 août 1959 tel que modifié à ce jour.

* 20 Article 150 alinéa 3 in fine de la Constitution de la transition in Journal Officiel, 44ème année, numéro spécial, 5 avril 2003, p.39.

* 21 CS.J, 6 février 1974, RC 77, B.A.C.S.J., 1975, p.40

* 22 CSJ, R.C. 2, 6 avril 1970 in Revue congolaise de droit, 1971, II, p.9. Il faut préciser tout de suite que cet arrêt traduit une position surannée car l'article 107 de l'Ordonnance-loi n°79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du Barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l'Etat dispose clairement que les avocats près la Cour suprême de Justice représentent devant elle les parties sans avoir à justifier d'une procuration spéciale ; toutefois, cette jurisprudence s'applique devant les autres juridictions surtout en matière d'exercice des voies de recours.

* 23 ROCHE (J) et POUILLE (A), Libertés publiques, 12ème édition, Coll. Mémentos Droit Public/Science politique, Paris, Dalloz, 1997, p.58.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe