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L'incidence des quatre libertés communautaires sur la fiscalité : étude de la jurisprudence récente de la CJCE

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par Mouna EL HIH
Université Toulouse 1 Capitole - Juriste international 2009
  

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§2 : Le vacillement du test de proportionnalité entre l'examen de la finalité de la mesure le contrôle d'opportunité

A) L'examen de l'objectif de la mesure litigieuse

L'examen de la proportionnalité repose sur des éléments objectifs, permettant de comparer le but que poursuit une mesure litigieuse, et les effets qu'elle produit, un certain équilibre devant être dégagé de cette relation, en vue de la voir qualifiée par le juge de « proportionnelle ».

Cette analyse est aussi vraie en matière de fiscalité directe, de même que le critère essentiel à ce que ce raisonnement puisse garder toute sa pertinence est la finalité de la mesure en cause. En effet, la jurisprudence récente de la Cour nous donne à voir un ensemble de justifications crées par l'esprit prétorien au fil des années, et qui en apparence semblent très diversifiée. Toutefois, et si l'on y regarde à deux fois, on peut déceler une certaine constante dans cette équation jurisprudentielle : il s'agit en effet du critère de l'objectif de la réglementation en cause, qui en outre constitue l'un des maillons les plus importants à la chaîne relationnelle existant entre libertés du Traité et fiscalité directe.

Cette perspective a notamment été adoptée dans les affaires Manninen142(*) et Mark & Spencer143(*) par les avocats généraux Kokott et Poiares Maduro, qui proposaient à travers leurs conclusions de se baser sur le critère de l'objectif de la législation en cause à l'aune de laquelle devrait être jugée la justification avancée par l'Etat membre.

Le récent arrêt N. V. Lammers & Van Cleef144(*), fait semble-t-il lui aussi la démonstration d'un contrôle de la proportionnalité de la mesure par un examen de sa finalité. En l'espèce, le juge communautaire refuse de considérer que la restriction découlant de la loi anti-sous-capitalisation est justifiée par la lutte contre la fraude fiscale. La seule circonstance qu'une société résidente se voit accorder un prêt par une société apparentée, établie ailleurs dans la Communauté, ne saurait fonder une présomption générale de pratiques abusives et justifier une mesure portant atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale à l'exercice d'une liberté fondamentale. En effet, pour qu'elle puisse être justifiée par des motifs de lutte contre les pratiques abusives, une telle restriction doit avoir pour objectif de s'opposer à des comportements, consistant en la création de montages purement artificiels, dépourvus de toute réalité économique, dans le but d'éluder l'impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national145(*).

En adoptant le critère de la finalité comme fondement au principe de proportionnalité, le juge communautaire évince les dérives inhérentes au contrôle d'opportunité. Ces dérives peuvent apparaître sous les traits d'un basculement vers un contrôle d'opportunité.

B) Le basculement vers un contrôle d'opportunité

Le domaine d'intervention du juge communautaire va croissant avec les années, ce qui le conduit à se prononcer dans des domaines où l'harmonisation communautaire est peu avancée, comme en matière de fiscalité directe.

En effet, il se prononce de plus en plus fréquemment sur la compatibilité des mesures fiscales nationales en la matière, avec les dispositions relatives aux quatre libertés fondamentales proclamées par le Traité. En jugeant ainsi de la pertinence de telles mesures, le contrôle de la Cour glisse progressivement du champ de la légalité vers un contrôle d'opportunité, et ce notamment à l'étape du test de proportionnalité.

Le risque que la Cour s'approprie une fonction de réformation a posteriori des dispositifs fiscaux nationaux existe pour certains commentateurs. Ainsi, cela lui permettrait de compenser ce qu'elle n'a pas obtenu au stade de la légalité. Ce qui peut être lourd de conséquences pour les Etats puisqu'aucun recours n'est possible à l'encontre d'un tel contrôle. Ainsi, l'utilisation de ce test rendrait la jurisprudence de la Cour imprévisible, puisqu'elle serait caractérisée par une certaine casuistique qui l'entacherait de subjectivité.

De manière plus globale, cette méthode peut avoir une certaine incidence sur la fonction même du juge de la Communauté en matière de fiscalité directe. En effet, « la construction d'une fiscalité à l'échelle communautaire se faisant davantage à Luxembourg qu'à Bruxelles », l'insécurité juridique serait augmentée en la matière, et ce notamment à cause du caractère jurisprudentiel des uniques justifications admises et contrôlées par la Cour, qui malgré qu'elles soient inspirées par l'esprit du Traité, demeurent des créations purement prétoriennes. Les évolutions de la jurisprudence, au gré de l'humeur du juge, fluctuant entre sévérité et ouverture, sont de nature à perturber le contribuable et surtout les Etats, ne sachant plus ou s'arrête la compétence de la Cour qui intervient même en matière de fiscalité directe, sans pour autant que le Traité Ce ne prévoit une telle compétence.

Ces inquiétudes, exprimées par la doctrine146(*), doivent toutefois être nuancées. La démarche de la CJCE demeure malgré tout prudente, et s'apparente assez à celle du droit public français en matière de sauvegarde des libertés, tout en s'en distinguant par plus de précision, notamment en ce qui concerné le contrôle d'adéquation opéré par le juge administratif français sur la légalité d'une mesure de police portant atteinte à une liberté fondamentale147(*).

Ce contrôle opéré par la Cour n'est somme toute que la dernière étape dans son cheminement rationnel visant à assurer une protection efficace des libertés du Traité. Si la justification de la restriction fiscale à la liberté du Traité échoue au test de proportionnalité, alors la mesure nationale sera jugée incompatible avec le Droit communautaire.

Cette condamnation emportera différentes conséquences, que l'on se propose de développer dans la deuxième partie de notre étude.

* 142 Arrêt Manninen préc.

* 143 Arrêt Mark & Spencer préc.

* 144 CJCE, 17 janv. 2008, aff. C-105/07, N. V. Lammers & Van Cleef ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité : Litec, 2008, p. 302.

* 145 Arrêt Test Claimant in the Thin Cap Group, préc.

* 146 V. Notes 114 et 125.

* 147 Cf. Note 26.

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